Un article subjectif sur Nexus VI: la chronique de science-fiction qui ne manque pas d’air (dans l’espace)

Il y a des articles qui sont plus excitant que d’autres à écrire. Et à l’heure ou j’écris ces lignes, je suis plein d’effervescence.

Version podcast de l’article

Avant de vous parler des créateurs de contenus/vidéastes/influenceurs/ réalisateurs de films/cinéastes de Nexus VI/ youtubers, j’aimerai vous parler succinctement de la création vidéo sur internet.

Il est acté que la fiction sur Youtube n’a jamais fonctionné en dépit de nombreux investissements dans le secteur florissant du web. Mais à l’heure ou les vlogs dégustations ont la même valeur qu’un court métrage, l’ambition du Youtube Game est désormais partie en flambeaux.

L’audience a préféré les Youtubers aux Motionmakers, et s’intéresse désormais à des formats plus courts encore.

L’attention du spectateur s’efface dès l’instant où l’oeuvre se décide à lui montrer autre chose que des effets spéciaux sourds ou bien la star du moment gigotant sur un rythme aussi éphémère que sa présence.

Et dans ce déferlement de contenu se cachent parfois des pépites qui rêvent de changer notre perception de la création vidéo sur internet. Des gens qui veulent partager leur vision de l’audiovisuel tout en jouant avec les limites de leur média.

Laissez moi vous parler du Nexus VI

Selon Wikipédia, Nexus VI est une émission française spécialisée dans la science-fiction diffusée sur YouTube depuis décembre 2014.

Wikipédia a sûrement raison. Mais ce que l’encyclopédie libre oublie de préciser, c’est que c’est un projet à contre courant des manières contemporaines de consommer l’audiovisuel.

Le Trailer le plus fou de la SF Française – NEXUS VI

Porté par la société de production audiovisuelle de Metz appelé Fensch Toast, NEXUS VI raconte l’histoire du Cap’tain du vaisseau spatial éponyme et de son équipage. Ces personnages parcourent un univers de science fiction dans un futur lointain.

Le Cap’tain partage sa passion pour la science fiction sous toutes ses formes: films, séries, jeux vidéos, littérature… Le tout de manière référencée, et sur un ton humoristique. Durant de long moment, notre protagoniste évoque les oeuvres de science-fiction en argumentant son avis face caméra.

La différence principale étant que ses chroniques détournent le format de la vulgarisation Youtube en entrecoupant son discours par des séquences narratives qui permettent d’ajouter une dimension supplémentaire à son argumentaire.

Pourquoi c’est différent ?

L’un des atouts de la chaîne est d’abord son concept, qui profite d’une diégèse intéressante: le Capitaine s’adresse à nous du futur. Ce qui lui permet de jouer avec avec l’actualité en la décrivant rétrospectivement.

Mais ce n’est pas tout.

Le projet profite d’un soin tout particulier apporté à l’écriture qui jouit pleinement de son double sens: les séquences de fictions viennent étayer le propos de la partie chronique et la chronique vient appuyer la narration proposée dans l’aventure.

L’idée de coupler la chronique à la fiction n’est pas nouvelle puisqu’il existe depuis de nombreuses années des web créations qui ont cet objectif: Le CORONER sur la chaîne Chronik Fiction y prend également ses racines dans un format plus condensé mais accrocheur. Tout comme beaucoup de séries depuis le développement de la vidéo sur l’internet francophone et international.

J’aime la chronique-fiction sous toutes ses formes. L’une des productions que j’apprécie dans le même registre est Hyperdrive: un podcast audio dédié à Star Wars et ses influences SF, et au-delà. Un classique du genre qui relate les aventures de personnages originaux dans l’univers de Georges Lucas tout en y partageant leur passion pour cet univers.

Mais revenons à Youtube.

Les Chroniques du NEXUS VI effacent complètement l’amateurisme de leurs productions: pas d’effets spéciaux cheap (seulement dans les premiers épisodes, mais c’est visuellement très réussi), pas de face caméra dans une chambre mal éclairée, pas d’images pixelisées. Cela est sûrement une conséquence de la dimension professionnelle de cette activité puisqu’il s’agit avant tout d’une production issue du portfolio de Fensch Toast. Mais la qualité de l’oeuvre est au rendez vous. Que ce soit les effets visuels, les costumes ou les décors, tout a de la gueule.

Côté direction artistique, les aventures du Nexus VI sont narrées de manière organique: chaque aventure peut-être découverte sans avoir vu les épisodes précédents. Mais la partie la plus intéressante et celle qui découle tout droit de la culture internet: des vidéos intermédiaires dans lesquelles on découvre la réparation du vaisseau du Nexus VI. Dans une autre vidéo, on danse au rythme d’une musique « chantée » par Slexno, un membre de l’équipage.

Le clip « Joyeuses fêtes ».

La dimension internet se ressent d’autant plus dans les Review Breaks: des vidéos de réactions à chaud sur les sorties récentes et qui embrassent pleinement les standards de la scène « Critique Cinéma » de Youtube.

Critique de Star Wars: The rise of Skywalker

Mais encore une fois, l’équipe du Nexus VI ne fait pas les choses à moitié, et propose une double lecture en utilisant la critique partagée dans la vidéo comme élément de diégèse.

Malgré tout le bien que je pense de Nexus VI, il subsiste un défaut majeur qui est inhérent au concept de la chronique-fiction.

S’émanciper d’un avis pour mieux apprécier une histoire

Vous vous souvenez quand je vous disais en début d’article que la fiction sur internet n’est plus une priorité ?

La chronique-fiction a un problème: la chronique.

Je pense que les initiateurs de projets de chronique-fictions voient en ce format l’espoir de pouvoir raconter des histoires. Hélas, quand on écrit une chronique parlant d’une autre oeuvre, on choisit de se séparer d’office de son audimat.

Les gens qui n’aiment pas ou ne connaissent pas le sujet de la vidéo ne s’y intéressent pas.

Les gens qui s’intéressent au sujet mais qui n’aiment pas votre discours où votre contenu se brident lors du visionnage.

Les gens qui ne partagent pas votre avis vous haïssent.

En bref, on divise, et ce malgré la qualité du contenu produit.

Et c’est un frein supplémentaire à l’attachement du spectateur à l’histoire qu’on lui raconte, ou qu’on veut lui raconter. Bien qu’on puisse proposer un avis au travers d’une histoire, et sans chronique !

Finalement, pas besoin de noter explicitement le titre d’une oeuvre dans une vidéo pour partager son avis dessus. Par contre, ni Google ni Youtube ne vous relaieront.

Et paradoxalement, c’est une solution qui permet d’exister dans les algorithmes de recommandations, et d’aller chercher les futurs spectateurs de son histoire.

L’équipe du Nexus VI a compris qu’en voulant parler de science fiction sur un format tendance, elle agripperait de nouveaux spectateurs prêts à poursuivre l’expérience dénuée de références explicites à une oeuvre. En d’autres termes: l’audience ne regarderait pas NEXUS VI pour le sujet de la vidéo mais pour NEXUS VI.

