Enquête métier: Alexandre Malsch

Enquête métier réalisée en décembre 2022 dans le cadre de mon cours d’expression-communication au sein de l’IUT Informatique de Fontainebleau, quelques semaines avant le lancement du produit fulllife.

Rencontre avec Netmad

Ca y est, il est 18 heures, le moment que j’ai tant attendu est enfin arrivé ! Je m’apprête à rencontrer Alexandre Malsh, le fondateur de meltygroup, mais aussi ancien Directeur Marketing digital des marques QuikSilver et ROXY chez BoardRiders. Aujourd’hui, il est PDG de fulllife, une start-up qui s’apprête à habiller des millions de Gamers.

Pourtant un truc me chiffonne…

Je suis à moins de cinq minutes du début de mon entretien avec l’une des figures de la Frenchtech, et une chose semble me contrarier.

Il y a de cela deux jours, notre professeur d’Expression-Communication nous a annoncé que notre prochain travail porterait sur une enquête métier. Celui-ci se constituera d’une part de la préparation d’une demande de rendez-vous ainsi que de la préparation en amont de l’entretien avec un professionnel. D’autre part, ce rendez-vous donnera lieu à un compte rendu dans lequel nous devrons rédiger sous la forme d’un texte narratif ou argumentatif notre rencontre avec le professionnel.

Monsieur Malsch,

je me permets de vous contacter aujourd’hui dans le cadre de mon cours d’Expression- Communication. En effet, actuellement en cursus Informatique à l’IUT de Fontainebleau, je souhaiterais, comme vous, entreprendre dans le secteur de l’informatique et des nouvelles technologies, et plus particulièrement dans le milieu du jeu-vidéo.

Mon objectif est d’entreprendre, et toutes mes passions convergent vers ce but. Mes recherches et mes lectures confirment mon envie d’entreprendre, mais j’aimerais aujourd’hui m’entretenir avec un entrepreneur afin d’avoir un témoignage.

Seriez-vous disposé à m’accorder un rendez-vous de 20 minutes au cours duquel vous évoqueriez le métier que vous exercez ?

Dans l’espoir d’une réponse de votre part, je vous souhaite le meilleur pour votre entreprise Fulllife.

Sans trop y croire, j’appuie sur la touche entrée. Le soir même, mon téléphone sonne.

avec plaisir. Mercredi à 18H par exemple ?

Alexandre Malsch vient d’accepter mon invitation.

Je sais maintenant ce qui me contrarie. Je suis à cinq minutes de mon entretien mais un problème se pose : comment démarrer l’interview ? Peut-être en le remerciant pour m’avoir inspiré à entreprendre ? Ou tout simplement en le remerciant de m’accorder de son précieux temps ?

Une idée vient à moi : étant un peu stressé, j’écris sur mon brouillon des questions qui viseront à détendre l’atmosphère, mais aussi et surtout à ME détendre: Playstation ou Xbox ? Ton attraction préférée à Disneyland? Ton livre préféré ? Après tout, ce n’est pas le genre de question auquel il est habitué à répondre en interview…

A peine ai-je le temps de finir d’écrire que mon écran se noirci. Puis, un visage apparait. J’y découvre Alexandre Malsh. En arrière plan, j’aperçois des bureaux luxueux, un sapin de Noël et quelques membres de l’équipe fulllife. L’environnement y est clair, les bureaux minimalistes. Ça semble être l’endroit parfait où travailler.

Puis, mon regard se porte vers Alexandre Malsch. A cet instant, j’ai l’impression d’être sur un plateau de BFM Business.

J’entame mon discours de présentation. Il a le regard vif, le visage sérieux.

« C’est un honneur de vous rencontrer Monsieur ! »

Je veux lui dire à quel point sa carrière est inspirante. A quel point « Il était une fois melty » a changé ma perception des médias. A quel point je suis jaloux de sa carrière et que l’un de mes rêves est d’entreprendre. Mais je ne dirais rien de tout cela.

Hésitant, je lui lance ma première question: « Xbox ou Playstation ? »

Il me répond Xbox. Cela me déconcerte : je m’attendais à ce qu’il me réponde avec un sourire en coin « PC ! ». Alors je continue:

« Ton attraction et ton parc d’attractions préférés ? »

Il me répond sur un ton sérieux que son parc d’attractions favoris est DisneyWorld, et que son attraction préférée est Star Tours. J’hésite alors à lui demander s’il préfère la première version ou l’Aventure Continue, mais je me souviens que nous sommes dans le cadre de mes cours de l’IUT ! J’enchaîne avec la question suivante:

« Quel est ton livre favori ? »

Il me répond que son bouquin favoris est « Ils ont réussi leur start-up !: La success-story de Kelkoo« . Celui-ci raconte l’histoire de l’ascension fulgurante de la start-up Kelkoo dans les années 2000, et l’aventure de son cofondateur Pierre Chappaz (l’un des mentors d’Alexandre) . Il me précise que le livre a été écrit par Julien Codorniou, vice- président de Workplace by Facebook.

Sentant que le stress est retombé, et me sentant à l’aise dans la conversation, j’entame les questions plus professionnelles.

« Qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’entreprendre ? Quel a été le déclic ? »

L’un des points soulevés par Alexandre, que ce soit lors de notre rencontre comme dans les interviews qu’il mène, c’est l’importance du projet. L’entreprise n’est qu’un outil visant à se donner les moyens pour l’accomplissement du projet. Que ce soit les levées de fonds ou les rachats, chaque étape de l’entreprise vise à construire un produit de qualité.

fulllife est une marque de vêtement pour gamers, certes, mais pas seulement, car dans la tête de son fondateur, c’est avant tout une expérience. La clef pour comprendre son ambition est la notion de gamification.

La gamification vient du mot anglais « game », qui signifie « jeu ». Elle désigne l’apport de mécaniques de jeux dans un domaine. Par exemple, on parle de gamification pour rendre un processus plus interactif, et donc plus engageant.

L’objectif de la compagnie est donc d’apporter au processus d’achat une nouvelle dimension, plus divertissante et surtout plus immersive. D’une part en faisant de chaque consommateur un joueur, avec son propre niveau et sa propre identité virtuelle, et d’autre part, en faisant du visiteur un membre à part entière de la communauté fulllife.

Chaque navigation devient une expérience a part entière. On peut y trouver des capsules (sortes de trésors pouvant être des points bonus ou des vêtements exclusifs), mais aussi faire des quêtes, battre des boss… Parce que l’objectif premier de fulllife n’est pas de vendre des produits, mais d’y raconter une histoire.

Cette envie de raconter des histoires, Alexandre l’a depuis toujours. Car derrière ses premiers sites (comme Actuados, l’ancêtre de melty) comme dans les rouages du groupe melty, l’idée est avant tout de raconter une histoire, de construire une galaxie sur laquelle le visiteur est un « Guest », qui va pouvoir s’immerger dans un univers à la fois positif et personnalisé.

Sur melty, comme sur fulllife, vous êtes le protagoniste d’une histoire unique. Pour mieux comprendre ces notions, il faut s’intéresser à Disneyland. Pour Alexandre, il existe des dizaines de parcs à sensations fortes qui procurent des sensations plus intenses que les parcs Disney.

Mais c’est le fait de se retrouver dans un univers palpable, garni de personnages uniques qui font de Disneyland un endroit pas comme les autres. C’est une expérience premium, douée de sens et dans laquelle on se sent investi grâce aux personnages qui façonnent l’imaginaire collectif.

Alexandre a bien compris l’importance que revêt les personnages, c’est pourquoi il a créé un folklore, un univers fulllife. Avec des personnages à part entière, des avatars et des design qui viennent enrichir les propriétés intellectuelles de l’entreprise. Son objectif est clair: créer avec fulllife quelque chose de nouveau, quelque chose qui paraît si évident et, pourtant, qui n’existe pas encore. A entendre Alexandre, je sentais qu’au delà de la passion qu’il éprouve pour le projet, il croyait plus que tout à la réussite de son projet.

