EUR ArTeC
Université Paris 8 – Université Paris Nanterre
LES
HISTOIRES
DE
PAR-DELÀ
LES
ÉTOILES
L’animation 3D comme outil réflexif de la narration fictionnelle transmédia
Sous la direction de Vincent Bonnefille et Nancy Murzilli
Présenté et soutenu par William-Arno Clément
Année universitaire 2024-2025
Remerciements à Vincent et Nancy pour leur suivi pédagogique au-delà des étoiles.
Remerciements à Sophie et Francis, à Frann et Ronda.
Remerciements à Laëtitia, Unai.
Dans le cadre de mon Master (2023-2025) en Recherche-Création au sein de l'École Universitaire de Recherche ArTeC, je vous présente mon mémoire.
LES
HISTOIRES
DE
PAR-DELÀ
LES
ÉTOILES
Ce mémoire interroge sur les potentiels de l’animation 3D comme outil réflexif dans la narration fictionnelle transmédia. À travers une approche mêlant création et recherche, il explore comment ce médium peut transcender sa fonction technique pour devenir un vecteur d’interactions entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur.
Visuel – Unai et la boite – UNAI Le Piranha Rouge
Table des matières
1. Définitions et aide à la lecture 9
1.1. Définition des termes de la problématique 9
2. Présentation du projet transmédia UNAI 11
2.1. UNAI : le projet transmédia 11
2.3. Le projet de recherche-création 17
2.4. Les projets intermédiaires 18
2.5. Le but de la recherche création 19
2.6. Processus de recherche création 21
3. L’animation 3D comme support de diffusion d’une fiction 23
3.1. Présentation de l’animation 3D 23
3.2. De quoi parle-t-on quand on parle de la 3D dans UNAI ? 24
3.3. Création d’un moteur de rendu 3D 30
3.4. L’animation 3D comme outil réflexif de la narration fictionnelle transmédia 33
3.5. L’animation 3D devient outil narratif réflexif 38
3.6. La subjectivité dans la 3D 46
3.7. L’acteur numérique devient mystère 53
4. Le transmédia comme outils de fabrication d’une fiction 55
4.1. Envisager le transmédia comme méthode de conception 59
4.2. Quand le support entre en collision avec la diégèse 62
4.3. La place de la soft science-fiction dans mon univers fictionnel 64
4.4. Le logiciel numérique comme pratique de l’imaginaire 67
4.5. L’omniscience technologique 85
4.6. Devenir acteur technologique et s’émanciper du futur 91
4.7. Outil utilisé, réflexion sur la plume 95
4.8. L’animation 3D en tant que chambre d’enfant 99
4.9. Comparatif entre film et jeu vidéo 105
4.10. Construire une sémiotique fictionnelle 109
7.1. Les personnages du film 126
7.3. Bande dessinée expérimentale 130
7.6. UNAI BACKRUN : Le jeu de rôle 135
7.7. Visuels du projet transmédia UNAI 141
Préambule
Mon projet de recherche-création s’inscrit dans une démarche où la fiction devient un terrain d’expérimentation. Un espace où les limites narratives et esthétiques sont interrogées, détournées et parfois dépassées[1]. En intégrant des allers-retours[2] constants entre mes projets créatifs et ma réflexion théorique, ce mémoire est construit comme un dialogue où l’imaginaire et l’analyse s’enrichissent mutuellement. L’univers fictionnel que j’ai développé (initialement conçu pour une web-série (G : voir glossaire) (en 2016[3]) constitue le point de départ de cette recherche. Cet univers regroupe une mosaïque d’idées et d’expérimentations où les échecs et les imperfections trouvent leurs places dans une esthétique volontairement fragmentée.
À travers ce cadre, je vous propose de tester les limites de l’animation 3D comme outil de narration fictionnelle, en utilisant la pratique du transmédia expérimental. Les différentes productions de ce projet (un film hybride et une installation immersive interactive) sont pensées comme des outils exploitant l’animation 3D de manière complémentaire pour éprouver les concepts explorés. Elles ne sont pas des résultats figés mais des propositions expérimentales permettant de confronter directement les hypothèses théoriques aux réalités de la création.
Mon dispositif narratif repose sur plusieurs niveaux de lecture, non seulement dans la construction de l’univers fictionnel, mais aussi dans les différentes strates de sa réalisation.
L’incarnation (G) du créateur cohabite avec sa créature dans un univers écrit par leurs voyages et par l’auteur. Ainsi, les personnages adoptent d’emblé des points de vue différents sur leur place dans l’univers : l’acteur devient auteur et le personnage en image de synthèse devient avatar (G). Alors, quand ces personnages de film deviennent héros de jeu vidéo (G) dans une expérience immersive (G), leur identité s’altère dans un nouveau média ou le spectateur se substitue au joueur.
L’animation (G) 3D, par sa capacité à créer des mondes entièrement modélisés et contrôlables, joue un rôle central dans ce dispositif transmédia. Elle permet à la fois d’étendre l’univers fictionnel au-delà des contraintes physiques du tournage en prise de vue réelle, mais aussi de rendre sa narration interactive avec l’usage des sciences du jeu vidéo. Grâce à la 3D, les personnages peuvent évoluer dans des espaces imaginaires, altérer le monde en quelques clics, changer l’histoire en quelques coups de pinceaux, ou se réinventer selon les besoins du récit et du médium utilisé.
Dans ce cadre, l’animation 3D devient un outil réflexif, permettant de questionner la nature même des identités fictionnelles. Lorsqu’un personnage en images de synthèses, initialement conçu pour un film hybride, migre vers un jeu vidéo interactif, il n'est pas seulement transposé/transcodé : il est altéré par le médium (G) qui l’accueille. Son comportement, son rapport au spectateur/joueur et même sa raison d’exister s’adaptent aux nouvelles règles du média numérique. L’animation permet ainsi de jouer sur les frontières entre l’acteur, l’avatar et le spectateur, redéfinissant en permanence le statut du personnage et son rôle narratif.
”L’adjectif « numérique » se réfère à une manière spécifique de représenter le réel : avec justement une série discrète de nombres. En ce sens, « numérique » s’oppose à « analogique » : une représentation continue du réel, « analogue » à la réalité. La numérisation est donc la transformation du réel en une série discrète de chiffres.