Et la première tentative d’échapper à la chronique est une web série intitulée NEXUS VI: Legends. Une série de deux épisodes de 10 minutes en moyenne diffusée sur le web et dépeignant de nouvelles aventures exclusives de l’équipage.

Mais rapidement, l’ambition démesurée du projet a mobilisé plus de moyens. avec la réalisation d’épisodes plus impressionnants, plus aboutis et donc par définition, plus couteux et longs à produire.

« Abonnez-vous » vs « Bon visionnage »

Alors voilà. Le marché de la vidéo sur Youtube est compétitif. Il y a de nouveaux entrants chaque jours, qui ont de plus en plus de moyens.

Youtube a laissé sa place aux boites de productions qui se cachent derrière vos influenceurs préférés tandis que les jeunes, sans moyens financiers, sont restés dans leurs chambres à partager du contenu chez la concurrence.

Les Youtubers ont besoin de nouveaux atouts de différentiations permettant de rester dans une compétition dont les seuls gagnants sont des algorithmes de recommandation publicitaire. Alors les créateurs investissent dans une meilleure qualité d’image, un meilleur son et un meilleur montage. Ils évoluent dans l’objectif d’effacer l’amateurisme de leur début dans leurs nouvelles productions et prouver qu’ils sont encore dans la course.

Mais l’audiovisuel coûte cher. Et le public préfère peut-être votre chambre.

Il y a dix ans, des labels dédiés à la création de contenus pour le web français se lançaient avec Studio Bagel, Golden Moustache, Dix minutes à perdre… Tous ont été absorbés par les géants de l’audiovisuel: M6 pour Golder et Canal+ pour Studio Bagel, ou ont disparu dans le cimetière du web.

Les émissions et les fictions ont laissé place à des formats courts bien rodés et au brand content. Ce qui reste passionnant, mais qui privilégie la production quantitative à la qualité: la vidéo sur internet est encore et toujours une industrie.

Le modèle des plateformes sociales reposent sur leur soif d’interactions: il faut que l’utilisateur navigue et reste captif. Alors entre deux feat-n-fun, reste-t-il de la place pour un blockbuster venu du web ?

Où sont les web-créations ?

Depuis quelques années, les plateformes tentent d’inclure des fictions dans leur écosystème en les finançant, comme Youtube Originals, ou Snap Originals. Ces tentatives infructueuses laissent à penser que Youtube ne s’intéresse à la fiction que si elle apporte en audience, et rapporte en affichage publicitaire.

Mais quand je vois NEXUS VI lancer son projet de film pour les salles obscures, dans la lancé du film Le Visiteur du Futur. Je me demande si le vaisseau du Nexus VI ira côtoyer le Faucon Millénium, dans un futur où la science-fiction au cinéma ne se résume pas à de la franchise hollywoodienne.

La web série quitte son média millénials pour atterrir sur un média centenaire.

Et moi, j’espère enfin pouvoir quitter mon téléphone pour le grand écran: j’aurais moins mal aux yeux.

Ne faites pas du cinéma une cinématique

Attention. Ceci est un billet d’humeur écrit à chaud suite au visionnage du film Avatar: La Voie de l’Eau de James Cameron. Il décrit l’un des problèmes du film. Cet article ne sera pas objectif !

Alors voilà. Après treize ans d’attente, la suite d’Avatar est arrivée dans nos salles obscures. Et en entrant dans la salle, j’étais heureux: un retour à Pandora était plus que bienvenue pour un fanatique d’images de synthèses.

J’avais de grande attentes avant le visionnage de ce film: (re)découvrir un monde dans lequel onirisme et réalisme se côtoient dans une ode à la nature. Le tout dans un projet qui veut bousculer à lui seul le monde du cinéma.

Il y a deux annonces précédant la sortie du film qui m’ont intrigué:

– Une ambition artistique possible grâce à la technologie
– L’amélioration de la technique

Et ces deux éléments sont pour moi le problème et la solution à l’équation Avatar.

Au delà de l’acteur, le comédien

L’idée de la motion capture est désormais actée de tous: permettre à n’importe qui d’incarner n’importe quel personnage de fiction. Et faire incarner une jeune fille par une actrice confirmée est pour moi un retour de l’art théâtrale au cinéma.

Faire incarner des aliens par des acteurs était une première étape ambitieuse, mais ici le film va plus loin en permettant à l’acteur de s’émanciper de son âge, et c’est du génie !

L’introduction d’un personnage adolescent joué par une actrice de soixante-et-onze ans au travers de l’actrice légendaire Sigourney Weaver permet donc d’entrevoir une nouvelle étape dans le processus de casting d’un film qui se concentre sur la performance tout en mêlant de nouvelles manière de jouer le personnage. L’expérience d’un acteur qui s’entrechoque avec l’innocence de son personnage est un premier pas vers un retour des Comédiens au grand écran.

J’espère donc pouvoir entrevoir un cinéma qui abandonne ses têtes d’affiches pour des comédiens dont le talent ne se résume pas au CV.

Mais cette promesse est, hélas, également le moyen de ramener à la vie des acteurs d’outre tombe dont le visage rassure les équipes marketing.

Il faut cependant noter que la technologie de la « Mocap » utilisée en tant que telle dans le cinéma vient une fois de plus briser la frontière fine mais coriace entre le jeu vidéo et le cinéma.

L’art ne cesse de challenger la technique

Comme je le dis souvent, la créativité né de la contrainte. Mais ces dernières années, le numérique a abolit cette dynamique.

Pour la réalisation de ce film, de nouvelles technologies de motion capture sont venues remplacer le matériel vieillissant du premier film. Désormais, le matériel de capture faciale réduit le besoin en animateur pour retoucher les performances des acteurs altérées par l’outil primitif de 2009. D’ailleurs, la volonté de réalisme de Cameron a poussé les équipes de R&D de Lightstorm et ses prestataires à développer de nouveaux outils de captations de mouvements sous-marins.

Mais outre la prouesse technique permettant d’améliorer le tournage, les outils de productions visuelles sont aussi passés à l’étape supérieur.

Alors, outre les outils de rendus graphique perfectionnés, je pense qu’il est important de souligner que ce niveau de détail résulte à la fois de puissances de calculs grandissantes, mais aussi de l’augmentation du nombre de paramètres pour chacun des éléments graphiques du films. On imagine donc que le Pipeline derrière la production du film a du être conséquente au vu des enjeux titanesques du projets: data management au niveau production, pour l’animation, le lightning, la conception 3D (modeling, rigging, texturing, hair artists…), l’archivage au niveau du département artistique (concept arts, storyboard, montages previz…), et bien sûr les rendu et ses démons.

Et c’est ici que mon problème se pose.