« Briser la barrière entre réel et virtuel », tel est le slogan que l’on peut trouver sur la page de l’entreprise aujourd’hui. Pourtant, ce slogan n’est pas qu’une simple trouvaille commerciale. L’entreprise veut avoir un impact sur le monde. A la fois social en créant des produits fédérateurs et utilisant le jeux vidéo comme vecteur sociaux-culturel certes, mais aussi écologique en créant une marque de vêtement éco-friendly. Des tissus utilisés aux entrepôts de la marque, l’ensemble du processus de la marque se veut éco-responsable et solidaire.

Ces missions se retrouvent également dans les statuts de l’entreprise, puisque les fondateurs y ont apposé des garde-fous permettant à l’entreprise de se concentrer sur ses valeurs: authenticité, expérience, élévation et efficacité. Si Alexandre avait un seul objectif avec fulllife, ça ne serait pas de révolutionner le marché du prêt à porter ou de réinventer la mode, mais bien de permettre aux joueurs de jeux-vidéo d’exprimer fièrement leur appartenance à la communauté des Gamers.

Les joueurs de jeux vidéo étaient peut-être mal vus il y a quelques années. Ils étaient le cliché du geek, incompris par nature. Mais fulllife veut changer cette tendance, plus que jamais, en créant des produits qui viendront ringardiser les vieux t-shirt « Je suis un geek » dans la garde-robe des passionnés du jeu-vidéo.

Cette vision du monde, Alexandre veut l’appliquer dans son entreprise. Et pour cela, il s’inspire une fois encore de la compagnie aux grandes oreilles. C’est en suivant les pratiques et les conseils du Disney Institute (sorte d’école de Management et de Leadership de la firme) qu’Alexandre veut parfaire sa vision de l’entreprise. Il m’expliquait qu’introduire ces notions dans une grande entreprise est aujourd’hui lourd et difficile au vu de son inertie. Mais une start-up, une entreprise dans laquelle tout est à construire, peut être perfectionnée dans ses valeurs.

La culture d’entreprise est un élément important aux yeux d’Alexandre. C’était l’une des particularités de melty d’avoir une culture qui faisait d’elle une entreprise si forte et si unie face à l’adversité. Mais la culture d’entreprise de Fulllife se veut désormais plus inclusive, plus engagée. Cela passe par donner plus de responsabilité aux membres de son équipe.

Alexandre a lui aussi changé. Plus mature qu’à l’époque melty, plus conscient de son impact sur le moral des salariés. Il m’explique en effet qu’il a gagné en compétences relationnelles (dits Soft-skills dans le monde de l’entreprise), et qu’il est moins maladroit dans ses relations. Il m’explique également qu’un sourire en début de journée peut tout changer pour les membres de son équipe.

L’une des grandes passions d’Alexandre, lorsqu’il n’est plus @netmad l’entrepreneur, c’est le surf. Prendre de belles vagues sous le soleil de Biarritz, partager sa passion avec ses amis surfeurs et se défouler sont à son sens un élément indispensable à son bien-être. Le plaisir du surf vient avant tout du fait que c’est un sport individuel : le surfeur est face à lui-même, seul face à la vague.

Le côté collectif vient de ses partenaires surfeurs : on commente les exploits des autres, on se conseille pour devenir meilleur. C’est à ces moments qu’Alexandre s’évade, qu’il se déconnecte du web. Chaque vague est un challenge, un challenge exutoire. Et chaque session de surf lui procure un moment d’évasion: il n’est plus PDG, plus fondateur ni créateur. Il est juste surfeur.

Le surf, c’est aussi ce qui a amené Alexandre à travailler chez BoardRider, le groupe qui détient les marques QuikSilver et ROXY, deux marques iconiques dans le monde du sport nautique.

Cette expérience l’a rendu plus humble, l’a fait grandir. Car au-delà du fait d’avoir travaillé pour une marque qui l’inspire, c’est le fait de travailler dans une grande entreprise au « process » bien établi qui ont poussé Alexandre à devenir meilleur manageur. Meilleur meneur d’homme.

Mais il n’y a pas que l’univers du vêtement qui revient dans fulllife, il y a aussi des têtes connues avec qui Alexandre a partagé les aventures melty et BoardRider. Ces personnes sont pour lui le socle qui permettent à fulllife de grandir pour le meilleur. Il croit au talent de ses équipes et à la diversité des profils.

Car l’une des grandes erreurs de melty à ses débuts, c’était la prétention qu’un ingénieur peut s’improviser rédacteur, graphiste ou commercial. C’était cette arrogance qui a poussé l’équipe à créer absolument tous ses outils. Chaque ligne de code, chaque pixel était made in melty.

Mais cela avait un coût, aussi bien financier qu’humain. Pour Alexandre, il s’agissait à la fois d’une erreur, mais aussi d’un passage obligé dans la réalisation de son projet. Par exemple, certaines des technologies construites par melty telle que shape (son algorithme permettant de prédire quelles seront les futures tendance sur le web) n’avaient aucune alternative crédible à l’époque (Google Analitycs, qui possède aujourd’hui des fonctionnalités similaires à celles de shape, est apparu plus tard).

Il n’y a pas que les technologies qui ont évolué, il y a aussi l’écosystème qui n’est pas le même. Il n’a jamais été plus simple qu’aujourd’hui de créer son entreprise. Des structures comme les incubateurs, les start-up studios facilitent l’entrepreneuriat. Mais paradoxalement, il n’a jamais été aussi compliqué de se faire une place dans cet environnement.

A un moment de la conversation, des questions de passionné d’informatique surgissent. Je demande alors à Alexandre:

 » Quelle est la stack de fulllife ? « 

La stack représente dans le monde de l’entreprise l’ensemble des technologies qui sont utilisées pour accomplir sa mission. C’est une sorte de socle technologique, en d’autres mots les langages informatiques et outils utilisés par les équipes.

Je sens mon interlocuteur amusé par la question. Mais il me répond, avec le même sérieux qui le caractérise. Du côté graphismes, l’équipe utilise les moteurs de rendus de Pixar (Renderman) pour concrétiser sa charte graphique et donner vie aux avatars et aux univers qu’ils mettent en scène.

Côté management et gestion, on trouve des outils communs comme par exemple Workplace by Facebook, Zendesk (qui est selon Alexandre très performant) et mailchimp pour la gestion des e-mails automatiques (newsletters). On trouve côté planning Monday.com.

En somme, Alexandre a souhaité ne pas réitérer les erreurs de melty en s’appuyant sur des technologies préexistantes. Côté site web, les pages de présentation sont créées par l’agence marketing e- Makina. Le site web fulllife, lui, est construit avec Magento 2 (un CMS e-Commerce) en version cloud, propulsé par une plateforme maison appelée fulllife Engine qui permet la partie gamification.

Nous sommes à une petite dizaine de minutes de la fin de notre enquête métier.

« Quand tu entrevois le futur de fulllife, imagines-tu des fulllife stores ? Personnellement, j’imagine déjà des boutiques physiques dans lesquelles on pourrait entrer dans une nouvelle dimension ! »

Alexandre répond par la négative: pour lui, fulllife est un concept dématérialisé: c’est une expérience vouée à rester virtuelle dans un premier temps. Il m’explique néanmoins avoir pour objectif de participer à des conventions de jeux vidéo avec un stand fulllife.

Pour @netmad, s’il devait y avoir un jour une expérience réelle, elle ne tournerait pas autour d’une boutique. Mais ce serait plutôt une maison, avec sa cuisine, son salon, sa salle e-sport… Ce serait avant tout un lieu convivial dans lequel on pourrait se rendre avec ses amis, jouer à la dernière Playstation et vivre des moments de partage.

A la fin de notre entretien, une dernière question me démange. Il accepte d’y répondre malgré le rendez-vous qui doit suivre !

« Mon rêve est d’entreprendre, quels conseils peux tu me donner ? »

Si il devait y avoir un conseil aux entrepreneurs en herbes, ça serait de partager son aventure entrepreneuriale avec des gens différents , de tous horizons. Ce côté hétéroclite permet d’avoir une complémentarité dans l’équipe et donc de favoriser le futur de l’entreprise. Il m’explique qu’à Station F ( le plus grand incubateur de start-up au monde basé à Paris fondé par Xavier Niel), son travail de jury l’amène à choisir les start-ups qui seront incubées. Et son avis se forge avant tout sur la diversité et la complémentarité de l’équipe, car si le projet est amené à évoluer, à se réinventer (pivoter), il faut que l’équipe ne soit pas composée que d’ingénieurs, ou que de commerciaux. Ce côté hétéroclite est important aux yeux d’Alexandre car la valeur de l’entreprise est avant tout bâtie sur les gens qui la composent.