Afin de mieux comprendre ce type de « représentation du réel », il est nécessaire de situer la numérisation à l’intérieur du processus plus global de modélisation. La modélisation consiste à créer un modèle pour représenter quelque chose. Tout peut être modélisé : un objet, un phénomène, un concept, un sentiment, une action… On peut modéliser une course de voitures, une discussion entre deux personnes, un livre, une maison ou même l’amour.”[4]
Le mouvement du jeu vidéo au film s’amalgame au changement d’environnement 3D, les aventures se confrontent dans des points de vue opposés et paradoxalement réunis par leur univers fictionnel.Alors que dans un univers virtuel où tout devient possible, on est en droit de se demander comment l’animation 3D peut devenir un outil réflexif au service de la narration fictionnelle transmédia.
Annonce du plan :
La réflexion de ce mémoire s’organise autour de quatre parties principales.
La première partie est dédiée à la présentation du projet transmédia UNAI, des termes associés à son univers fictionnel et à sa diégèse[5]. De l’historique de son idéation[6] jusqu’à la création de projets de recherche-création liés à ce thème, en particulier les différentes notions narratives abordées dans son esthétique technique et artistique.
La seconde partie aborde l’animation 3D comme support de diffusion d’une fiction. La manière dont l’animation 3D peut transformer la relation entre la fiction et le spectateur en devenant un outil réflexif. Nous examinerons comment ce médium permet de rendre visible les processus de création. Nous nous questionnerons sur comment jouer sur les frontières entre une œuvre audiovisuelle et un univers intra-diégétique[7]. Nous mettrons en lumière ici les technologies numériques avec les esthétiques narratives et visuelles des récits fictionnels.
La troisième partie se concentre sur une pratique des technologies numériques comme outils de fabrication d’une histoire. Elle explore comment les choix techniques et technologiques influencent la narration ainsi que la dimension visuelle d’une œuvre.
J’explore notamment les opportunités offertes par l’interaction numérique dans une installation artistique 3D et l’influence du jeu dans la création transmédia UNAI.
Enfin, la quatrième partie interroge une pratique du transmédia comme méthode de recherche, en analysant les interactions entre les différents médiums et les nouvelles formes de narration qu’ils rendent possibles. Je développe les limites qui se sont posées dans la création de ce projet transmédia et comment les contraintes sont devenues des idées créatives dans les arts plastiques et audiovisuel présentés ici.
Ce mémoire, à la croisée des pratiques artistiques et de la recherche académique, vise à présenter une réflexion sur les capacités de l’animation 3D par ordinateur à devenir un espace de partage, d’interaction et de transformation. À travers l’étude et la création de dispositifs hybrides et immersifs, il montre comment l’animation 3D, dans une dynamique pluridisciplinaire et transmédia, peut enrichir notre rapport aux récits et ouvrir de nouvelles perspectives dans la manière de les concevoir, de les vivre et de les consommer.
1. Définitions et aide à la lecture
1.1. Définition des termes de la problématique
Comment l’animation 3D peut devenir un outil réflexif au service de la narration fictionnelle transmédia ?
Animation 3D : Technique d’animation numérique consistant à créer et manipuler des objets et personnages en volume dans un environnement virtuel. Utilisée dans le cinéma, les jeux vidéo et la publicité, elle repose sur la modélisation, le texturage, l’éclairage et l’animation d’objets en 3D.
Narration fictionnelle : Mode de récit où un narrateur relate des événements imaginaires, créant un univers cohérent avec des personnages et une intrigue. Elle peut adopter divers points de vue (interne, externe, omniscient) et divers styles (réaliste, fantastique, etc).
Outil réflexif : Un outil technique qui porte une réflexion sur lui-même ou sur ses propres mécanismes. En narration, un récit réflexif interroge sa propre construction, le rôle du narrateur ou l’implication du spectateur. Dans la problématique de ce mémoire, le terme réflexif désigne la capacité de l’animation 3D à amener une prise de recul de la narration fictionnelle. Cela signifie que l’animation 3D ne se contente pas de raconter une histoire, mais peut aussi questionner ses propres mécanismes narratifs et inciter à une réflexion sur la construction du récit ou sur le rôle du spectateur.
Transmédia : Pratique artistique de narration qui déploie un univers fictionnel ou documentaire sur plusieurs médias (cinéma, jeu vidéo, web, livre, etc), chaque support apportant un contenu unique et complémentaire à l’histoire globale. La recherche-création présentée dans ce mémoire ajoute une dimension introspective (G) à cet échange entre art et technique, en questionnant les processus de création et leur impact sur la narration et l'expérience du spectateur.
1.2. Aide à la lecture
Les termes suivis de (G), comme dans avatar (G) ou synthèse (G), renvoient au glossaire consultable à la fin de ce mémoire.
Les termes suivis de (A), comme les Wills (A), renvoient aux annexes (voir les sections Almanach et Personnages) et consultables en annexe de ce mémoire. Ces termes font référence directement aux entités de mon univers fictionnel.
Les passages en couleurs bleu dans ce mémoire se réfèrent à mon expérience de recherche-création. Ces passages faisant preuve de subjectivités, j’ai choisi de présenter dans un format différent de ma recherche.
Les passages en couleurs orange dans ce mémoire se réfèrent à la diégèse de l’univers fictionnel. Ces passages décrivent les personnages ou des séquences issues des œuvres donnant vie à l’univers UNAI.
Capture d’écran – Le Piranha Rouge – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Logo commercial de UNAI
2. Présentation du projet transmédia UNAI
2.1. UNAI : le projet transmédia
UNAI est tout d’abord une web-série de science-fiction créée par l’auteur en 2016 dans l’objectif d’apprendre la création de films d’animation numériques. L’objectif était alors de développer une série d’animation accessible gratuitement sur internet, pensée comme un archivage de l’état de l’art de mes compétences en création numérique au fur et à mesure des années, tout en introduisant un univers fictionnel original.