Le cinéma est devenu cinématique

En décidant de faire de ce film une révolution du numérique, James Cameron a du faire des choix qui relèvent pour certains d’un avant-gardisme, et pour d’autres d’une grosse bêtise.

Avec le HFR (pour High Frame Rate), Cameron voulait rendre certaines séquences de son film plus impressionnante en démultipliant le nombre d’images diffusées en une seconde.
Au cinéma, la fréquence d’images est le plus souvent de vingt-quatre images par secondes. Le HFR veux bousculer cette tendance en doublant le nombre d’images (48 images par secondes).

Le HFR est née d’une volonté des développeurs de jeux vidéo en permettant au joueur de vivre l’aventure de son personnage avec une meilleure fréquence d’images: tuer des ennemis dans Doom devient plus joussif avec un gameplay frénétique qui profite pleinement de la cadence de productions d’images en temps réel des processeurs graphiques de votre ordinateur.

Et c’est pour cela que le HFR s’est ajoutée malgré lui dans la longue liste des innovations inutiles donc indispensables de l’Industrie du Cinéma.

Mais nous sommes en 2022, et le HFR accroit substantiellement le prix de la production d’un film.

Si on passe de 24 à 48 images par secondes d’un film, on double le nombre d’images. Et si on veut continuer d’exploiter le potentiel commercial de la 3D, on double une fois de plus le nombre d’images pour les deux yeux de notre spectateur.

Hélas, Cameron s’est décidé à faire varier la fréquence d’images durant le film: des séquences en 48 i/s sont entrecoupées de séquences en 24 i/s.

Et peu importe que cette décision est été motivée par des raisons d’économies ou une volonté de « déployer progressivement la technologie HFR », j’ai un problème.

Je dois avouer que je suis un gamer: j’aime jouer et parfois même créer des jeux vidéo. Et en tant que joueur, je n’aime pas voir mon jeu « lagger »: car cela entraine des baisses de la fréquence d’images (dit « framerate » en anglais).

Mais ce qui m’a conduit à être extirpé de l’intrigue fade et insipide du film est l’absence totale de motion blur dans les séquences en HFR. Car puisque le nombre de frames est doublée, il devient inutile de simuler l’effet de mouvement inhérent à notre capacité visuelle.

Et c’est pourquoi durant la projection de mon film en Dolby Vision j’ai eu l’impression de voir une cinématique douée d’un univers magnifique et sublimée par des effets visuels splendide, le tout dans une dynamique d’animation digne des meilleurs titres de Playstation 2.

Oups.

Alors voilà. Après le visionnage du film, une question se pose, une fois de plus: quelle est la place de la technologie au cinéma ?

Car après avoir rapatrié les savoirs-faire issus de l’animation, puis les talents du jeu vidéo, le cinéma se décide à prendre une direction qui me dérange.

Pour moi, le cinéma telle qu’il est présenté dans ce film est sur la frontière tenue entre le réalisme épatant et Uncanny Valley (en français « Vallée dérangeante » qui est une notion qui décrit la sensation de malaise provoquée par un personnage si réaliste que ses imperfections nous paraissent monstrueuses) issue malgré elle de la méthode de projection du film.

A mon humble avis, la technologie est ici utilisée pour une mauvaise raison: à savoir changer les méthodes de visionnage quitte à altérer l’oeuvre et son message.

Finalement, j’ai l’impression que les images photo-réalistes et les environnements sur-détaillés n’arrivent plus à satisfaire les ambitions de Cameron qui choisit ici l’ajout d’une technologie peu pertinente dans ses visions d’auteur. Peut-être pour rendre l’expérience en salle unique et la différencier de son re-visionnage sur petit-écran. N’était-ce pas l’objectif de la 3D ?

Mais personnellement, j’ai peur de préférer le framerate du prochain jeu Avatar à celui du film. J’espère que cela ne sera pas de même pour son scénario.

Oups.

Ankama, ou l’héritage de Dofus contre l’ambition du Krosmoz

Avant-propos

Cet article est la version papier du script rédigé pour l’épisode 6 de UNAI, ma web-série et chronique du jeu vidéo et du multimédia. La version vidéo de cet article est disponible sur ma chaine Youtube.

Bonne lecture.

Incipit

Nous sommes en 2001, lorsque Anthony ROUX, Camille CHAFER et Emmanuelle DARAS, anciens salariés de l’agence web iPuzzle, fondent une jeune compagnie à laquelle ils offriront leurs noms respectifs : Ankama.

La jeune équipe s’acharne à évoluer dans ce nouveau milieu qu’on appelle internet. Elle s’applique alors à créer des sites web pour des clients tels que La Redoute, mais aussi de maintenir des intranets d’entreprises ou bien de créer et gérer les systèmes d’informations de leurs clients.

Pourtant, dans l’esprit de ses fondateurs, Ankama n’est pas vouée à rester qu’une simple agence web. Non, secrètement, ils rêvent de faire de leur entreprise un studio de divertissement.

Une agence nommée Ankama web

Quand on regarde rétrospectivement les starts up nées dans les années 2000, on observe qu’une grande partie de ces entreprises ont survécu jusqu’à aujourd’hui mutant en agence web.

Pourtant, Ankama démarre à l’inverse en tant qu’Agence web et de prestation de service. Et dès le départ, entre des formations au graphisme, le webmastering, le conseil, le référencement, et bien sûr le jeu vidéo, l’entreprise joue sur de nombreux fronts.

L’un des savoir-faire de la société est Flash, une suite logiciel développée par la société Macromédia, qui sera d’ailleurs rachetée par Adobe plus tard.

La spécificité de ce logiciel est sa simplicité d’utilisation et surtout, son outil de dessin vectoriel. Le logiciel a été pensé comme un environnement de développement complet capable de créer des applications complexes et professionnelles à l’aide de son langage de prédilection : l’Actionscript.

Le logiciel possède deux principales fonctionnalités : son système de développement et son outil de création graphique.

Pour Anthony Roux, alias Tot, Flash est un allié de toujours. Un pilier qui restera durant un long moment l’un des socles technologiques de la société.

Et si on faisait un jeu vidéo ?

En 2001, la société peine à convaincre. Elle vivote grâce à son activité de prestation informatique aux entreprises et Emmanuel Darras cherche des fonds pour pouvoir faire survivre l’entreprise, lancée avec 3000 euros chacun.

Mais pendant ce temps, une idée folle germe dans la tête d’Antony et Camille, les deux autres fondateurs.

Flash, est un logiciel qui a la côte. En effet, le logiciel est un vrai phénomène au début des années 2000. Entre les portails de jeux flash qui battent tous les records et les hits créés avec cette technologie accessible paradent. On notera par exemple l’apparition des pionniers du jeu indépendant qui testent leurs idées de Game Design sur Flash ou des killer apps telles que Yetisports se partagent par un simple lien dans un mail.

Il faut dire que la technologie a ses avantages : multiplateforme, portative et surtout accessible depuis n’importe quel navigateur web sous condition d’avoir le module Flash Player installé sur son ordinateur.