Alexandre a été membre du Conseil National du Numérique.

Il est jury à Station F. Il a cofondé le média qui a réinventer notre manière de consommer l’information: melty. Il a travaillé à l’implantation de la French Tech à l’international et en Chine.

Il a été chef de projet digital chez BoardRider. Il est le fondateur de fulllife. Et aujourd’hui, il vient de me raconter son odyssée.

A certains moments de l’entretien, j’ai exprimé mon admiration pour son travail. Mais à chaque fois, j’avais l’impression que mes compliments et mes félicitations le rendaient mal à l’aise, c’est pourquoi je n’ai pas osé en ajouter d’avantage.

C’est la raison pour laquelle je vais profiter de ce travail pour remercier Alexandre. D’abord pour avoir accepté une interview. Mais aussi pour le remercier de m’avoir transmis toute sa passion. Pour le remercier de m’avoir inspiré à créer des choses. Et surtout, pour m’avoir donné l’envie de créer.

Si je devais retenir une chose de cette enquête métier, c’est que les métiers qui feront demain n’existent pas encore. Que tout est à inventer.

L’écran se coupe, il devient noir. Puis mon visage réapparaît en plein écran. Je me rends compte que j’ai des étoiles plein les yeux. Puis, après un moment de récupération, je me décide à écrire ce qui vient de m’arriver.

De son côté, Alexandre retourne combattre des Boss et trouver de nouveaux alliés pour partir à l’aventure.

Virtuelle ou réelle ? Seul lui le sait.


Pour aller plus loin:

Ma rétrospective melty vs webedia: Qui sera le futur Disney des millénials ?

La rétrospective au format Podcast/vidéo.

Ankama, ou l’héritage de Dofus contre l’ambition du Krosmoz

Avant-propos

Cet article est la version papier du script rédigé pour l’épisode 6 de UNAI, ma web-série et chronique du jeu vidéo et du multimédia. La version vidéo de cet article est disponible sur ma chaine Youtube.

Bonne lecture.

Incipit

Nous sommes en 2001, lorsque Anthony ROUX, Camille CHAFER et Emmanuelle DARAS, anciens salariés de l’agence web iPuzzle, fondent une jeune compagnie à laquelle ils offriront leurs noms respectifs : Ankama.

La jeune équipe s’acharne à évoluer dans ce nouveau milieu qu’on appelle internet. Elle s’applique alors à créer des sites web pour des clients tels que La Redoute, mais aussi de maintenir des intranets d’entreprises ou bien de créer et gérer les systèmes d’informations de leurs clients.

Pourtant, dans l’esprit de ses fondateurs, Ankama n’est pas vouée à rester qu’une simple agence web. Non, secrètement, ils rêvent de faire de leur entreprise un studio de divertissement.

Une agence nommée Ankama web

Quand on regarde rétrospectivement les starts up nées dans les années 2000, on observe qu’une grande partie de ces entreprises ont survécu jusqu’à aujourd’hui mutant en agence web.

Pourtant, Ankama démarre à l’inverse en tant qu’Agence web et de prestation de service. Et dès le départ, entre des formations au graphisme, le webmastering, le conseil, le référencement, et bien sûr le jeu vidéo, l’entreprise joue sur de nombreux fronts.

L’un des savoir-faire de la société est Flash, une suite logiciel développée par la société Macromédia, qui sera d’ailleurs rachetée par Adobe plus tard.

La spécificité de ce logiciel est sa simplicité d’utilisation et surtout, son outil de dessin vectoriel. Le logiciel a été pensé comme un environnement de développement complet capable de créer des applications complexes et professionnelles à l’aide de son langage de prédilection : l’Actionscript.

Le logiciel possède deux principales fonctionnalités : son système de développement et son outil de création graphique.

Pour Anthony Roux, alias Tot, Flash est un allié de toujours. Un pilier qui restera durant un long moment l’un des socles technologiques de la société.

Et si on faisait un jeu vidéo ?

En 2001, la société peine à convaincre. Elle vivote grâce à son activité de prestation informatique aux entreprises et Emmanuel Darras cherche des fonds pour pouvoir faire survivre l’entreprise, lancée avec 3000 euros chacun.

Mais pendant ce temps, une idée folle germe dans la tête d’Antony et Camille, les deux autres fondateurs.

Flash, est un logiciel qui a la côte. En effet, le logiciel est un vrai phénomène au début des années 2000. Entre les portails de jeux flash qui battent tous les records et les hits créés avec cette technologie accessible paradent. On notera par exemple l’apparition des pionniers du jeu indépendant qui testent leurs idées de Game Design sur Flash ou des killer apps telles que Yetisports se partagent par un simple lien dans un mail.

Il faut dire que la technologie a ses avantages : multiplateforme, portative et surtout accessible depuis n’importe quel navigateur web sous condition d’avoir le module Flash Player installé sur son ordinateur.

Mais dans la tête de nos deux compères, flash peut être un moyen d’exprimer leur talent ailleurs que sur un site web vitrine. Non, ils entrevoient plus grand.

C’est ainsi qu’entre 2001 et mi 2002, la petite équipe travaille sur des ébauches de mini-jeux. Ils développeront d’abord des jeux de tank multi-joueurs ainsi qu’un premier jeu solo intitulé ArtySlot.

Sur le site d’Ankama, on peut lire dans la section Création de jeux vidéo on peut déjà entrevoir son univers si unique, l’humour potache et l’univers fabuleux y est présent. On y voit des poulets cracheurs de feux et des arbres indéracinables. Les prémices de l’univers connecté qu’ils s’apprêtent à créer, le Krosmoz, pointent le bout de leur nez.

Mais c’est en 2003 que l’équipe dévoilera le produit qui fera d’Ankama l’un des empires du divertissement français : le jeu vidéo massivement multi-joueurs, Dofus.

La créativité née de la contrainte

Le projet Dofus est passé par plusieurs étapes : au début il s’agissait au début d’un épisode de la série de jeux vidéo Artyslot, intitulé Duel. Ce dernier ne permettait que du combat au tour par tour, en joueur contre joueur.

Première ébauche de Dofus: le jeu JcJ Duel

Mais c’est par la suite que le jeu s’est peu à peu complexifié pour devenir un mixte entre chat en ligne, à la blablaland-un autre jeu populaire de chat de l’époque- et un vrai jeu vidéo avec du challenge, des monstres et surtout un Lore.

Le terme MMORPG ne s’accorde pas au projet des débuts. Certes, l’objectif de la petite équipe est de développer un jeu communautaire, mais le jeu reste minuscule comparé au mastodonte qui sortira quelques semaines plus tard : World of Warcraft de Blizzard Entertainment.

Non, ce qui fait la particularité de Sortilej-l’un des noms donnés au projet, c’est d’aller à contre-courant des productions de l’époque. La mode est à la 3D, aux univers sérieux. Au médiéval fantastique.

Dofus sort du lot. Une fois connecté à son compte, le joueur débarque dans un univers parodique et unique en son genre. Le style graphique en 2D mélangeant cartoon et style animé japonais fait du jeu une perle de son époque.

Pourtant, comme on dit, la créativité née de la contrainte, de Dofus n’échappe pas à la règle. Les faibles débits de connexion de l’époque ainsi que les limites technologiques de Flash ne permettent pas de créer un monde grouillant de détails. Le jeu se joue à la souris et ne permet pas au début un déplacement rapide. Le jeu est rempli de bug car le moteur de jeu Flash est difficile à dompter.

Analyse d’un succès français

Et pourtant entre chat virtuel et jeux vidéo, Dofus est un succès incroyable. En 2007 c’est trois millions de joueurs qui ont visité les contrées d’Amakna.

Dofus se veut un MMORPG stratégique. Le gameplay est plutôt simple, puisque l’interface du jeu est découpée de manière à être accessible à la souris. Et malgré les limitations techniques et technologiques auxquelles l’équipe d’Ankama a dû faire face, le jeu est une merveille d’ergonomie.