Si mon ambition initiale était de concevoir une série avec des acteurs réels, il m’est rapidement apparu que le recours à des personnages en images de synthèse offrait une liberté logistique et créative bien plus grande. Les contraintes liées au travail avec des comédiens limitaient considérablement la souplesse de production. Mon intention était de développer une fable en plusieurs épisodes, centrée sur le voyage de deux personnages : l’un incarné par moi-même, l’autre étant un enfant accompagnant le protagoniste. Or, il aurait été particulièrement complexe de réunir, sur plusieurs années consécutives, une équipe de tournage stable et disponible pour un tel projet. Par ailleurs, je tenais à conserver un contrôle artistique total sur l’ensemble de l’œuvre. Dans cette optique, multiplier les collaborations risquait de diluer ma vision et de remettre en question la paternité de mon propre projet.
Au-delà de ces considérations pratiques, l’image de synthèse me permettait d’accéder à une liberté artistique essentielle : celle de mettre en images des mondes qui n’existent pas dans notre réalité. Je souhaitais donner vie à des paysages imaginaires, des planètes miroirs, des univers enfantins propices à l’évasion. Ces décors sont autant de projections de mon imaginaire d’auteur, et constituent un appel au voyage, une exploration intérieure portée par un regard d’aventurier dans un monde façonné par l’enfance et destiné aux enfants de 7 à 77 ans.
J’ai créé un personnage virtuel enfantin pour incarner le rôle de l’enfant dans la série. Ne disposant pas d’une formation professionnelle en animation 3D, il m’était difficile de concevoir un personnage photoréaliste. J’ai alors choisi d’assumer pleinement ces limites techniques, en les transformant en partis pris esthétique. J’ai orienté mon travail vers des personnages expressifs aux traits plus stylisés, proches du cartoon, et j’ai opté pour des décors épurés, minimalistes, afin de pouvoir les concevoir entièrement moi-même. Pour donner vie à cet univers, j’ai utilisé Blender (G), un logiciel libre de modélisation (G) et d’animation 3D (G). Ce projet a été pour moi l’occasion d’un apprentissage autodidacte : je me suis formé seul à la 3D au fil du développement de UNAI. La web-série témoigne de cette évolution : elle donne à voir à la fois le progrès technique et la maturation artistique de mon travail. En ce sens, UNAI prend aussi la forme d’un récit initiatique – une exploration progressive d’un outil, la découverte de techniques, l’intuition de différents métiers – dans une pratique mêlant recherche artistique et expérimentation artisanale.
C’est dans cette dynamique d’apprentissage et d’expérimentation continue que j’ai réalisé un épisode de chronique fictionnelle mettant en scène mes personnages virtuels. À mesure que ma maîtrise technique progressait, j’ai pu enrichir l’animation d’Unai grâce à l’intégration de la capture de mouvement, apportant ainsi une expressivité nouvelle au personnage.
Dans un épisode, le onzième, j’ai choisi d’explorer une autre voie en revenant à une forme plus expérimentale, proche du court métrage d’art visuel.
Capture d’écran – UNAI Episode 11 – Peut-être faut-il mieux rêver que vendre du rêve…
Cet épisode marque une étape importante dans ma démarche à ce jour, réunissant d’un côté un rendu graphique particulièrement abouti – entièrement réalisé sous Blender en 4K à 60 images par seconde, un standard d’exigence technique élevé – et de l’autre, des séquences conçues à l’aide de mon propre logiciel de 3D, développé parallèlement pour approfondir ma compréhension des fondements techniques de l’animation.
Cette double approche – entre perfectionnement artistique et exploration technique – incarne l’esprit de UNAI, qui se construit comme un laboratoire narratif, visuel et technologique, au service d’une écriture libre et personnelle. De cette approche double, entre art et technologie, est née une pratique artistique réflexive. J’y interroge autant l’histoire que je raconte – que je cherche à enrichir grâce aux outils numériques – que la technologie elle-même, en la confrontant à sa nature d’instrument technique.
Ce dialogue entre création et outil se matérialise dans des œuvres à l’esthétique volontairement artisanale, éloignée des standards de production audiovisuelle industrielle.
UNAI devient ainsi un médium hybride, un outil de recherche-création qui relie intimement ma posture d’auteur à l’environnement numérique que j’utilise. Ce lien entre l’intention artistique et l’outil a un impact direct sur la narration : il conditionne ce que je peux raconter, la manière dont je le raconte, et participe à la construction même de l’univers fictionnel. En cela, les contraintes techniques de la mise en œuvre ne sont pas des freins, mais des moteurs créatifs qui sculptent les formes, les volumes, les récits et les mondes que je construis.
2.2. L’univers fictionnel
Présentation générale de UNAI
L’histoire de UNAI se déroule dans un univers de fiction. L’imaginaire devient le moteur de la génération de mondes dans lesquels des personnages vivent leurs aventures. Ces mondes ne sont pas de simples décors : ils incarnent chacun une émotion, une tonalité esthétique qui teinte la narration et oriente la mise en scène. Ainsi, les personnages voyagent de planète en planète, chacune étant l’expression d’un état émotionnel des personnages.
Capture d’écran – Unai parle avec Ronda – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Unai erre dans un monde délabré, reflet de sa tristesse. Keeper, son compagnon, affronte un robot dans un désert aux teintes pâles et à l’ambiance figée, une allégorie mélancolique de la perte. Dans un autre épisode, Unai est prisonnier d’un robot malveillant. Keeper le libère de manière burlesque, dans une forêt bucolique où l’humour et la légèreté contrastent avec les épisodes précédents.
Chaque planète, chaque ambiance émotionnelle, appelle une méthode de production spécifique, adaptée à son esthétique et à son intention narrative. Certaines séquences combinent prises de vues réelles et images de synthèse, d’autres sont entièrement numériques ou captées en décor naturel retravaillé numériquement. Cette hétérogénéité de techniques devient une composante à part entière du langage visuel de UNAI, où chaque monde se construit à travers un dispositif de fabrication singulier, en lien direct avec l’émotion qu’il cherche à transmettre.
Depuis le début du projet, l’objectif a été de s’émanciper des structures narratives classiques, et de mettre en avant les émotions ressenties par l’aventurier. En effet, l’univers de UNAI se présente comme un patchwork, un mélange d’expérimentations inabouties et de techniques volontairement inachevées. Ce chaos créatif illustre un imaginaire en constant mouvement, où une multitude de mondes coexistent, s’entrechoquent et se questionnent dans une diversité de tons, de pratiques artistiques et de rythmes.
