Ne faites pas du cinéma une cinématique

Attention. Ceci est un billet d’humeur écrit à chaud suite au visionnage du film Avatar: La Voie de l’Eau de James Cameron. Il décrit l’un des problèmes du film. Cet article ne sera pas objectif !

Alors voilà. Après treize ans d’attente, la suite d’Avatar est arrivée dans nos salles obscures. Et en entrant dans la salle, j’étais heureux: un retour à Pandora était plus que bienvenue pour un fanatique d’images de synthèses.

J’avais de grande attentes avant le visionnage de ce film: (re)découvrir un monde dans lequel onirisme et réalisme se côtoient dans une ode à la nature. Le tout dans un projet qui veut bousculer à lui seul le monde du cinéma.

Il y a deux annonces précédant la sortie du film qui m’ont intrigué:

– Une ambition artistique possible grâce à la technologie
– L’amélioration de la technique

Et ces deux éléments sont pour moi le problème et la solution à l’équation Avatar.

Au delà de l’acteur, le comédien

L’idée de la motion capture est désormais actée de tous: permettre à n’importe qui d’incarner n’importe quel personnage de fiction. Et faire incarner une jeune fille par une actrice confirmée est pour moi un retour de l’art théâtrale au cinéma.

Faire incarner des aliens par des acteurs était une première étape ambitieuse, mais ici le film va plus loin en permettant à l’acteur de s’émanciper de son âge, et c’est du génie !

L’introduction d’un personnage adolescent joué par une actrice de soixante-et-onze ans au travers de l’actrice légendaire Sigourney Weaver permet donc d’entrevoir une nouvelle étape dans le processus de casting d’un film qui se concentre sur la performance tout en mêlant de nouvelles manière de jouer le personnage. L’expérience d’un acteur qui s’entrechoque avec l’innocence de son personnage est un premier pas vers un retour des Comédiens au grand écran.

J’espère donc pouvoir entrevoir un cinéma qui abandonne ses têtes d’affiches pour des comédiens dont le talent ne se résume pas au CV.

Mais cette promesse est, hélas, également le moyen de ramener à la vie des acteurs d’outre tombe dont le visage rassure les équipes marketing.

Il faut cependant noter que la technologie de la « Mocap » utilisée en tant que telle dans le cinéma vient une fois de plus briser la frontière fine mais coriace entre le jeu vidéo et le cinéma.

L’art ne cesse de challenger la technique

Comme je le dis souvent, la créativité né de la contrainte. Mais ces dernières années, le numérique a abolit cette dynamique.

Pour la réalisation de ce film, de nouvelles technologies de motion capture sont venues remplacer le matériel vieillissant du premier film. Désormais, le matériel de capture faciale réduit le besoin en animateur pour retoucher les performances des acteurs altérées par l’outil primitif de 2009. D’ailleurs, la volonté de réalisme de Cameron a poussé les équipes de R&D de Lightstorm et ses prestataires à développer de nouveaux outils de captations de mouvements sous-marins.

Mais outre la prouesse technique permettant d’améliorer le tournage, les outils de productions visuelles sont aussi passés à l’étape supérieur.

Alors, outre les outils de rendus graphique perfectionnés, je pense qu’il est important de souligner que ce niveau de détail résulte à la fois de puissances de calculs grandissantes, mais aussi de l’augmentation du nombre de paramètres pour chacun des éléments graphiques du films. On imagine donc que le Pipeline derrière la production du film a du être conséquente au vu des enjeux titanesques du projets: data management au niveau production, pour l’animation, le lightning, la conception 3D (modeling, rigging, texturing, hair artists…), l’archivage au niveau du département artistique (concept arts, storyboard, montages previz…), et bien sûr les rendu et ses démons.

Et c’est ici que mon problème se pose.

Le cinéma est devenu cinématique

En décidant de faire de ce film une révolution du numérique, James Cameron a du faire des choix qui relèvent pour certains d’un avant-gardisme, et pour d’autres d’une grosse bêtise.

Avec le HFR (pour High Frame Rate), Cameron voulait rendre certaines séquences de son film plus impressionnante en démultipliant le nombre d’images diffusées en une seconde.
Au cinéma, la fréquence d’images est le plus souvent de vingt-quatre images par secondes. Le HFR veux bousculer cette tendance en doublant le nombre d’images (48 images par secondes).

Le HFR est née d’une volonté des développeurs de jeux vidéo en permettant au joueur de vivre l’aventure de son personnage avec une meilleure fréquence d’images: tuer des ennemis dans Doom devient plus joussif avec un gameplay frénétique qui profite pleinement de la cadence de productions d’images en temps réel des processeurs graphiques de votre ordinateur.

Et c’est pour cela que le HFR s’est ajoutée malgré lui dans la longue liste des innovations inutiles donc indispensables de l’Industrie du Cinéma.

Mais nous sommes en 2022, et le HFR accroit substantiellement le prix de la production d’un film.

Si on passe de 24 à 48 images par secondes d’un film, on double le nombre d’images. Et si on veut continuer d’exploiter le potentiel commercial de la 3D, on double une fois de plus le nombre d’images pour les deux yeux de notre spectateur.

Hélas, Cameron s’est décidé à faire varier la fréquence d’images durant le film: des séquences en 48 i/s sont entrecoupées de séquences en 24 i/s.

Et peu importe que cette décision est été motivée par des raisons d’économies ou une volonté de « déployer progressivement la technologie HFR », j’ai un problème.

Je dois avouer que je suis un gamer: j’aime jouer et parfois même créer des jeux vidéo. Et en tant que joueur, je n’aime pas voir mon jeu « lagger »: car cela entraine des baisses de la fréquence d’images (dit « framerate » en anglais).

Mais ce qui m’a conduit à être extirpé de l’intrigue fade et insipide du film est l’absence totale de motion blur dans les séquences en HFR. Car puisque le nombre de frames est doublée, il devient inutile de simuler l’effet de mouvement inhérent à notre capacité visuelle.

Et c’est pourquoi durant la projection de mon film en Dolby Vision j’ai eu l’impression de voir une cinématique douée d’un univers magnifique et sublimée par des effets visuels splendide, le tout dans une dynamique d’animation digne des meilleurs titres de Playstation 2.

Oups.

Alors voilà. Après le visionnage du film, une question se pose, une fois de plus: quelle est la place de la technologie au cinéma ?

Car après avoir rapatrié les savoirs-faire issus de l’animation, puis les talents du jeu vidéo, le cinéma se décide à prendre une direction qui me dérange.

Pour moi, le cinéma telle qu’il est présenté dans ce film est sur la frontière tenue entre le réalisme épatant et Uncanny Valley (en français « Vallée dérangeante » qui est une notion qui décrit la sensation de malaise provoquée par un personnage si réaliste que ses imperfections nous paraissent monstrueuses) issue malgré elle de la méthode de projection du film.

A mon humble avis, la technologie est ici utilisée pour une mauvaise raison: à savoir changer les méthodes de visionnage quitte à altérer l’oeuvre et son message.

Finalement, j’ai l’impression que les images photo-réalistes et les environnements sur-détaillés n’arrivent plus à satisfaire les ambitions de Cameron qui choisit ici l’ajout d’une technologie peu pertinente dans ses visions d’auteur. Peut-être pour rendre l’expérience en salle unique et la différencier de son re-visionnage sur petit-écran. N’était-ce pas l’objectif de la 3D ?

Mais personnellement, j’ai peur de préférer le framerate du prochain jeu Avatar à celui du film. J’espère que cela ne sera pas de même pour son scénario.

Oups.