Schématisation sommaire de l’interface de Dofus 1.29

L’écran de jeu est alors coupé en deux parties.

La première partie est l’interface utilisateur. On y retrouve le chat, un hub d’informations relatant le nombre de points de vie de son personnage et ses points d’expériences. Avec des menus pop-ups qui vont chacun enrichir l’expérience du joueur. Et à droite on a un panel contextuel qui va afficher les attaques pour les combats ou bien des émoticônes.

La seconde décrit le monde visité par le joueur. Entièrement dessiné et animé à la main. On y voit son avatar se déplacer dans le monde lui-même découpé en plusieurs sous carte.

Pour passer d’une carte a à l’autre, on doit faire bouger son personnage en cliquant à l’endroit où on souhaite qu’il se déplace. Ce dernier va alors marcher ou courir vers le lieu désiré. Dans le cas où le joueur veut changer de sous carte, ce dernier n’a qu’à se déplacer en cliquant sur un petit téléporteur en forme de soleil pour voir son personnage changer de sous-carte.

Et déjà, on perçoit au travers de cette fonctionnalité de déplacement du personnage les forces et les faiblesses du projet : cette méthode est un cache misère. Parce qu’à l’époque, il est difficile de faire une caméra mouvante qui suit le joueur dans l’environnement sous flash.

L’image perdrait alors de sa fluidité et le jeu serait moins accessible en fonction des configurations des PC des joueurs. C’est pourquoi l’équipe a choisi de garder l’environnement statique et de faire en sorte que le joueur se déplace dessus.

Pourtant, le jeu réussi à rendre le tout intuitif et organique. Dès le début du jeu, le joueur est confronté à un tutoriel permettant de mieux appréhender les caractéristiques du gameplay. Et chaque action semble naturelle.

Et ceci est l’une des nombreuses prouesses de la jeune équipe d’Ankama. Chaque partie du gameplay est en fait pensée pour composer avec les limites de son moteur : flash, mais aussi des limites du réseau naissant : Internet.

C’est pourquoi les combats du jeu seront non pas en temps réel, mais au tour par tour.

Les graphismes sont aussi impactés par les limitations graphiques des processeurs de l’époque. C’est pourquoi les environnements riches en détails seront des images bitmap, quand les éléments animés comme les personnages seront réalisés en vectoriels à l’aide d’une direction artistique issue de la culture manga japonaise et de la bande dessinée franco-belge ! Tout est pensé pour optimiser l’espace de stockage tout comme l’espace de votre processeur.

Et c’est là qu’on voit l’un si ce n’est le talent créatif d’Ankama : jouer avec les limites. Aller au-delà de ce qui est possible avec ce qu’ils tiennent entre leurs mains et défier le monde du divertissement avec quelques morceaux de ficelles.

Au-delà de Dofus : le transmédia

Mais Ankama ne veut pas s’arrêter là. C’est en 2005 que Ankama commence à travailler sur son deuxième titre Dofus Arena, mais aussi sa filiale Ankama Editions qui s’occupera dans un premier temps de l’édition des Art books et beaux livres présentant les making-of du jeu. Et bien sûr, du phénomène du manfra Dofus scénarisé par Tot et illustré par Ancestral Z.

Le transmedia est une stratégie de narration multimédia et multisupport. L’idée est la suivante : on déploie un univers sur différents supports : jeux vidéo, bande dessinée, animation, livres… Dans le but d’approfondir l’univers tout en multipliant les sources de revenus.

Cette stratégie peut être utilisée à plusieurs fins :

– Tout d’abord, l’idée est de créer de nouveaux canaux d’entrée au produit principal. Des jeunes gens peuvent découvrir la bande dessinée, qui va les inciter à découvrir le jeu. Voyez cela comme une publicité qui vous raconte une histoire, et qui fait partie de l’expérience.

– Ensuite, cela permet de diversifier, et structurer l’entreprise. La jeune agence web mute en groupe et va chercher de nouveaux relais de croissance pour sauvegarder son indépendance.

– Enfin, à l’échelle humaine, cela permet de proposer à ses équipes de nouvelles expériences professionnelles tout en restant au sein de la boite. Cette méthode permet alors des bols d’air frais créatifs, aux animateurs notamment.

Le transmédia est donc plus qu’un argument marketing, c’est un esprit d’entreprise. C’est à ce moment qu’on va voir émerger de nouveaux projets ambitieux qui vont à la fois souligner l’innovation au sein de l’entreprise, mais aussi démontrer ses limites.

Un studio d’animation va alors voir le jour, avec la mise en place d’un pipeline autour du logiciel flash. On verra également la création de nombreuses filiales, dédiées à l’internationalisation de la stratégie transmédia de l’entreprise.

Ankama va alors grossir et devenir plus qu’un studio de jeux vidéo. Ils lancent ainsi un portail vidéo en 2006 sur lequels les fans vont pouvoir regarder les bandes annonces des futurs projets de l’entreprise, mais aussi des émissions produites en interne en partenariat avec la chaine Nolife et le site Gameblog.fr sur lesquelles Ankama devient actionnaire.

Ankama va également structurer sa maison d’édition, faire grandir des labels de musiques, construire un pôle évènement, faire des films d’animations stop-motion, lancer des jeux indépendants, construire une crèche dans son quartier… Le tout en racontant des histoires au-delà de nos frontières.

Parce que pour Tot, la prochaine étape pour l’entreprise est l’internationalisation de ses créations. Dofus reste un succès sur le territoire français, mais aussi en Amérique du Sud. Mais à l’époque, comme aujourd’hui, la grosse part du gâteau se trouve en Amérique du Nord, et plus particulièrement aux Etats-Unis.

Le rêve Américain d’Ankama doit donc prendre une nouvelle forme. Il doit se matérialiser sous la forme de l’un des projets transmédias les plus ambitieux de la décennie. Et ce projet a pour nom « Wakfu ».

L’ère du Wakfu

Wakfu est un jeu se déroulant 3000 ans après l’histoire contée dans son jeu précédent. Et c’est plus qu’un Dofus 2.

Le projet propose cinq grands axes à ses débuts :

– Un jeu vidéo massivement multijoueur sur internet qui se veut le successeur et suite de Dofus.

– Une série d’animation composée de deux saisons de 26 épisodes, deux épisodes spéciaux réalisés au japon, trois OAV, et une troisième saison de treize épisodes.

– Un jeu de carte Wakfu à jouer et à collectionner

– Un ambitieux plans de publication avec l’édition de bandes dessinées originales dont les séries Wakfu Heroes, Wakfu les larmes de sang, une série de bande dessinée ainsi qu’une série de mangas

– La mise en place de produits dérivés, de jouets et de goodies via sa filiale Ankama Products et des partenariats notamment avec BANDAI.

Toutes les activités du groupe Ankama sont mises à contribution, dont la filiale Ankama Press. On a alors la création de magazines dédiés à la jeunesse avec Mini Wakfu Mag, mais aussi Wakfu Mag à partir de 2012.

En parallèle du développement du MMO Wakfu, qui ne sortira qu’en 2012, Ankama propose un palliatif appelé Wakfu : les Gardiens.

Un jeu vidéo multijoueur en ligne, reprenant les éléments de gameplay de Dofus en version simplifiée et jouable directement sur navigateur web à l’aide Flash Player et qui se veut une initiation aux jeux multi-joueurs.
Enfin, ce sont aussi quelques jeux vidéo jouables en solo, avec Islands of Wakfu, et bientôt One more gate : A Wakfu Legend.

Ankama va aussi s’associer temporairement à Square Enix pour publier Wakfu en Amérique du Nord. Et plus tard, ils vont aussi s’entourer de la société Gumi pour le jeu mobile Wakfu : Raiders.

Wakfu, c’est donc plus qu’une simple remise à niveau ou qu’une extension de Dofus. C’est le projet le plus ambitieux porté par Ankama. Et chacun des produits qui font partie de cet univers vont porter des défis techniques, et artistiques.

Wakfu, le MMORPG

Côté jeux vidéo massivement multijoueur avec son MMO, Ankama abandonne le moteur de jeux Flash pour un moteur de jeu entièrement basé sur une tout autre technologie : JAVA.

L’idée est de se défaire des contraintes technologiques de Flash pour proposer un Dofus taillé pour l’international.