Le terme UNAI devient central, non seulement comme titre, mais comme un concept qui relie fiction et aventurier, artiste et dispositif : “You and I”. Le protagoniste de l'histoire, Unai l’enfant renard, est pensé comme une passerelle, une voix qui engage un dialogue direct avec l’aventurier : “Je n’existe pas, mais je t’écoute, je te réponds”. L’univers qu’il incarne repose sur une relation plurielle entre l’œuvre et l’individu, une connexion réflexive conçue pour évoluer.
Ce lien crée un UNAIverse, un espace où les émotions et les aventures se déclinent dans des dispositions multiples (supports de diffusions, dispositifs techniques, contextes d’interactions), renforçant la connexion entre l’aventurier et la diégèse. Cette connexion peut prendre la forme d'œuvres interactives, de sites internets ou de films. Autrement dit, il s’agit d’une saga transmédia qui explore les relations entre art(s) et technologie(s), mettant en lumière leurs dimensions techniques et esthétiques tout en interrogeant notre relation aux supports de diffusion.
Logo original de UNAI
Unai le renard et le Capitaine Keeper, sont deux aventuriers spatio-temporels que tout oppose. Ils parcourent les galaxies en quête du Centre de l’Univers.
Le Centre de l’Univers est le nom donné au MacGuffin (G) du scénario de notre dispositif : il s’agit d’un lieu caché et quasi-impossible d’accès. Dans un univers fictionnel infini et sans fin, il est pertinent de nommer le trésor avec un nom suggérant l’évidence de son emplacement. Ainsi, le Centre de l’Univers fait avant tout écho à son positionnement dans le centre de l’univers virtuel (l'origine du plan XYZ) (G). Mais, il est aussi un détournement narratif : tel un trou noir, les personnages sont inévitablement attirés par ce point qu’ils souhaitent oublier.
L’influence du jeu vidéo et de l’immersion numérique sur UNAI
Ainsi, il s’agit d’un aller-retour obligatoire des personnages vers une destination déjà visitée pour conclure un arc narratif. Le Centre de l’univers est en réalité une étape scénaristique pour boucler la boucle. Les péripéties servent de fil conducteur pour exposer et déconstruire les outils narratifs qui sont au cœur de la diégèse. Le dispositif narratif de UNAI est pensé pour questionner les mécanismes de la narration elle-même, tout en plongeant l’aventurier dans une expérience réflexive où le positionnement des personnages participe et questionne son dispositif artistique. Il s’agit de repenser l’espace de la fiction à partir de l’animation 3D dans un contexte transmédia. Ainsi, un personnage peut se déplacer dans un espace 3D dans un film, et le personnage de Keeper est l’incarnation de l’auteur qui rencontre ses personnages, tandis que Unai est l’attache émotionnelle du spectateur.
Dans une expérience immersive ou un jeu vidéo, le personnage de Keeper est effacé pour laisser place au joueur. Ils adoptent ainsi la posture de l’aventurier dans un dispositif interactif dans lequel Unai vient l’accueillir. Cette ambiguïté entre personnage et auteur, spectateur et acteur profite des possibilités offertes par les détournements de l’animation 3D. L’esthétique du monde virtuel est usée au service de la réflexivité transmédia en intégrant la position physique de l’aventurier dans l’espace virtuel en 3D.
Dans cette mise en perspective de l’espace fictionnel, je choisi de briser le quatrième mur (le lien entre les spectateurs et la fiction), mais aussi l’ensemble des murs qui sépare personnages et artiste, œuvre et outils techniques pour ne garder que le sol : un univers fictionnel convergeant vers une même finalité : le Centre de l’Univers. Cependant, pour mieux garder le contrôle sur l’ensemble du dispositif, il devient nécessaire d’assigner un rôle à chacun des personnages mis en scène. Car si un protagoniste tel que Keeper devient avatar du joueur dans un autre médium, il faut conserver un statut unique tout au long du dispositif, et ce sur chacun des supports.
Ce dispositif (G) transmédia nous permettra de questionner l’usage du médium en tant que consommateur de fiction et dans l’optique de la création artistique. Cela implique des mouvements face au dispositif, entre médiums et techniques, puis entre cadre esthétique et méthodologies technologiques. Il s’agit de mettre en corrélation arts et sciences pour mieux penser la réflexivité d’un outil tel que l’animation 3D, qui s’ajuste et de transforme en fonction du média, et malgré le fait que l’histoire racontée soit similaire dans toutes les œuvres.
Les personnages sont justement des archétypes narratifs, pensés comme des entités variables (G) dont les aventures servent au développement des idées comme à l'avancée des scénarios. Ces personnages sont incarnations et personas des aventuriers, et changent de forme en fonction des œuvres de cette recherche-création.
- Unai (A) est un archétype du héros en quête d’identité, une figure classique dans la narration fictionnelle, notamment dans les récits initiatiques. Inspiré des clichés du dessin animé pour enfants, il incarne ce personnage « lisse et rebelle » : attachant, animé par une forme de naïveté teintée de lucidité, il remet en question l’ordre établi tout en aspirant à découvrir sa propre vérité. Il est malléable, comme un matériau narratif prêt à être exploré, déplacé, déformé selon les contextes. Sa forme animale – un renard – ajoute une couche symbolique : il est rusé et intelligent. En tant qu’archétype, Unai est un outil narratif propice pour aborder des thèmes universels tels que la découverte d’un monde fictionnel.
- Le Capitaine Keeper (A) est une parodie assumée du héros galactique – un croisement entre les aventuriers de l’espace à la Star Trek[8] et les cowboys solitaires de la science-fiction rétro. Égocentrique, peureux, imprévisible, il incarne l’archétype du « héros qui nous veut du bien », une figure paternaliste et maladroite qui croit sauver les mondes alors qu’il les dérègle. Il est le contrepoint de Unai : là où l’enfant cherche sa place, le capitaine tient à tout prix à conserver la sienne, quitte à l’imposer. En tant qu’archétype narratif, Keeper joue un double rôle : il est à la fois moteur comique, en désamorçant les tensions par son comportement absurde, et figure critique, permettant de questionner la posture du sauveur et le pouvoir associé à la figure du héros. Il est une sorte de faux mentor, une présence rassurante mais fondamentalement dysfonctionnelle.