Mais dans la tête de nos deux compères, flash peut être un moyen d’exprimer leur talent ailleurs que sur un site web vitrine. Non, ils entrevoient plus grand.

C’est ainsi qu’entre 2001 et mi 2002, la petite équipe travaille sur des ébauches de mini-jeux. Ils développeront d’abord des jeux de tank multi-joueurs ainsi qu’un premier jeu solo intitulé ArtySlot.

Sur le site d’Ankama, on peut lire dans la section Création de jeux vidéo on peut déjà entrevoir son univers si unique, l’humour potache et l’univers fabuleux y est présent. On y voit des poulets cracheurs de feux et des arbres indéracinables. Les prémices de l’univers connecté qu’ils s’apprêtent à créer, le Krosmoz, pointent le bout de leur nez.

Mais c’est en 2003 que l’équipe dévoilera le produit qui fera d’Ankama l’un des empires du divertissement français : le jeu vidéo massivement multi-joueurs, Dofus.

La créativité née de la contrainte

Le projet Dofus est passé par plusieurs étapes : au début il s’agissait au début d’un épisode de la série de jeux vidéo Artyslot, intitulé Duel. Ce dernier ne permettait que du combat au tour par tour, en joueur contre joueur.

Première ébauche de Dofus: le jeu JcJ Duel

Mais c’est par la suite que le jeu s’est peu à peu complexifié pour devenir un mixte entre chat en ligne, à la blablaland-un autre jeu populaire de chat de l’époque- et un vrai jeu vidéo avec du challenge, des monstres et surtout un Lore.

Le terme MMORPG ne s’accorde pas au projet des débuts. Certes, l’objectif de la petite équipe est de développer un jeu communautaire, mais le jeu reste minuscule comparé au mastodonte qui sortira quelques semaines plus tard : World of Warcraft de Blizzard Entertainment.

Non, ce qui fait la particularité de Sortilej-l’un des noms donnés au projet, c’est d’aller à contre-courant des productions de l’époque. La mode est à la 3D, aux univers sérieux. Au médiéval fantastique.

Dofus sort du lot. Une fois connecté à son compte, le joueur débarque dans un univers parodique et unique en son genre. Le style graphique en 2D mélangeant cartoon et style animé japonais fait du jeu une perle de son époque.

Pourtant, comme on dit, la créativité née de la contrainte, de Dofus n’échappe pas à la règle. Les faibles débits de connexion de l’époque ainsi que les limites technologiques de Flash ne permettent pas de créer un monde grouillant de détails. Le jeu se joue à la souris et ne permet pas au début un déplacement rapide. Le jeu est rempli de bug car le moteur de jeu Flash est difficile à dompter.

Analyse d’un succès français

Et pourtant entre chat virtuel et jeux vidéo, Dofus est un succès incroyable. En 2007 c’est trois millions de joueurs qui ont visité les contrées d’Amakna.

Dofus se veut un MMORPG stratégique. Le gameplay est plutôt simple, puisque l’interface du jeu est découpée de manière à être accessible à la souris. Et malgré les limitations techniques et technologiques auxquelles l’équipe d’Ankama a dû faire face, le jeu est une merveille d’ergonomie.

Schématisation sommaire de l’interface de Dofus 1.29

L’écran de jeu est alors coupé en deux parties.

La première partie est l’interface utilisateur. On y retrouve le chat, un hub d’informations relatant le nombre de points de vie de son personnage et ses points d’expériences. Avec des menus pop-ups qui vont chacun enrichir l’expérience du joueur. Et à droite on a un panel contextuel qui va afficher les attaques pour les combats ou bien des émoticônes.

La seconde décrit le monde visité par le joueur. Entièrement dessiné et animé à la main. On y voit son avatar se déplacer dans le monde lui-même découpé en plusieurs sous carte.

Pour passer d’une carte a à l’autre, on doit faire bouger son personnage en cliquant à l’endroit où on souhaite qu’il se déplace. Ce dernier va alors marcher ou courir vers le lieu désiré. Dans le cas où le joueur veut changer de sous carte, ce dernier n’a qu’à se déplacer en cliquant sur un petit téléporteur en forme de soleil pour voir son personnage changer de sous-carte.

Et déjà, on perçoit au travers de cette fonctionnalité de déplacement du personnage les forces et les faiblesses du projet : cette méthode est un cache misère. Parce qu’à l’époque, il est difficile de faire une caméra mouvante qui suit le joueur dans l’environnement sous flash.

L’image perdrait alors de sa fluidité et le jeu serait moins accessible en fonction des configurations des PC des joueurs. C’est pourquoi l’équipe a choisi de garder l’environnement statique et de faire en sorte que le joueur se déplace dessus.

Pourtant, le jeu réussi à rendre le tout intuitif et organique. Dès le début du jeu, le joueur est confronté à un tutoriel permettant de mieux appréhender les caractéristiques du gameplay. Et chaque action semble naturelle.

Et ceci est l’une des nombreuses prouesses de la jeune équipe d’Ankama. Chaque partie du gameplay est en fait pensée pour composer avec les limites de son moteur : flash, mais aussi des limites du réseau naissant : Internet.

C’est pourquoi les combats du jeu seront non pas en temps réel, mais au tour par tour.

Les graphismes sont aussi impactés par les limitations graphiques des processeurs de l’époque. C’est pourquoi les environnements riches en détails seront des images bitmap, quand les éléments animés comme les personnages seront réalisés en vectoriels à l’aide d’une direction artistique issue de la culture manga japonaise et de la bande dessinée franco-belge ! Tout est pensé pour optimiser l’espace de stockage tout comme l’espace de votre processeur.

Et c’est là qu’on voit l’un si ce n’est le talent créatif d’Ankama : jouer avec les limites. Aller au-delà de ce qui est possible avec ce qu’ils tiennent entre leurs mains et défier le monde du divertissement avec quelques morceaux de ficelles.

Au-delà de Dofus : le transmédia

Mais Ankama ne veut pas s’arrêter là. C’est en 2005 que Ankama commence à travailler sur son deuxième titre Dofus Arena, mais aussi sa filiale Ankama Editions qui s’occupera dans un premier temps de l’édition des Art books et beaux livres présentant les making-of du jeu. Et bien sûr, du phénomène du manfra Dofus scénarisé par Tot et illustré par Ancestral Z.

Le transmedia est une stratégie de narration multimédia et multisupport. L’idée est la suivante : on déploie un univers sur différents supports : jeux vidéo, bande dessinée, animation, livres… Dans le but d’approfondir l’univers tout en multipliant les sources de revenus.

Cette stratégie peut être utilisée à plusieurs fins :

– Tout d’abord, l’idée est de créer de nouveaux canaux d’entrée au produit principal. Des jeunes gens peuvent découvrir la bande dessinée, qui va les inciter à découvrir le jeu. Voyez cela comme une publicité qui vous raconte une histoire, et qui fait partie de l’expérience.