L’idée de Wakfu était de proposer un Dofus plus accessible, plus populaire. Et proposer une dimension transmédia pour le projet va dans ce sens. Et pourtant, le jeu gagne en complexité.

Avec un système d’environnement dynamique dans lequel les joueurs ont l’opportunité de tout détruire et un ambitieux gameplay qui allie écologie et politique, Wakfu vient s’inscrire dans une ambition de démesure qu’est l’univers connecté d’Ankama : le Krosmoz.

L’héritage de Dofus

Ankama a tenté et tente encore aujourd’hui de nouvelles choses. Mais beaucoup de leurs tentatives de se détacher du pilier de leur Success Story Dofus se sont soldées par des échecs.

La stratégie Ankama pourrait être perçue comme une prise de risque créative permanente. Il y a néanmoins des éléments qui trahissent la volonté d’Ankama de ne pas sortir des sentiers battus par son premier succès.

Et à mon sens, cela se traduit par deux éléments récurrents dans l’ensemble de son œuvre.

La ludographie d’Ankama

Au niveau de la ludographie, on remarque que la quasi-totalité des productions de la société se veulent être des successeurs spirituels de Dofus. On y recroise un tour par tour stratégique inspiré de Final Fantasy Tactics, avec une grille posée sur un environnement dans lequel le joueur doit battre ses adversaires. Néanmoins, Ankama semble comme réinventer la recette de son tour par tour à chacun de ses jeux.

Par exemple, le système de jeu de Dofus, bien qu’il soit en tour par tour sur une grille, n’a absolument rien en commun avec le gameplay de Krosmaga, qui pour le coup, empêche le joueur de reculer ou de fuir son adversaire.

Ici, l’entreprise mise sur des forks de son succès. L’idée est de reprendre à chaque fois les éléments qui ont fait le succès de son Dofus, et de les ajuster pour agripper un nouveau public. Mais attention, quand je parle de forks, ce n’est pas juste prendre le code de Dofus et le copier-coller. Non, ici, c’est reconstruire un projet de zéro, parfois sur une autre technologie de développement de jeu, et lui appliquer de nouvelles idées de gameplay.

Et pour moi, c’est ici encore qu’on perçoit toute la vision d’ankama : on a une succession de jeux, qui adaptent chacun à leur manière le gameplay Ankama, la philosophie de l’univers du Krozmoz. Chaque jeu n’est finalement qu’un module, qu’un monde parmi tant d’autres. Et ce côté modulaire est précisément lisible dans le projet d’Ankama Launcher. Un exécutable, dans lequel on peut accéder à l’ensemble des univers de la firme.

On peut alors basculer d’une époque à l’autre, basculer d’un gameplay à l’autre, d’une vision à l’autre d’un même univers.

Mais le gameplay tour par tour n’est pas la seule obsession d’Ankama.

Le Shonen parodique

Au niveau de la narration, il y a un domaine dans lequel Ankama excelle depuis des années. Ce domaine, c’est le Shonen parodique.

Au cours de son existence, Ankama a lancé de nombreux projets et sa ligne éditoriale, même si elle reste ouverte à des propositions fortes d’auteurs, elle a longtemps été rythmée par le Shonen.

Le Shonen est un genre de manga qui vise le jeune public masculin. On y retrouve des archétypes de la narration comme le héros au mille et un visages, qui va vivre des aventures incroyables dans un univers fabuleux. L’idée est d’y découvrir un personnage grandir. D’y voir l’ascension d’un jeune garçon qui au travers de ses rencontres, va changer le monde.

Et l’un des Shonen les plus emblématique est bien sur Dragon Ball, une quête initiatique qui comporte une dimension parodique, et humoristique.

Ankama reflète cet esprit shonen, et devient même le miroir de la génération club Dorothée.

Et il est récurrent de voir des personnages du Krozmoz qui revêtent cette tradition. On peut notamment citer les personnages de Yugo, de la série Wakfu, de Joris du film Dofus, d’Arty dans le manga Dofus ou bien Pym dans le manga Dofus Arena.

A mon sens, ces différents éléments qui étaient autre fois la marque de fabrique d’Ankama, sont devenus sa limite. Et quand je découvre les nouveaux projets portés par l’entreprise, comme Princesse Dragon ou La dernière aventure du conte Lance-dur, il me semble évident que les équipes ont envies d’aller vers autre chose.

Et l’œuvre qui catalyse l’ensemble de cette remise en question est la troisième saison de la série Wakfu.

Le paragraphe suivant contient des spoilers et peut vous divulgâcher le contenu de l’œuvre, mais contient également une surabondance du « je » et l’usage intensif de la première personne du singulier.

L’écho d’une œuvre vient toujours d’un artiste

Dans la saison 3 de Wakfu, on découvre le personnage d’Oropo, le nouvel antagoniste de la Confrérie du Tofu.

Ce personnage est atypique, puisqu’il est né à un moment fort des OAV qui précèdent la saison.

Yugo, en s’appropriant les six Dofus éliatropes, donne naissance malgré lui à des copies de lui-même, qui sont balancées au travers de l’espace et du temps. Ces copies sont appelées les éliotropes. Ils ont le vécu de Yugo, et renferment une copie de son passé.

Ce personnage est intéressant, d’abord parce qu’il est une tragédie à lui seul. Car étant le dernier des éliotropes, il a absorbé à son tour la mémoire de ses semblables, et donc leur tristesse, leur haine et leur rancœur. Et là j’ai trois différentes interprétations au personnage, qui sont à la fois mon ressentiment personnel, mais aussi le fruit de mes réflexions.

Grandir dans un autre univers

La première interprétation est simple : les éliotropes sont les enfants qui regardent Wakfu. Si vous avez mon âge, vous avez probablement joué à Dofus durant votre enfance, gagner des points d’expériences sur les craqueleurs, mais surtout, vous avez peut-être regardé Wakfu sur une chaine nationale.

En regardant cette série, c’était comme un rendez-vous régulier avec les personnages d’Ankama. On découvrait l’épisode du samedi matin, puis on allait découvrir la mise à jour dans Dofus et dans Wakfu : les gardiens.

Après avoir vécu les aventures de Yugo, on a découvert un nouveau sens au mot immersion qui ne signifiait plus juste motion gaming ou jeu mobile, mais aussi transmédia.

Personnellement j’ai grandi avec ces personnages, et puis après j’ai découvert d’autres jeux, d’autres séries. J’ai évolué, et j’ai changé. Alors que le monde mutait autour de moi, je commençais à regarder mon enfance avec nostalgie. Et en regardant la saison 3 de Wakfu en 2017, rien n’était plus pareil.

A sa sortie, j’ai détesté cette nouvelle aventure. J’étais déçu du changement opéré sur les personnages, de leur caractère qui n’était plus le même.

Et puis après un visionnage récent, j’ai compris Oropo. Ce personnage représente plus qu’un spectateur frustré du changement, il représente la folie de la nostalgie. A l’écouter, la vie sur laquelle il a eu un impact ne vaut rien comparé au passé de son géniteur. Ce vécu qui n’est pas le sien l’a enfermé dans une haine irraisonnée. Et pourtant, lui et les éliotropes ont préféré ne pas interférer, et changer le cours de l’histoire avec un seul objectif : laisser leur père vivre les deux premières saisons. Et donc sauver ce vécu fantasmé.

On ne fera jamais mieux, ou la phobie de l’artiste

Yugo, comme les équipes d’Ankama, ont provoqué le destin. Ce sont eux qui ont provoqué par leurs actions ou leur inactions leur ascension, et leurs échecs. Et ces deux entités se sont bridées dans une boucle basée sur un passé fantasmé, et impossible à revivre. Cette sensation de se trouver face à une copie perpétuelle du jeu Dofus, qui malgré sa volonté de s’en détacher est toujours rattrapé par son héritage.

Un créateur en inspire toujours un autre

Et si Yugo était la représentation d’Ankama. Un OVNI qui construit des choses fabuleuses, et qui pour trouver sa place va devoir faire face à sa nature profonde. Mais si Ankama est Yugo, pour moi, Oropo représente aussi les créateurs que son équipe a inspirés.
Après tout, l’aventure du Krosmoz est originale dans toute l’industrie. C’est cette force de proposition qui m’a poussé à rêver, et à penser que, peut-être, un jour, j’aurais moi aussi l’occasion de donner vie à des univers. Des univers dans lesquels évoluerons des passionnés et qui à leur tour lanceront les leurs.