Tout d’abord, ces personnages sont des archétypes narratifs, pensés comme des pièces avançant sur un échiquier qui est à la fois univers fictionnel et ligne temporelle. Ils sont amenés à changer du début jusqu’à la fin de l’histoire dans une chorégraphie asynchrone au service de l’histoire. Mais, ces personnages sont aussi des personas (G), qui servent de point d’attache aux spectateurs dans le cadre de l’expérience immersive. Les utilisateurs sont amenés à s’identifier à la posture d’un personnage dans un récit, et en l'occurrence au statut de pilote du Piranha Rouge (A). Unai devient un outil didactique qui vient présenter le fonctionnement des règles du jeu dans un tutoriel scénarisé.
Enfin, ces personnages sont représentatifs d’un échange permanent entre l’adulte et l’enfant. La relation entre Unai et Keeper est source de conflictualité : ils incarnent l’opposition entre deux générations différentes, une confrontation entre deux mondes différents, tout en développant une introspection de l’auteur au travers de son enfant intérieur.
L’univers fictionnel de UNAI est donc pensé comme un dispositif à part entière, destiné à être adapté d’un médium à l’autre pour mieux appuyer la dimension réflexive de notre création transmédia.
2.3. Le projet de recherche-création
Ce projet de Recherche-Création est une œuvre transmédia car c’est un dyptique qui utilise des médiums (G) différents. Ils sont complémentaires et pensés pour être vécus successivement (en tant qu'aventuriers-spectateurs puis aventuriers-visiteurs-acteurs), sans ordre défini et ainsi dérouler la totalité de l’Histoire. Cet ensemble de productions s'ajoutent des projets complémentaires, gravitant autour de l’Histoire racontée et pensés pour être des expérimentations destinées à compléter cette recherche.
Le projet principal est constitué de deux parties :
- UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles (A) : est un film mélangeant prises de vues réelles et animations. Ce film est un agrégat de médias enregistrés au format linéaire, permettant de vivre une aventure dans une durée fixe en tant que spectateur. C’est un film familial d’aventures, pensé pour être diffusé dans une salle de cinéma.
- UNAI Le Piranha Rouge (A) : est une expérience immersive permettant de vivre une course d’obstacles dans le vaisseau spatial. C’est un ensemble cohérent de médias interactifs destiné à une diffusion commune pour plusieurs visiteurs qui deviennent joueurs dans une installation hyperactive. Cette installation artistique est à la croisée du jouet vidéo (G), de l’attraction (G) interactive et du décor immersif, dans lequel les visiteurs peuvent s’imaginer piloter le Piranha Rouge.
Ces deux projets sont à la fois de nature transmédia dans le cadre du corpus de recherche-création, mais aussi des objets pensés comme des intermédialités opposées.
Le film composé d’images et de sons devient une fiction visionnable sur une durée donnée. Il nous donne des péripéties à voir dans un dispositif linéaire, chronologique et non interactif. De prime abord, ce dispositif permet avant tout de raconter une histoire au travers de la grammaire cinématographique : scénario, mise en scène, montage, etc. Il devient alors nécessaire de se demander comment mon travail de recherche-création peut rendre ce dispositif interactif. Mon objectif est de transformer le film en jeu, et détourner le dispositif filmique au travers de l’univers fictionnel de UNAI. Ainsi, au travers de l’utilisation d’une grammaire venant du jeu vidéo dans le film, de nouvelles méthodes d’interactions avec l'œuvre se créent.
Si l’expérience immersive est fabriquée d'images et de sons, elle est avant tout composée de son gameplay (G) et de sa mise en scène dans un espace donné. Ainsi, on fait face à un dispositif hybride qui s'affranchit de la linéarité du film pour construire un récit interactif. La jouabilité devient la pierre angulaire de la narration qui s’articule autrement pour s’effacer derrière le gameplay. Ainsi, la fonction première du jeu vidéo est un divertissement, dont la nature numérique permet de développer la narration d’une manière non linéaire et plus diffuse.
Ainsi, ce sont des agrégats de langages et de médias de natures différentes : des objets intermédiaux comme le cinéma et le jeu vidéo, construits d’images, de sons et d’animations 3D. Mais ce corpus est pensé pour permettre à l’histoire de s’achever sur l’accomplissement du même objectif : rejoindre le Centre de l’Univers.
2.4. Les projets intermédiaires
Durant mon master ArTeC, j’ai eu l’opportunité de développer des projets issus de mes différentes disciplines. Je vous en présente ici certains, car je me suis enrichi de ces expérimentations créatives pour bâtir ma réflexion de recherche-création.
- UNAI Cosmopédia[9] (A) : est une expérience web permettant de découvrir l’ordinateur de bord du Piranha Rouge. Il s’agit d’un exercice réalisé dans le cadre du cours ArTeC Anthropologies du numérique : Jardins du web mené par Vincent Bonnefille.
- Tu n’es pas seul est une aventure dont vous êtes le héros : Un astronaute voyage aux quatre coins de l’univers pour trouver ce qu’il lui manque. Il s’agit d’un exercice réalisé dans le cadre du cours ArTeC Dilemmes et Controverses mené par Nancy Murzilli[10].
- UNAI Le jeu de rôle[11] : est un jeu de société sur table[12] permettant de confronter les joueurs dans une course d’obstacles où se côtoient hasard et stratégie. Il a fait l’objet d'une expérimentation (réussie) dans le cadre du cours de suivi de projet avec Jean-Luc Vincent en mai 2024.
- EGO FABULA[13] Gavrich ![14] : est une démo technique réalisée dans le cadre de mon semestre en mobilité internationale à l’Université de Sherbrooke. Il s’agit d’un logiciel de rendu en 3D en temps réel développé intégralement en C++ (G) via la librairie graphique OpenGL (G).
UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles[15] : est un conte audio à destination des enfants réalisé durant mon semestre au Québec. Son objectif est de ramener mon récit à une forme plus pure, débarrassée de toute complexité, afin de percevoir une version minimaliste de celui-ci. Dans la suite de ce mémoire je vais aborder ces différents projets et présenter les limites auxquelles j’ai été confronté.