– Ensuite, cela permet de diversifier, et structurer l’entreprise. La jeune agence web mute en groupe et va chercher de nouveaux relais de croissance pour sauvegarder son indépendance.

– Enfin, à l’échelle humaine, cela permet de proposer à ses équipes de nouvelles expériences professionnelles tout en restant au sein de la boite. Cette méthode permet alors des bols d’air frais créatifs, aux animateurs notamment.

Le transmédia est donc plus qu’un argument marketing, c’est un esprit d’entreprise. C’est à ce moment qu’on va voir émerger de nouveaux projets ambitieux qui vont à la fois souligner l’innovation au sein de l’entreprise, mais aussi démontrer ses limites.

Un studio d’animation va alors voir le jour, avec la mise en place d’un pipeline autour du logiciel flash. On verra également la création de nombreuses filiales, dédiées à l’internationalisation de la stratégie transmédia de l’entreprise.

Ankama va alors grossir et devenir plus qu’un studio de jeux vidéo. Ils lancent ainsi un portail vidéo en 2006 sur lequels les fans vont pouvoir regarder les bandes annonces des futurs projets de l’entreprise, mais aussi des émissions produites en interne en partenariat avec la chaine Nolife et le site Gameblog.fr sur lesquelles Ankama devient actionnaire.

Ankama va également structurer sa maison d’édition, faire grandir des labels de musiques, construire un pôle évènement, faire des films d’animations stop-motion, lancer des jeux indépendants, construire une crèche dans son quartier… Le tout en racontant des histoires au-delà de nos frontières.

Parce que pour Tot, la prochaine étape pour l’entreprise est l’internationalisation de ses créations. Dofus reste un succès sur le territoire français, mais aussi en Amérique du Sud. Mais à l’époque, comme aujourd’hui, la grosse part du gâteau se trouve en Amérique du Nord, et plus particulièrement aux Etats-Unis.

Le rêve Américain d’Ankama doit donc prendre une nouvelle forme. Il doit se matérialiser sous la forme de l’un des projets transmédias les plus ambitieux de la décennie. Et ce projet a pour nom « Wakfu ».

L’ère du Wakfu

Wakfu est un jeu se déroulant 3000 ans après l’histoire contée dans son jeu précédent. Et c’est plus qu’un Dofus 2.

Le projet propose cinq grands axes à ses débuts :

– Un jeu vidéo massivement multijoueur sur internet qui se veut le successeur et suite de Dofus.

– Une série d’animation composée de deux saisons de 26 épisodes, deux épisodes spéciaux réalisés au japon, trois OAV, et une troisième saison de treize épisodes.

– Un jeu de carte Wakfu à jouer et à collectionner

– Un ambitieux plans de publication avec l’édition de bandes dessinées originales dont les séries Wakfu Heroes, Wakfu les larmes de sang, une série de bande dessinée ainsi qu’une série de mangas

– La mise en place de produits dérivés, de jouets et de goodies via sa filiale Ankama Products et des partenariats notamment avec BANDAI.

Toutes les activités du groupe Ankama sont mises à contribution, dont la filiale Ankama Press. On a alors la création de magazines dédiés à la jeunesse avec Mini Wakfu Mag, mais aussi Wakfu Mag à partir de 2012.

En parallèle du développement du MMO Wakfu, qui ne sortira qu’en 2012, Ankama propose un palliatif appelé Wakfu : les Gardiens.

Un jeu vidéo multijoueur en ligne, reprenant les éléments de gameplay de Dofus en version simplifiée et jouable directement sur navigateur web à l’aide Flash Player et qui se veut une initiation aux jeux multi-joueurs.
Enfin, ce sont aussi quelques jeux vidéo jouables en solo, avec Islands of Wakfu, et bientôt One more gate : A Wakfu Legend.

Ankama va aussi s’associer temporairement à Square Enix pour publier Wakfu en Amérique du Nord. Et plus tard, ils vont aussi s’entourer de la société Gumi pour le jeu mobile Wakfu : Raiders.

Wakfu, c’est donc plus qu’une simple remise à niveau ou qu’une extension de Dofus. C’est le projet le plus ambitieux porté par Ankama. Et chacun des produits qui font partie de cet univers vont porter des défis techniques, et artistiques.

Wakfu, le MMORPG

Côté jeux vidéo massivement multijoueur avec son MMO, Ankama abandonne le moteur de jeux Flash pour un moteur de jeu entièrement basé sur une tout autre technologie : JAVA.

L’idée est de se défaire des contraintes technologiques de Flash pour proposer un Dofus taillé pour l’international.

L’idée de Wakfu était de proposer un Dofus plus accessible, plus populaire. Et proposer une dimension transmédia pour le projet va dans ce sens. Et pourtant, le jeu gagne en complexité.

Avec un système d’environnement dynamique dans lequel les joueurs ont l’opportunité de tout détruire et un ambitieux gameplay qui allie écologie et politique, Wakfu vient s’inscrire dans une ambition de démesure qu’est l’univers connecté d’Ankama : le Krosmoz.

L’héritage de Dofus

Ankama a tenté et tente encore aujourd’hui de nouvelles choses. Mais beaucoup de leurs tentatives de se détacher du pilier de leur Success Story Dofus se sont soldées par des échecs.

La stratégie Ankama pourrait être perçue comme une prise de risque créative permanente. Il y a néanmoins des éléments qui trahissent la volonté d’Ankama de ne pas sortir des sentiers battus par son premier succès.

Et à mon sens, cela se traduit par deux éléments récurrents dans l’ensemble de son œuvre.

La ludographie d’Ankama

Au niveau de la ludographie, on remarque que la quasi-totalité des productions de la société se veulent être des successeurs spirituels de Dofus. On y recroise un tour par tour stratégique inspiré de Final Fantasy Tactics, avec une grille posée sur un environnement dans lequel le joueur doit battre ses adversaires. Néanmoins, Ankama semble comme réinventer la recette de son tour par tour à chacun de ses jeux.

Par exemple, le système de jeu de Dofus, bien qu’il soit en tour par tour sur une grille, n’a absolument rien en commun avec le gameplay de Krosmaga, qui pour le coup, empêche le joueur de reculer ou de fuir son adversaire.

Ici, l’entreprise mise sur des forks de son succès. L’idée est de reprendre à chaque fois les éléments qui ont fait le succès de son Dofus, et de les ajuster pour agripper un nouveau public. Mais attention, quand je parle de forks, ce n’est pas juste prendre le code de Dofus et le copier-coller. Non, ici, c’est reconstruire un projet de zéro, parfois sur une autre technologie de développement de jeu, et lui appliquer de nouvelles idées de gameplay.