Les auteurs et illustrateurs chez Ankama Editions

Si on y réfléchit bien, l’artiste peut être perçu comme atypique dans le monde dans lequel il évolue. Mais l’artiste devient un dieu quand il construit son univers. Il y choisi les règles dans lesquels évolue ses protagonistes, et y choisi chacun des impacts de ces derniers. La question est donc la suivante : qui est le protagoniste dans un MMORPG ?

Finalement, qui de Yugo ou Oropo est le créateur ?

L’avenir d’Ankama

Après la fermeture consécutive de Dofus Arena, Wakfu : Les Gardiens, ou l’abandon de Slage, on est en droit de se demander à quel point Ankama en tant que société, est aujourd’hui dépendante de la marque Dofus.

Cela fait maintenant plus de 15 ans que les détracteurs du Krosmoz prédisent la fin de l’aventure. Que l’entreprise est trop dépendante de son univers fétiche. Que la santé de l’entreprise va au gré du nombre d’abonnements et donc de la rétention au jeu. Parce que l’univers du Krosmoz n’a jamais surpassé la marque Dofus.

Pourtant, Ankama est toujours debout. Et fait partie intégrante de l’imaginaire collectif des joueurs français.

Pour moi, Ankama a redistribué les cartes dans le monde du divertissement. C’est la première entreprise française qui a voué son activité à la création d’univers populaires, proposant des idées fortes avec des valeurs écologiques, et a initié toute une génération aux jeux de stratégie.

Dofus n’a pas été seulement un vecteur de rencontres, il a été bien plus qu’un simple réseau social. Il est un univers riche et une communauté où chaque joueur a l’opportunité d’avoir sa place. Où derrière chaque personnage non joueur se cache une blague et un humour ravageur.

Il y a quelques années, Ankama a annoncé la volonté de créer Ankama Launcher, son centre transmédia dans lequel les joueurs pourront voir sur une seule interface toutes ses productions, et qui rassemblera chaque BD, chaque jeu, chaque dessin-animé de l’univers du Krosmoz.

Maintenant, reste à savoir si ce player se découvrira sous le prisme du Krosmoz, ou de Dofus.

Comment j’ai créé ma web-série ?

Une odyssée spatiale et créative

Cela fait maintenant près de six ans que je travaille sur un projet de web série. Mêlant images de synthèses et prises de vues réelles, la série dénombre aujourd’hui une demi-dizaine d’épisodes disponibles sur Youtube. Et j’écris cet article car je souhaite évoquer le travail que j’effectue en autodidacte depuis tout ce temps.

Extrait de l’épisode 6 de UNAI

UNAI raconte l’histoire de Unai, un enfant renard anthropomorphique et de Keeper, un humain. Tous deux sont à la recherche de l’Homeless, le centre de l’univers.

Mon objectif est de créer une relation père-fils entre les deux personnages. Chaque épisode a pour thématique une émotion, et a pour ambition d’approfondir leur relation. Chacun dure entre trente secondes et deux minutes.

UNAI a été réalisé en mélangeant prises de vues réelles et images de synthèses. Le character design se veut cartoon, pour se rapprocher de l’idée d’un Roger Rabbit.

L’univers est inspiré par le Petit Prince de Saint-Exupéry, mais aussi de Star Wars, Star Fox et Alert Spoiler.

J’ai réalisé ces courts métrages en alliant prise de vue réelles sur fond vert, puis j’ai incrusté mon personnage dans l’environnement 3D créé avec le logiciel Blender et rendu avec le moteur Cycles. J’ai créé beaucoup de versions du personnage de Unai. D’abord pensé comme un robot, puis comme un petit garçon à la peau bleue, je me suis arrêté à la forme d’un renard humanoïde car le rendu du pelage est vraiment intéressant, et permet de rendre le personnage palpable.

Au tout début, UNAI n’était pas une web série, mais une chronique dédiée au jeu vidéo. Je me retrouvais face à une caméra, dans ma chambre, en train de parler de jeu vidéo. L’idée était d’intégrer un personnage en image de synthèse. Une sorte de side-kick qui aurait pour but de faire sourire le public.

A ce moment, nous sommes en 2015, et je commence à me former en autodidacte sous Blender. Et la première chose qui me vient à l’esprit, c’est de donner vie à un object simple du quotidien: un lampe qui serait sur mon bureau et qui me jouerai des mauvais tours.

Hélas, l’idée ne me convient pas. Je revois mon ambition à la hausse en imaginant un enfant en 3D, avec qui je pourrais intérargir librement. Unai est né !

Le personnage de Unai dans une première version

Le personnage était un enfant à la peau bleu. Ses yeux sont blanc car je se veux pas lui faire des yeux à ce moment donné, ne sachant pas encore comment les animer. Les cheveux sont également blanc et la peau réagit différemment à la lumière.

Même si l’idée est bonne, le n’était pas assez organique. J’abandonne cette idée, mais je veux absolument poursuivre dans cette idée qui consiste à mettre en scène un jeune extraterrestre qui parle avec un jeune humain de jeu vidéo.

J’aime l’idée qui consiste à opposer deux personnages qui n’ont rien en commun, voire qui se detestent, mais qui partagent une même passion.

Je me décide alors à designer une première ébauche d’un personnage qui se rapproche du Unai actuel.

Unai sous forme de personnage poilu daté se septembre 2016

L’évolution de la modélisation du personnage

Dans cette itération, l’idée était de créer un personnage plus simple. Le douer d’un visage cartoon me permettait alors de faciliter le futur processus d’animation. Et s’éloigner du réalisme me permet alors de décompléxifier son mouvement.

Même si je ne suis pas satisfait par le personnage, je sens que je m’approche du but.

Mais une problématique se pose au niveau de son design. Je vois plus ou moins à quoi le personnage doit ressembler. Mais je n’ai pas d’idée sur la forme de que doit prendre son visage.

N’étant pas suffisamment doué à l’époque avec la modélisation Blender, je choisis de passer par la sculpture sur terre. Même si le résultat n’est pas vraiment à la hauteur, il a le mérite d’affiner ma vision du personnage.

Sculpture du visage de Unai version plus cartoon de profil

Sculpture du visage de Unai version plus cartoon de face

Sculpture du visage de Unai version plus réaliste de profil

Sculpture du visage de Unai version alternative

A cet instant, je comprends que le personnage devient plus palpable. La terre me permet de le toucher et de mieux visualiser son visage et sa personnalité.

Visage de Unai datant de septembre 2018

Le personnage est désormais modélisé. Il m’apparait comme une évidence. Alors que j’hésite entre un pelage blanc et un pelage roux, je me dit que j’ai envie de tester les couleurs d’un renard.

Tout me plait dans ce personnage avec les différents détails sur son pelage rendu avec Cycles, son air optimiste et amusé.

Je vais donc procéder à de multiples prises de vues test tout en imaginant à quoi ressemblerait le premier épisode.

Première ébauche — Unai regardant l’horizon

Les quatre premiers épisodes de Unai ont été écrits de manière procédurales. J’ai juste fait les scènes les une après les autres, sans savoir à quel moment j’allais finir l’histoire.

Comme je le disais précédemment, l’un de mes objectifs était de faire une chronique jeu vidéo. Mais alors que je m’approchais de la fin de chacun des épisode, j’étais embêté par le fait de parler de quelque chose sans être légitime. Je savais que je n’avais pas assez de vécu pour pouvoir évoquer l’histoire du jeu vidéo.

C’est pourquoi UNAI est devenu une web série. Sans jamais prononcer le mot “jeu vidéo”.

L’histoire du premier épisode raconte comment une créature se moque de son créateur d’une part, et d’autre part se veut un appel au voyage.

Unai dans le premier épisode

L’épisode 2, quant-à lui, se veut plus sombre. On y voit Keeper protéger Unai. Ma volonté était d’y installer une sorte de tension, même si le fond vert approximatif nous sort une fois de plus de l’immersion.