Dans le cadre de ce Mémoire de Master ArTeC, je souhaite aller plus loin dans le raisonnement et proposer un dispositif de création qui va questionner notre rapport aux histoires et aux univers fictionnels.
2.5. Le but de la recherche création
L’objectif de ce projet est de proposer une expérience narrative qui pousse l’aventurier à adopter une nouvelle posture vis-à-vis de l’histoire qu’il va explorer. Il ne s'agit pas simplement de références passives aux méthodologies (artistiques et techniques) utilisées, mais d’une invitation à prendre du recul par rapport à ce qui lui est présenté. Ainsi, j’ai créé une mythologie autour de mon univers fictionnel permettant de mieux interpréter le sens des œuvres et leur langage commun malgré leur différence de forme.
En ce sens, la structure narrative a été pensée pour être immédiatement accessible et compréhensible de manière universelle. Pour y parvenir j’ai choisi d’utiliser le monomythe[16], ce modèle universel de narration qui a traversé les âges, du poème épique l’Iliade[17] jusqu’aux productions contemporaines d’Hollywood. En adoptant ce cadre, l’intention est d’encadrer l’expérience de l’aventurier et de focaliser son attention sur les éléments essentiels de l’aventure, tout en s’appuyant sur le dispositif réflexif des productions.
Cependant, pour une meilleure compréhension de cette démarche, il semble nécessaire de revoir certains termes employés dans le cadre de ce mémoire. Nous allons nous éloigner des catégories usuelles du spectateur, visiteur, ou même joueur. Ces termes, bien qu’utilisés couramment dans le champ de la création audiovisuelle et interactive, ont pour effet de réduire l’individu à un simple consommateur passif.
Or mon projet s’inscrit dans une logique transmédia, où l’interaction avec l’œuvre ne se limite pas à un usage passif d’un produit, mais à une expérience active et multidimensionnelle. C’est pourquoi nous parlerons d'aventurier, terme qui fait écho à l’idée de voyage et d’immersion dans un univers fictionnel. L’aventurier n’est pas simplement un observateur, il fait partie de la diégèse, il interagit avec elle. Unai se place ainsi au cœur du dispositif. Ce personnage, à la fois témoin et acteur d’un monde en constante transformation, devient le lien entre la fiction et l’aventurier. Il incarne une présence discrète et implémentée dans l'œuvre qui lui permet de se projeter dans un univers fictionnel tout en questionnant sa propre place au sein de ce dernier.
La fiction elle-même devient alors une aventure à vivre et à expérimenter. Dans cet univers, tout est lié : le récit, les personnages, l’esthétique. L'aventurier, qu'il soit acteur ou simple témoin, joue un rôle essentiel dans l’évolution du récit. L’univers de UNAI se présente comme un mélange d’influences diverses, empruntant à la fois à l’animation, au jeu vidéo et à des pratiques expérimentales de narration et de création graphique. Ce croisement d’esthétiques et de techniques vient servir un propos plus vaste, celui de la recherche-fiction, une démarche où la forme et le fond se nourrissent mutuellement.
Si les premiers épisodes de la web-série UNAI portaient un aspect de chronique-fiction, leurs caractères inachevés m’ont permis de tester les limites de ma démarche. J’y ai cherché un équilibre entre la narration et l’esthétique, tout en ayant conscience que cette forme n’était qu’un début. Un premier jet qui, loin d’être parfait, a permis de poser les bases de mon projet actuel. L’échec créatif loin d’être un frein, a constitué une étape essentielle pour parvenir à la version plus évoluée que représente aujourd’hui UNAI.
En utilisant le transmédia comme méthodologie de recherche-création, je souhaite me libérer des contraintes des supports d’un média, pour me concentrer sur l’histoire racontée et adaptée au support de diffusion. Ainsi, en racontant une histoire avec différents outils techniques et sur différents médiums, je questionne la place de l’artiste et du spectateur dans un monde saturé par les images et les récits (proposés par des esprits humains ou fabriqués par une intelligence artificielle).
Dans ce mémoire, je me demande en quoi l'altération par son médium de diffusion peut changer la narration fictionnelle, aussi bien au sens esthétique qu’au sens technique. Si nous utilisons l’animation 3D comme matière première de création, alors il devient possible de détourner sa fonction technologique et virtuelle pour fabriquer plusieurs œuvres à partir d’un même objet immatériel; et en interprétant un univers fictionnel au travers des médias qui leurs font corps. Ainsi, en comparant les œuvres analysées issues de ce processus de conception transmédia, on pourrait constater une réflexivité dans l’outil utilisé, qui aurait ainsi un impact différent sur la narration fictionnelle sur chaque support.
Dans ce mémoire, selon moi, l’utilisation du récit initiatique comme structure narrative, appliquée à un corpus d'œuvres transmédia, favorise la construction d’une proximité entre deux formes de créations artistiques a priori différentes: un film et une installation immersive. Je pose comme postulat de départ que l’interactivité inhérente au jeu vidéo s’oppose à la linéarité d’une œuvre audiovisuelle. Toutefois, je considère comme possible qu’un dialogue puisse émerger entre ces deux médiums au sein d’un dispositif transmédia. Ce dialogue, nourri par leurs spécifications techniques, enrichit l’expérience de création artistique.
Je formule l’hypothèse que ce processus alimente la cohérence de l’univers fictionnel – tant au niveau de ses personnages que de sa narration – en intégrant le récit initiatique à une dynamique de gameplay. En ce sens, les sciences de l’animation 3D ( et ses imperfections telles que le bug ou le glitch, l’aboutissement visuel) deviennent des relais narratifs à part entière. Le monde virtuel est imparfait, altéré par les ajouts de modèles 3D et des mods qui viennent compléter l’univers fictionnel. Ainsi, cette dynamique entre médiums de créations construit de nouveaux langages partagés entre les œuvres, résultant en un échange de code expressif, et questionnant la nature même d’un médium.
Pour mieux comparer interactivité et narration filmique, j'interroge les conditions d’incarnations d’un personnage, le rôle de la mise en scène dans un monde en trois dimensions. De ces notions découlent la construction de la subjectivité dans l'œuvre, de l’immersion face à l’objet artistique, tout comme la compréhension de l’univers fictionnel.