Et pour moi, c’est ici encore qu’on perçoit toute la vision d’ankama : on a une succession de jeux, qui adaptent chacun à leur manière le gameplay Ankama, la philosophie de l’univers du Krozmoz. Chaque jeu n’est finalement qu’un module, qu’un monde parmi tant d’autres. Et ce côté modulaire est précisément lisible dans le projet d’Ankama Launcher. Un exécutable, dans lequel on peut accéder à l’ensemble des univers de la firme.

On peut alors basculer d’une époque à l’autre, basculer d’un gameplay à l’autre, d’une vision à l’autre d’un même univers.

Mais le gameplay tour par tour n’est pas la seule obsession d’Ankama.

Le Shonen parodique

Au niveau de la narration, il y a un domaine dans lequel Ankama excelle depuis des années. Ce domaine, c’est le Shonen parodique.

Au cours de son existence, Ankama a lancé de nombreux projets et sa ligne éditoriale, même si elle reste ouverte à des propositions fortes d’auteurs, elle a longtemps été rythmée par le Shonen.

Le Shonen est un genre de manga qui vise le jeune public masculin. On y retrouve des archétypes de la narration comme le héros au mille et un visages, qui va vivre des aventures incroyables dans un univers fabuleux. L’idée est d’y découvrir un personnage grandir. D’y voir l’ascension d’un jeune garçon qui au travers de ses rencontres, va changer le monde.

Et l’un des Shonen les plus emblématique est bien sur Dragon Ball, une quête initiatique qui comporte une dimension parodique, et humoristique.

Ankama reflète cet esprit shonen, et devient même le miroir de la génération club Dorothée.

Et il est récurrent de voir des personnages du Krozmoz qui revêtent cette tradition. On peut notamment citer les personnages de Yugo, de la série Wakfu, de Joris du film Dofus, d’Arty dans le manga Dofus ou bien Pym dans le manga Dofus Arena.

A mon sens, ces différents éléments qui étaient autre fois la marque de fabrique d’Ankama, sont devenus sa limite. Et quand je découvre les nouveaux projets portés par l’entreprise, comme Princesse Dragon ou La dernière aventure du conte Lance-dur, il me semble évident que les équipes ont envies d’aller vers autre chose.

Et l’œuvre qui catalyse l’ensemble de cette remise en question est la troisième saison de la série Wakfu.

Le paragraphe suivant contient des spoilers et peut vous divulgâcher le contenu de l’œuvre, mais contient également une surabondance du « je » et l’usage intensif de la première personne du singulier.

L’écho d’une œuvre vient toujours d’un artiste

Dans la saison 3 de Wakfu, on découvre le personnage d’Oropo, le nouvel antagoniste de la Confrérie du Tofu.

Ce personnage est atypique, puisqu’il est né à un moment fort des OAV qui précèdent la saison.

Yugo, en s’appropriant les six Dofus éliatropes, donne naissance malgré lui à des copies de lui-même, qui sont balancées au travers de l’espace et du temps. Ces copies sont appelées les éliotropes. Ils ont le vécu de Yugo, et renferment une copie de son passé.

Ce personnage est intéressant, d’abord parce qu’il est une tragédie à lui seul. Car étant le dernier des éliotropes, il a absorbé à son tour la mémoire de ses semblables, et donc leur tristesse, leur haine et leur rancœur. Et là j’ai trois différentes interprétations au personnage, qui sont à la fois mon ressentiment personnel, mais aussi le fruit de mes réflexions.

Grandir dans un autre univers

La première interprétation est simple : les éliotropes sont les enfants qui regardent Wakfu. Si vous avez mon âge, vous avez probablement joué à Dofus durant votre enfance, gagner des points d’expériences sur les craqueleurs, mais surtout, vous avez peut-être regardé Wakfu sur une chaine nationale.

En regardant cette série, c’était comme un rendez-vous régulier avec les personnages d’Ankama. On découvrait l’épisode du samedi matin, puis on allait découvrir la mise à jour dans Dofus et dans Wakfu : les gardiens.

Après avoir vécu les aventures de Yugo, on a découvert un nouveau sens au mot immersion qui ne signifiait plus juste motion gaming ou jeu mobile, mais aussi transmédia.

Personnellement j’ai grandi avec ces personnages, et puis après j’ai découvert d’autres jeux, d’autres séries. J’ai évolué, et j’ai changé. Alors que le monde mutait autour de moi, je commençais à regarder mon enfance avec nostalgie. Et en regardant la saison 3 de Wakfu en 2017, rien n’était plus pareil.

A sa sortie, j’ai détesté cette nouvelle aventure. J’étais déçu du changement opéré sur les personnages, de leur caractère qui n’était plus le même.

Et puis après un visionnage récent, j’ai compris Oropo. Ce personnage représente plus qu’un spectateur frustré du changement, il représente la folie de la nostalgie. A l’écouter, la vie sur laquelle il a eu un impact ne vaut rien comparé au passé de son géniteur. Ce vécu qui n’est pas le sien l’a enfermé dans une haine irraisonnée. Et pourtant, lui et les éliotropes ont préféré ne pas interférer, et changer le cours de l’histoire avec un seul objectif : laisser leur père vivre les deux premières saisons. Et donc sauver ce vécu fantasmé.

On ne fera jamais mieux, ou la phobie de l’artiste

Yugo, comme les équipes d’Ankama, ont provoqué le destin. Ce sont eux qui ont provoqué par leurs actions ou leur inactions leur ascension, et leurs échecs. Et ces deux entités se sont bridées dans une boucle basée sur un passé fantasmé, et impossible à revivre. Cette sensation de se trouver face à une copie perpétuelle du jeu Dofus, qui malgré sa volonté de s’en détacher est toujours rattrapé par son héritage.

Un créateur en inspire toujours un autre

Et si Yugo était la représentation d’Ankama. Un OVNI qui construit des choses fabuleuses, et qui pour trouver sa place va devoir faire face à sa nature profonde. Mais si Ankama est Yugo, pour moi, Oropo représente aussi les créateurs que son équipe a inspirés.
Après tout, l’aventure du Krosmoz est originale dans toute l’industrie. C’est cette force de proposition qui m’a poussé à rêver, et à penser que, peut-être, un jour, j’aurais moi aussi l’occasion de donner vie à des univers. Des univers dans lesquels évoluerons des passionnés et qui à leur tour lanceront les leurs.

Les auteurs et illustrateurs chez Ankama Editions

Si on y réfléchit bien, l’artiste peut être perçu comme atypique dans le monde dans lequel il évolue. Mais l’artiste devient un dieu quand il construit son univers. Il y choisi les règles dans lesquels évolue ses protagonistes, et y choisi chacun des impacts de ces derniers. La question est donc la suivante : qui est le protagoniste dans un MMORPG ?

Finalement, qui de Yugo ou Oropo est le créateur ?

L’avenir d’Ankama

Après la fermeture consécutive de Dofus Arena, Wakfu : Les Gardiens, ou l’abandon de Slage, on est en droit de se demander à quel point Ankama en tant que société, est aujourd’hui dépendante de la marque Dofus.