Dans UNAI #03, Unai montre ses talents de pilote à Keeper. Je voulais montrer la fierté de Keeper envers Unai, et présenter pour la première fois l’interieur du cockpit du vaisseau.

Dans l’épisode quatre, je voulais juste souligner le sentiment de solitude des deux personnages. Mais aussi présenter un début de confrontation: Unai grandit, et montre un caractère rebelle.

Du coup, je profitais des épisodes pour développer l’univers visuel. L’idée était alors de parler de la relation entre Unai et Keeper, en installant l’idée que Keeper protège son petit frère. Et Unai, lui semble avoir peur de Keeper dans l’épisode 2, puis être fier de lui présenter ses talents de pilote dans l’épisode 3. Dans l’épisode 4, qui est le plus court de tous, il exprime sa tristesse, et sa solitude. Keeper, lui justifie cette difficulté par le fait qu’il veuille le protéger.

L’idée est aussi de faire en sorte qu’à chaque épisode de UNAI, une émotion ressorte du visuel. Avec une colorimétrie propre. Et en analysant ces premiers épisodes, je ne peux m’empêcher de remarquer que les visuels sont de plus en plus sombres. Et l’univers de plus en plus triste.

Avec l’épisode 5, je fais un choix radical. Jusqu’à présent, le tout semblait plutôt sérieux. Mais j’ai envie de m’essayer à quelque chose de plus drôle. Et cette cinquième excursion dans UNAI va être un premier pas dans la comédie.

Jusqu’à présent, UNAI était voué à être une simple web série de science fiction cachée dans les entrailles de youtube. Cette aventure de Unai et Keeper renoue avec mes objectifs de départ: faire rire mon auditoire et faire une oeuvre burlesque.

Pour la première fois, un autre personnage que Unai et Keeper va enter en scène. Celui ci sera un antagoniste dont le design sera tout droit sorti du design des robots de Portal 2.

Autre révolution: l’épisode a été tourné en décor réel ! Tandis que l’ensemble des épisodes précédents avaient vu les plans de Keeper être tournés sur fond vert, celui-ci serait tourné en plein air.

Enfin, dernière révolution: le personnage de Unai lui-même. En effet, l’ensemble du squelette d’animation du personnage a été revu, avec un redesign au passage. Désormais, Unai n’est plus torse nu !

Unai version test avec rigg facial animé à la main

Unai avec test vêtement rouge

Unai avec test vêtement violet

De plus, son rig facial a été refait de manière à pouvoir intégrer un système de capture faciale, pour pouvoir animer le visage du renard de manière rapide en me filmant avec mon téléphone. Le tout est calculé pour que le faciès de Unai soit plus organique. Et en plus, je n’ai plus à animer chacune de ses interventions à la main !

Quand je vois l’évolution de mon travail, je me sens fier du travail accompli jusqu’à présent. A l’heure où j’écris ces lignes, l’épisode 6 est encore en cours de production. En levant les yeux, de temps en temps, je vois les visuels de UNAI qui prennent vie, frame après frame, scène après scène.

Je ne suis pas l’animateur le plus doué de ma génération, ni le gars le plus imaginatif qui soit. Mais créer UNAI me rend heureux.

Quand je vois Unai et Keeper discuter, c’est une partie de moi qui s’exprime. Et raconter leur histoire me fait le plus grand bien.

Leur prochaine aventure sera la plus ambitieuse à ce jour, et va complètement se reconnecter avec la fonction de base du projet: parler de jeu vidéo.

Oui, l’épisode 6 sera une chronique. Et sera un mêlange de fiction comme les épisodes précédent, mais aussi de chronique au format voix-off.

A chaque nouvelle image rendue, ma hâte de présenter l’épisode 6 grandit.

Unai et Keeper sont quelque part mes enfants. Je les ai créés et imaginés. Je les ai écrits et sculptés, modélisés et filmés.

Version retravaillée de la scène 01 de UNAI #01 – Bienvenue dans mon univers

Les voir s’animer à chaque épisode sous une nouvelle forme me rempli d’ivresse.

Pour moi, ces personnages sont l’image même de la liberté.

William-Arno CLEMENT

melty VS webedia : qui sera le futur Disney des millenials ? — RETROSPECTIVE

Nous sommes en 2007, à Paris, lorsque deux entrepreneurs Français, Cédric Siré et Guillaume Multrier, décident de créer des start-up dédiées aux médias en lignes et à la communication.

La première, nommée Youmag, se présente comme un “moteur de news”. Il s’agit alors d’un agrégateur d’articles d’actualité et futur concurrent de Flipboard et Google News.

La seconde start up, intitulée Webedia, est une compagnie dédiée à la création, à la gestion et commercialisation d’espaces pour des sites internet dédiées à des verticales d’info divertissement, c’est à dire des sites d’actualités voués à divertir leur lecteur. Ses premiers sites sont puretrend, purepeople et purefans.

Pourtant, non loin de là, dans la banlieue parisienne, au Kremlin-Bicêtre, un jeune entrepreneur du nom de Alexandre Malsch, exécute son idée de créer un média d’info divertissement nommé melty, une évolution remaniée de son ancien site Actuados.fr. Au travers de sa société eeple, il travaille sur de multiples projets, dont un site de rencontre, une plateforme de réseautage social et un site d’actualité pour jeune nommé melty. Il faut dire que les médias d’info divertissement ne sont pas encore légions à l’époque, ou du moins, sur l’internet Français.

Aux États-Unis, les sites tels que Vice ou Buzzfeed commencent à voir grossir leur audience. The Walt Disney Company investira d’ailleurs dans l’entreprise Vice Media à coup de millions. Personne ne pouvait alors deviner que Webedia et melty allaient se livrer pendant une décennie une bataille pour la conquête de l’attention virtuelle des Français. Alors, laissez-moi vous raconter l’odyssée de ces deux entreprises. Spoiler : à la fin, il n’en restera qu’une. Voici une odyssée interactive.

2007 à 2012 : A la recherche de l’équilibre

C’est après le succès d’audience de melty.fr que l’équipe d’eeple dirigée par Alexandre Malsch décide de se séparer de son rêve de concurrencer les réseaux sociaux et les plateformes de blog. En effet, Board, leur site qui mélange réseau social et plateforme de blog, n’a pas le succès escompté.

L’Énergie de la jeune compagnie se dirigera donc vers melty, son produit phare, et la création d’un CMS MVC fait maison. Pour cela, la start up recrute sa première salariée, Pascale Erblon, qui aura pour mission de construire la ligne éditoriale de melty. La ligne directrice de l’entreprise est claire : faire du clic, par tous les moyens possibles, histoire d’exister dans les référencements organiques de Google. La tâche est complexe, sachant qu’à l’époque, les rédacteurs doivent écrire directement leurs articles en html car les outils de rédactions ne sont pas encore développés.

Le site à soif de contenu, et demande un investissement considérable en articles d’actualités. Car les jeunes, qui sont la cible du site, demandent encore et encore de nouveaux snack contents à dévorer sur leur séries favoris ou sur la dernière télé réalité à la mode. Pour ce faire, l’entreprise emploiera une armée de stagiaires dédiée à la rédaction de contenus. En face, chez Webedia, l’idée est la même. Créer une galaxie de sites internet alimentée par le contenu de stagiaires et des free-lance. Faire cliquer le lecteur, l’attirer via un titre racoleur et lui faire cracher son temps de cerveau disponible.

Parce que melty et Webedia ne sont pas dupes : pour se développer, ils nécessitent une, voire plusieurs levées de fonds. Mais ces levées de fond ne seront accessibles que grâce à la croissance de leurs chiffres d’affaire. Donc par une croissance du nombre d’affichage de publicités.

A cette époque, Webedia a déjà plus de moyens que melty. En effet, l’un des cofondateurs de l’entreprise, Guillaume Multrier, a fait connu un succes avec son entreprise Bananalotto.fr. Webedia passera donc par la case croissance externe, en rachetant des sites. Ozap sera racheté à M6 web et rebrandé Puremedias, et Shopoon sera racheté à la redoute pour et rebrandé PureShopping.

On aura également le lancement des sites PureCine et Purecharts chez Webedia. L’idée est claire, créer une galaxie de site Pure avec un site par thématique. Puis faire grossir son audience et vendre des espaces publicitaires.