En mobilisant la diégèse de l’univers fictionnel comme terrain d’expérimentation de ces différentes hypothèses, et en interpellant des notions à la fois techniques et artistiques, l’objectif de ce mémoire est d’apporter des éléments de réponse afin de mettre en tension la problématique centrale de cette recherche : envisager l’animation 3D comme un outil réflexif au service de la narration fictionnelle transmédia.
2.6. Processus de recherche création
Définir une méthodologie de travail dans un projet de recherche-création est un exercice complexe, car il mêle création artistique et réflexion théorique.
Avant d'intégrer le Master Recherche-Création de l'EUR ArTeC, mon travail artistique m’avait déjà poussé à m’interroger sur la narration transmédia. Ce mémoire n'est pas seulement un document théorique mais un Almanax, un objet figé dans le temps pour comprendre les choix créatifs qui ont guidé ma démarche à ce moment précis de mon parcours artistique.Ce mémoire s’inscrit dans une approche hyperactive, où l'analyse de l'œuvre se fait en parallèle de sa production.
En tant qu'artiste en devenir, je ne me limite pas à créer, mais je m'efforce de comprendre chaque choix créatif. Je veux ainsi essayer de raisonner sur ma propre capacité à partager une histoire, puis essayer de théoriser mes points forts et mes limites en tant que conteur d’histoire. Ainsi, je présente dans ce document les méthodes qui ont fonctionné ou moins fonctionné et je vais développer les raisons qui m’ont conduit à aller vers certaines techniques plutôt que d’autres. Autrement dit, ce mémoire est un retour d'expérience pour vous doté de mes échecs et de mes victoires. Mes réponses à mes questions ne seront certainement pas les vôtres, mais le dispositif qui m’amène à ces réflexions est partie intégrante de mon travail de recherche.
Ce projet transmédia invite à une réflexion sur les interactions entre récit, forme et émotion et explore comment ces éléments offrent une expérience partagée. Nous questionnons l’usage de l’animation 3D comme outil de création artistique, et détourner le sens des technologies qui la composent pour en faire un ressort narratif. Nous interrogeons la nécessité d’accorder narration fictionnelle et logiciel informatique sur des œuvres de natures et médias différents. Ainsi, ce mémoire est à la fois théorique et pratique, une réflexion sur la manière dont le film et l’expérience immersive se rencontrent, brisant le quatrième mur[18] pour inviter le lecteur à devenir acteur de la réflexion.
Capture d’écran – Le Piranha Rouge en vitesse maximale – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
3. L’animation 3D comme support de diffusion d’une fiction
3.1. Présentation de l’animation 3D
Lorsque l’on parle de « dessin animé », on parle d’abord d’une succession de dessins qui représentent une fois mis en mouvement, une histoire. Alors que le cinéma fait ses premiers pas, la technique du dessin animé traditionnel implique un travail artistique manuel et méticuleux réalisé « image par image ». A raison de 24 images par seconde pour créer une animation fluide, le dessin animé est aussi vieux que le cinéma lui-même.
Jusqu’à la fin des années 70, peu d’évolutions sont venues transformer le travail des animateurs autant que les images de synthèse.
Au cours des années 80, l’émergence de l’informatique permet d’imaginer de nouveaux procédés[19] de création d’images. Ainsi, trois matrices (G) représentant respectivement les composantes rouges, vertes et bleues permettent l’affichage d’une image de synthèse.
Cette image est créée à partir d’un programme d’ordinateur, où la scène est modélisée géométriquement par les coordonnées des objets qui la composent. Elle permet d’inventer des mondes totalement nouveaux et de dépasser les limites de l’animation manuelle chronophage, coûteuse et complexe[20]. De nombreux métiers ont été repensés autour de ses innovations comme la gestion de filtres dynamiques (G), les calques virtuels (G) ou le dessin vectoriel (G).
L’image de synthèse 3D va plus loin : à l’aide de polygones et de squelettes virtuels, on peut créer des bibliothèques de mouvements, changer l’angle d’une caméra, jouer avec la lumière, transcrire un monde plus réaliste que la 2D. C’est le logiciel qui gère la transition entre les mouvements et le rendu en volume, cela simplifie le processus de création et permet de s’approcher du photoréalisme en permettant une simulation de la réalité plus précise. Grâce à des techniques avancées de rendu, telles que le ray tracing (G) et la gestion physique de la lumière, les logiciels 3D peuvent recréer des textures (G) et des effets visuels (G) très proches de ceux observés dans le monde réel. La modélisation détaillée des matériaux, des reflets, des ombres et des phénomènes naturels comme l’éclairage diffus ou les interactions entre surfaces permet d’obtenir des images qui trompent l'œil, donnant l’impression d’un espace tangible et crédible, tout en offrant une liberté créative que la 2D ne permet pas. Cette capacité à manipuler le rendu en volume et à ajuster en temps réel des paramètres visuels ouvre la voie à une nouvelle forme d’expression visuelle, où l’artiste contrôle chaque aspect de la scène avec une précision inédite.
Dans les années 90, alors que l’informatique fait ses premiers pas dans les foyers français et que l’Internet n’est pas encore au cœur des préoccupations de notre société, les entreprises d'effets visuels s'approprient le numérique en travaillant sur des outils qui vont changer à jamais de nombreuses créations sur tous les médias. Les effets spéciaux pratiques laissent peu à peu la place au trucage numérique, tout comme l'argentique s'adosse à la caméra numérique.
Pendant les années 2000, les jeux vidéo épousent des graphismes aboutis, dont l'hyperréalisme[21] challenge les limites du calcul temps réel des ordinateurs. Les logiciels de rendu en 3D gagnent en complexité, et il devient possible de construire des images de synthèses de meilleure qualité en moins de temps.
La popularisation des cartes graphiques dédiées aux rendus d’images numériques rend accessible la création numérique à de nouveaux publics.
Le réseau internet permet d'ouvrir de nouvelles manières de consommer l'image comme le son. L’informatique ainsi démocratisée permet l’émergence de nouveaux mouvements culturels et artistiques repensés autour des nouvelles manières de création et de diffusion.