Cela fait maintenant plus de 15 ans que les détracteurs du Krosmoz prédisent la fin de l’aventure. Que l’entreprise est trop dépendante de son univers fétiche. Que la santé de l’entreprise va au gré du nombre d’abonnements et donc de la rétention au jeu. Parce que l’univers du Krosmoz n’a jamais surpassé la marque Dofus.

Pourtant, Ankama est toujours debout. Et fait partie intégrante de l’imaginaire collectif des joueurs français.

Pour moi, Ankama a redistribué les cartes dans le monde du divertissement. C’est la première entreprise française qui a voué son activité à la création d’univers populaires, proposant des idées fortes avec des valeurs écologiques, et a initié toute une génération aux jeux de stratégie.

Dofus n’a pas été seulement un vecteur de rencontres, il a été bien plus qu’un simple réseau social. Il est un univers riche et une communauté où chaque joueur a l’opportunité d’avoir sa place. Où derrière chaque personnage non joueur se cache une blague et un humour ravageur.

Il y a quelques années, Ankama a annoncé la volonté de créer Ankama Launcher, son centre transmédia dans lequel les joueurs pourront voir sur une seule interface toutes ses productions, et qui rassemblera chaque BD, chaque jeu, chaque dessin-animé de l’univers du Krosmoz.

Maintenant, reste à savoir si ce player se découvrira sous le prisme du Krosmoz, ou de Dofus.

melty VS webedia : qui sera le futur Disney des millenials ? — RETROSPECTIVE

Nous sommes en 2007, à Paris, lorsque deux entrepreneurs Français, Cédric Siré et Guillaume Multrier, décident de créer des start-up dédiées aux médias en lignes et à la communication.

La première, nommée Youmag, se présente comme un “moteur de news”. Il s’agit alors d’un agrégateur d’articles d’actualité et futur concurrent de Flipboard et Google News.

La seconde start up, intitulée Webedia, est une compagnie dédiée à la création, à la gestion et commercialisation d’espaces pour des sites internet dédiées à des verticales d’info divertissement, c’est à dire des sites d’actualités voués à divertir leur lecteur. Ses premiers sites sont puretrend, purepeople et purefans.

Pourtant, non loin de là, dans la banlieue parisienne, au Kremlin-Bicêtre, un jeune entrepreneur du nom de Alexandre Malsch, exécute son idée de créer un média d’info divertissement nommé melty, une évolution remaniée de son ancien site Actuados.fr. Au travers de sa société eeple, il travaille sur de multiples projets, dont un site de rencontre, une plateforme de réseautage social et un site d’actualité pour jeune nommé melty. Il faut dire que les médias d’info divertissement ne sont pas encore légions à l’époque, ou du moins, sur l’internet Français.

Aux États-Unis, les sites tels que Vice ou Buzzfeed commencent à voir grossir leur audience. The Walt Disney Company investira d’ailleurs dans l’entreprise Vice Media à coup de millions. Personne ne pouvait alors deviner que Webedia et melty allaient se livrer pendant une décennie une bataille pour la conquête de l’attention virtuelle des Français. Alors, laissez-moi vous raconter l’odyssée de ces deux entreprises. Spoiler : à la fin, il n’en restera qu’une. Voici une odyssée interactive.

2007 à 2012 : A la recherche de l’équilibre

C’est après le succès d’audience de melty.fr que l’équipe d’eeple dirigée par Alexandre Malsch décide de se séparer de son rêve de concurrencer les réseaux sociaux et les plateformes de blog. En effet, Board, leur site qui mélange réseau social et plateforme de blog, n’a pas le succès escompté.

L’Énergie de la jeune compagnie se dirigera donc vers melty, son produit phare, et la création d’un CMS MVC fait maison. Pour cela, la start up recrute sa première salariée, Pascale Erblon, qui aura pour mission de construire la ligne éditoriale de melty. La ligne directrice de l’entreprise est claire : faire du clic, par tous les moyens possibles, histoire d’exister dans les référencements organiques de Google. La tâche est complexe, sachant qu’à l’époque, les rédacteurs doivent écrire directement leurs articles en html car les outils de rédactions ne sont pas encore développés.

Le site à soif de contenu, et demande un investissement considérable en articles d’actualités. Car les jeunes, qui sont la cible du site, demandent encore et encore de nouveaux snack contents à dévorer sur leur séries favoris ou sur la dernière télé réalité à la mode. Pour ce faire, l’entreprise emploiera une armée de stagiaires dédiée à la rédaction de contenus. En face, chez Webedia, l’idée est la même. Créer une galaxie de sites internet alimentée par le contenu de stagiaires et des free-lance. Faire cliquer le lecteur, l’attirer via un titre racoleur et lui faire cracher son temps de cerveau disponible.

Parce que melty et Webedia ne sont pas dupes : pour se développer, ils nécessitent une, voire plusieurs levées de fonds. Mais ces levées de fond ne seront accessibles que grâce à la croissance de leurs chiffres d’affaire. Donc par une croissance du nombre d’affichage de publicités.

A cette époque, Webedia a déjà plus de moyens que melty. En effet, l’un des cofondateurs de l’entreprise, Guillaume Multrier, a fait connu un succes avec son entreprise Bananalotto.fr. Webedia passera donc par la case croissance externe, en rachetant des sites. Ozap sera racheté à M6 web et rebrandé Puremedias, et Shopoon sera racheté à la redoute pour et rebrandé PureShopping.

On aura également le lancement des sites PureCine et Purecharts chez Webedia. L’idée est claire, créer une galaxie de site Pure avec un site par thématique. Puis faire grossir son audience et vendre des espaces publicitaires.

C’est une stratégie similaire à ce que fait melty. Melty, qui constate le succès de webedia dans la diversification de ses thématiques, créé meltyFashion, meltyBuzz, et MeltyStyle. Respectivement dédiées aux audiences féminines, aux buzz et aux audiences masculines.

A ces sites d’ajouteront de nouveaux sites meltyDiscovery, meltyFood et meltyXtrem au fil des années. Melty a néanmoins un argument stratégique à vendre à ses investisseurs: Shape. Il s’agit d’une suite d’algorithme capable de prédire les sujets tendances pour adapter sa ligne éditoriale.

On retrouve dans cette stratégie de diversification l’envie de porter une marque commune, à savoir melty et Pure, au travers de plusieurs verticales concises et dédiées à des audiences très segmentées et donc plus valorisées aux yeux des annonceurs. Mais l’année 2013 va tout changer pour Webedia.

2013 à 2015 : levées de fonds et stratégies opposées

Webedia est rachetée par la société Fimalac, la firme de Marc de Lacharrière.