C’est une stratégie similaire à ce que fait melty. Melty, qui constate le succès de webedia dans la diversification de ses thématiques, créé meltyFashion, meltyBuzz, et MeltyStyle. Respectivement dédiées aux audiences féminines, aux buzz et aux audiences masculines.

A ces sites d’ajouteront de nouveaux sites meltyDiscovery, meltyFood et meltyXtrem au fil des années. Melty a néanmoins un argument stratégique à vendre à ses investisseurs: Shape. Il s’agit d’une suite d’algorithme capable de prédire les sujets tendances pour adapter sa ligne éditoriale.

On retrouve dans cette stratégie de diversification l’envie de porter une marque commune, à savoir melty et Pure, au travers de plusieurs verticales concises et dédiées à des audiences très segmentées et donc plus valorisées aux yeux des annonceurs. Mais l’année 2013 va tout changer pour Webedia.

2013 à 2015 : levées de fonds et stratégies opposées

Webedia est rachetée par la société Fimalac, la firme de Marc de Lacharrière.

L’énarque et milliardaire voit grand dans ce rachat, puisqu’il veut en faire l’un des champions européens de l’internet. Et Cédric Siré, voit lui aussi les choses en grand. Il ne voit plus Webedia comme une galaxie de site, mais comme un écosystème à part entière. Et pour ce faire, les moyens ne manque pas. Puisque Fimalac, à coups d’investissements, va propulser Webedia à la tête des éditeurs de sites web. Webedia, avec les fonds de Fimalac, rachètera en masse de nombreux sites internets dans toutes l’europe. En France, on notera le rachat du groupe Allociné et de ses succursales dans toutes l’europe: Sensacine en Espagne, FilmStarts en Allemagne, AdoroCinema au Brésil, Beyazperde en Turquie et Allociné en France.

On assistera aussi au rachat de Terrafemina, site d’actualité destiné aux femmes et concurrent du groupe AuFeminin.com qui appartient aujourd’hui au groupe TF1 via sa division Unify (revendue à Reworld Media). Sa verticale cuisine et gastronomie s’enrichie via le rachat de 750g.com et de l’académie du goût, ainsi que de multiples maisons d’éditions dédiées à la cuisine. Webedia investit dans le tourisme en s’adossant au géant EasyVoyage, et en s’offrant l’officiel des vacances et le bon guide. L’un des rachats qui a fait le plus de bruit : l’Odyssée Interactive et son site jeuxvideo.com racheté à Hi-Media. Dans le milieu du jeu vidéo également, la structure millenium sera racheté par Webedia pour le développement de son pôle e-sport. C’est également dans ce cadre de Webedia fera une succession d’acquisitions dans l’esport. À savoir Oxent, qui possède entre autres le site d’organisation de tournois Toornament.com et la compétition ESWC, mais aussi la structure de gestion de talents Bang Bang Management.

Dans sa lancé, Webedia annoncera le lancement de la version francaise d’IGN en partinariat avec Ziff Davis. Ainsi qu’un autre partenariat avec le PSG pour l’annonce de sa structure eSport. Mais webedia ne va pas des contenter d’investir dans l’édition de sites web thématiques. Il se lance également dans l’ecommerce avec ses marque WeAreFan, 31 m², Run Baby Run, Cézigue et in investissement en tant qu’actionnaire majoritaire dans Pour De Bon, qui s’ajoutent à PureShopping dans la panoplie webedia.

En 2014, c’est l’acquisition de MIXICOM, entreprise de production qui détient jeux actu et surtout des contrats de monétisation de célèbres youtuber via talentweb, qui va faire grand bruit. Depuis cette date, webedia abandonnera le label Mixicom pour celui de Talentweb, avec le quel il va unifier ses autres agences de gestion de talents telles que 3BlackDots, Allyance Network en Allemagne, Paramaker au brésil, Vizzen Espagne. Enfin, Webedia est le propriétaire de Diwanee, le webedia d’arabie saoudite, et Uturn, son talentweb local.. A noter que cette liste des rachats n’est pas complète car je souhaite vous montrer ici la portée de webedia à grande échelle. Melty, de son côté, fait une levée de fonds de 10,5 millions d’euros.

Un pari ambitieux, mais incomparable à la force de frappe du mastodonte Webedia désormais appelé Licorne, c’est à dire valorisé un milliard de dollars. Renommée successivement MeltyNetwork, puis meltygroup, la start up grandit jusqu’à son point culminant : exporter son modèle à l’internationale. Dans ses locaux du kremlin Bicêtre et à l’aide de partenariat avec des entreprises locales, Melty lance ses sites dans des pays tels que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Mexique, la Pologne, la Roumanie, le Maroc, la Tchéquie, la Turquie, le Brésil, le Canada anglophone et le Québec. Alexandre Malsch voit grand. Ses équipe aussi.

Son rêve est désormais de concurrencer Disney en lançant par exemple une chaîne sur la TV d’orange, amplifie sa présence sur les réseaux sociaux. L’entreprise fonde également diverses structures affiliées telles que melty eSport Club, sa team esport. Melty travaille également à lancer son propre réseau de talents sur le web avec la Melty Talent house en partenariat avec kisskissbankbank. Au niveau technologique, l’algorithme Shape perd de la vitesse contre les technologies de Webedia: les rachats d’autres start-ups dédiées à l’optimisation du contenu comme myposeo, Nuke Suite, Semantiweb écrasent peu à peu les ambitions de melty. Uptilab est absorbée par tradelab, et la régie publicitaire de melty ne peut rivaliser face aux ambitions démesurées de webedia.

2016 : Il n’en restera qu’un

Webedia continue son objectif d’expansion via des rachats externes pour dominer ses verticales. Le tout en contrôlant la quasi-totalité de la chaîne de production pour le web.

Conscient de son impact dans le milieu de l’audiovisuel, Webedia s’est offert Elephant, une société de production audiovisuelle, Creators Studios, un studio de production, et a fusionné ses actif Allociné et BoxOffice récemment rachetés pour fonder The BoxOffice Company, le concurrent direct de IMDB qui appartient à Amazon. Webedia s’est offert Full Fanthom Five, société d’auteurs aidant à la production. Concernent son écosystème web, webedia s’est racheté Weblogs, éditeurs des sites Xataka (actualité hightech), Directo al Paladar (cuisine) ou Trendencias (mode et beauté), qui vient compléter son portefeuille espagnol qui comportait déjà 3DJuegos et IGN Espagne. L’entreprise s’est également lancée dans le jeu mobile et publicitaire avec Scimob et Adictiz Webedia a également racheté Seelk, une agence spécialiste du retail media.

Mais le rachat qui a le plus de sens est celui de Quill. Qui est une entreprise qui commercialise des algorithmes de génération d’articles et de contenus orienté e-Commerce. Ce dernier rachat prend tout son sens si l’on se dit que Webedia voudra à terme générer une grosse majorité des contenus à faibles valeur ajouté par des algorithmes. On peut donc s’attendre à voir des articles d’actualité écrits par des robots.

Rien n’est moins sûr. De son côté, l’aventure melty vire au cauchemar : la société ferme un à un ses sites internationaux. Son club esport et son initiative talent house s’effacent également de ses objectifs. Melty ferme tour à tour ses sites Français. Il ne reste que le site melty ainsi que meltyfashion, rebrandé Shoko. Malgré sa présence sur Snapchat discover, melty peine à séduire de nouveaux investisseurs.

En 2017, Alexandre Malsch quitte le navire melty. Et la compagnie restera instable jusqu’en 2019, la société ayant changé trois fois de PDG en moins de 2 ans. Aujourd’hui, melty reprendre du poil de la bête en relançant ses verticales buzz, discovery et Food. Le lancement de meltyStore va également dans ce sens avec un premier pas léger dans l’eCommerce. Melty a pris en régie certains de ses partenaires tels que A4 social qui est derrière le site Buzzly et greenpills. Ainsi que de nombreux autres pureplayers.

Enfin, melty partage ses contenus avec Phenix Groupe pour les diffuser dans des écrans publicitaires citadins. Après un redesign de son site, melty travaille maintenant à pérenniser son activité (entre temps racheté par Reworld Media), tandis que webedia s’assure un avenir aux côtés de Fimalac.