L’énarque et milliardaire voit grand dans ce rachat, puisqu’il veut en faire l’un des champions européens de l’internet. Et Cédric Siré, voit lui aussi les choses en grand. Il ne voit plus Webedia comme une galaxie de site, mais comme un écosystème à part entière. Et pour ce faire, les moyens ne manque pas. Puisque Fimalac, à coups d’investissements, va propulser Webedia à la tête des éditeurs de sites web. Webedia, avec les fonds de Fimalac, rachètera en masse de nombreux sites internets dans toutes l’europe. En France, on notera le rachat du groupe Allociné et de ses succursales dans toutes l’europe: Sensacine en Espagne, FilmStarts en Allemagne, AdoroCinema au Brésil, Beyazperde en Turquie et Allociné en France.

On assistera aussi au rachat de Terrafemina, site d’actualité destiné aux femmes et concurrent du groupe AuFeminin.com qui appartient aujourd’hui au groupe TF1 via sa division Unify (revendue à Reworld Media). Sa verticale cuisine et gastronomie s’enrichie via le rachat de 750g.com et de l’académie du goût, ainsi que de multiples maisons d’éditions dédiées à la cuisine. Webedia investit dans le tourisme en s’adossant au géant EasyVoyage, et en s’offrant l’officiel des vacances et le bon guide. L’un des rachats qui a fait le plus de bruit : l’Odyssée Interactive et son site jeuxvideo.com racheté à Hi-Media. Dans le milieu du jeu vidéo également, la structure millenium sera racheté par Webedia pour le développement de son pôle e-sport. C’est également dans ce cadre de Webedia fera une succession d’acquisitions dans l’esport. À savoir Oxent, qui possède entre autres le site d’organisation de tournois Toornament.com et la compétition ESWC, mais aussi la structure de gestion de talents Bang Bang Management.

Dans sa lancé, Webedia annoncera le lancement de la version francaise d’IGN en partinariat avec Ziff Davis. Ainsi qu’un autre partenariat avec le PSG pour l’annonce de sa structure eSport. Mais webedia ne va pas des contenter d’investir dans l’édition de sites web thématiques. Il se lance également dans l’ecommerce avec ses marque WeAreFan, 31 m², Run Baby Run, Cézigue et in investissement en tant qu’actionnaire majoritaire dans Pour De Bon, qui s’ajoutent à PureShopping dans la panoplie webedia.

En 2014, c’est l’acquisition de MIXICOM, entreprise de production qui détient jeux actu et surtout des contrats de monétisation de célèbres youtuber via talentweb, qui va faire grand bruit. Depuis cette date, webedia abandonnera le label Mixicom pour celui de Talentweb, avec le quel il va unifier ses autres agences de gestion de talents telles que 3BlackDots, Allyance Network en Allemagne, Paramaker au brésil, Vizzen Espagne. Enfin, Webedia est le propriétaire de Diwanee, le webedia d’arabie saoudite, et Uturn, son talentweb local.. A noter que cette liste des rachats n’est pas complète car je souhaite vous montrer ici la portée de webedia à grande échelle. Melty, de son côté, fait une levée de fonds de 10,5 millions d’euros.

Un pari ambitieux, mais incomparable à la force de frappe du mastodonte Webedia désormais appelé Licorne, c’est à dire valorisé un milliard de dollars. Renommée successivement MeltyNetwork, puis meltygroup, la start up grandit jusqu’à son point culminant : exporter son modèle à l’internationale. Dans ses locaux du kremlin Bicêtre et à l’aide de partenariat avec des entreprises locales, Melty lance ses sites dans des pays tels que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Mexique, la Pologne, la Roumanie, le Maroc, la Tchéquie, la Turquie, le Brésil, le Canada anglophone et le Québec. Alexandre Malsch voit grand. Ses équipe aussi.

Son rêve est désormais de concurrencer Disney en lançant par exemple une chaîne sur la TV d’orange, amplifie sa présence sur les réseaux sociaux. L’entreprise fonde également diverses structures affiliées telles que melty eSport Club, sa team esport. Melty travaille également à lancer son propre réseau de talents sur le web avec la Melty Talent house en partenariat avec kisskissbankbank. Au niveau technologique, l’algorithme Shape perd de la vitesse contre les technologies de Webedia: les rachats d’autres start-ups dédiées à l’optimisation du contenu comme myposeo, Nuke Suite, Semantiweb écrasent peu à peu les ambitions de melty. Uptilab est absorbée par tradelab, et la régie publicitaire de melty ne peut rivaliser face aux ambitions démesurées de webedia.

2016 : Il n’en restera qu’un

Webedia continue son objectif d’expansion via des rachats externes pour dominer ses verticales. Le tout en contrôlant la quasi-totalité de la chaîne de production pour le web.

Conscient de son impact dans le milieu de l’audiovisuel, Webedia s’est offert Elephant, une société de production audiovisuelle, Creators Studios, un studio de production, et a fusionné ses actif Allociné et BoxOffice récemment rachetés pour fonder The BoxOffice Company, le concurrent direct de IMDB qui appartient à Amazon. Webedia s’est offert Full Fanthom Five, société d’auteurs aidant à la production. Concernent son écosystème web, webedia s’est racheté Weblogs, éditeurs des sites Xataka (actualité hightech), Directo al Paladar (cuisine) ou Trendencias (mode et beauté), qui vient compléter son portefeuille espagnol qui comportait déjà 3DJuegos et IGN Espagne. L’entreprise s’est également lancée dans le jeu mobile et publicitaire avec Scimob et Adictiz Webedia a également racheté Seelk, une agence spécialiste du retail media.

Mais le rachat qui a le plus de sens est celui de Quill. Qui est une entreprise qui commercialise des algorithmes de génération d’articles et de contenus orienté e-Commerce. Ce dernier rachat prend tout son sens si l’on se dit que Webedia voudra à terme générer une grosse majorité des contenus à faibles valeur ajouté par des algorithmes. On peut donc s’attendre à voir des articles d’actualité écrits par des robots.

Rien n’est moins sûr. De son côté, l’aventure melty vire au cauchemar : la société ferme un à un ses sites internationaux. Son club esport et son initiative talent house s’effacent également de ses objectifs. Melty ferme tour à tour ses sites Français. Il ne reste que le site melty ainsi que meltyfashion, rebrandé Shoko. Malgré sa présence sur Snapchat discover, melty peine à séduire de nouveaux investisseurs.

En 2017, Alexandre Malsch quitte le navire melty. Et la compagnie restera instable jusqu’en 2019, la société ayant changé trois fois de PDG en moins de 2 ans. Aujourd’hui, melty reprendre du poil de la bête en relançant ses verticales buzz, discovery et Food. Le lancement de meltyStore va également dans ce sens avec un premier pas léger dans l’eCommerce. Melty a pris en régie certains de ses partenaires tels que A4 social qui est derrière le site Buzzly et greenpills. Ainsi que de nombreux autres pureplayers.

Enfin, melty partage ses contenus avec Phenix Groupe pour les diffuser dans des écrans publicitaires citadins. Après un redesign de son site, melty travaille maintenant à pérenniser son activité (entre temps racheté par Reworld Media), tandis que webedia s’assure un avenir aux côtés de Fimalac.