Ainsi, on assiste à l'émergence de nouveaux outils de créations numériques abordables : il est désormais possible pour des particuliers de réaliser des films d’animation gratuitement avec des logiciels open-source tels que Blender (G) ou Inkscape (G).
Également, des outils commerciaux tels que Unity (G) et Unreal Engine (G) permettent de construire des jeux vidéo à l’échelle industrielle à l’aide de frameworks clés en main, ce qui permet de nouvelles pratiques artistiques.
3.2. De quoi parle-t-on quand on parle de la 3D dans UNAI ?
L’imagerie numérique temps réelle et l’animation rendue par ordinateur (CGI)
Le projet UNAI a toujours laissé une place importante à la technologie de l’imagerie numérique. Dès les premières étapes de création du projet, les premières ébauches du personnages ont été créées à l’aide de pâte d’argile : l’idée était de comprendre la création d’un personnage imaginaire avant même son élaboration virtuelle au travers d’un logiciel d’animation 3D.
Cependant, la 3D dans Les Histoires de Par-Delà les Étoiles est envisagée avant tout comme un médium numérique : un outil technique capable de retranscrire un espace à l’aide de points. Ces points sont connectés pour construire des ensembles de polygones, qui une fois assemblés, deviennent des volumes.
Ainsi, l’objectif du projet est de donner vie à un univers imaginaire (ici, la science-fiction et le film pour enfant) dans une technologie, la 3D, elle-même essence de médias différents. En effet, la 3D est utilisée dans de très nombreuses œuvres et de très nombreuses manières.
Par exemple, l’une des disciplines utilisant la 3D de manière proactive est l’impression 3D. En effet, il est nécessaire de passer par des outils de conceptions assistées par ordinateur (CAD) pour concevoir les polygones qui vont être transformés en volumes imprimables par un dispositif d’impression 3D. De ce fait, les outils et techniques sont similaires aux systèmes permettant de concevoir de l’imagerie numérique.
Également, le terme animation 3D peut servir à définir des disciplines en dehors du domaine du divertissement numérique : la simulation 3D est une technique utilisant l’animation tridimensionnelle pour visualiser des images (dans le médical, le spatial ou la simulation physique). L’animation 3D est effectivement utilisée dans d’autres domaines que celui présenté dans ce mémoire.
Alors il convient de restreindre le corpus de technologies utilisées pour mieux définir mon propos sur la réflexion mise en lumière dans ma recherche-création. Je souhaite donc restreindre le terme “animation 3D” à la technologie de l’animation numérique destinée au divertissement dans les champs du cinéma, de l’expérience immersive (dont font partie les simulateurs immersifs, les installations artistiques numériques, et les attractions (G) de parcs à thèmes), du jeu vidéo (dispositifs hardware interactifs utilisant la vidéo comme vecteur d’informations visuelles, divertissement interactif numérique, applications mobiles) et objets multimédia (sites internet, corpus d’oeuvres numériques en lignes telles que des vidéos ou des bandes dessinées (playlists, sites internets en 3D), dispositifs turbo médias (G), vidéos, jouets vidéo (G)).
Quand je parle de l’animation 3D dans UNAI, j’évoque donc l’usage de l’imagerie numérique 3D dans le développement du projet : le modèle 3D d’un personnage et ses animations sont sources de fictions dans une pléiade de médiums différents.
Quand Unai apparaît dans le film Les Histoires de Par-Delà les Étoiles, on parle de 3D précalculée. En effet, chaque image du film est au préalable fabriquée dans le logiciel d’animation via un système de prévisualisation. Cet outil permet d’animer et de mouvoir notre personnage face à la caméra de manière fluide, tout en retirant de très nombreux éléments graphiques pour simplifier le processus de production. Par la suite, ces images sont rendues une par une, à raison d’un minimum de vingt-quatre images par seconde. Chaque image prend près d’une demi-heure à rendre. Ce procédé permet de mettre en scène un personnage avec de très nombreux détails visuels à l’écran tels que son pelage, les reflets sur la scène ou des effets de brume. Il est intéressant de noter que le temps de rendu influence grandement la qualité finale de l’image : un plus long temps de rendu permet d’obtenir une image moins granuleuse car le système de rendu passe plus de temps à affiner chaque pixel de l’image. Cette technique est plus communément appelée l’imagerie par ordinateur (G).
Quand Unai apparaît dans l’expérience immersive Le Piranha Rouge, le personnage apparaît à la fois dans des cinématiques mais aussi dans des séquences calculées en temps réel. Cette technologie devient indispensable quand on a besoin de rendre des images très rapidement dans des contextes interactifs : quand un joueur peut déplacer un personnage en 3D dans un jeu vidéo, le système 3D est en temps réel car l’objectif est d’obtenir une image qui réagit aux comportements du joueur.
La 3D dans UNAI est donc un outil numérique qui permet de montrer ses personnages et son univers sur plusieurs technologies différentes.
L’animation de personnage en images de synthèses au cinéma
L’animation 3D fait donc référence à ces deux techniques distinctes, CGI précalculée et 3D temps réel. Mais elle fait aussi référence à l’animation d’un personnage en image de synthèse. Cette technologie est utilisée pour insuffler la vie à des personnages synthétiques et immatériels, pour les mettre en mouvement.
Pour l’usage de l’animation 3D dans UNAI, j'ai choisi de construire un personnage original qui aborde les traits d’un petit renard, telle une peluche. L’objectif étant de m’approcher d’une esthétique de l’enfance, propre aux dessins animés, tout en imaginant un univers fictionnel qui embrasse pleinement les visuels issus de l’imaginaire qui anime le UNAIverse.
Cependant, cette direction artistique est un choix artistique, car la technologie permet désormais de donner vie à des personnages photoréalistes.
“Les applications des acteurs synthétiques sont illimitées : dans un futur proche, tout être humain, mort ou vivant, pourra être recréé et placé dans n'importe quelle nouvelle situation, sans dépendre d'un modèle en prise de vue réelle. La simulation numérique de scènes sera possible pour des paysages avec des êtres humains, des acteurs de cinéma ou de théâtre, ainsi que des vaisseaux spatiaux habités; tout comportement humain pourra être simulé dans diverses situations, qu'elles soient scientifiques ou artistiques. Cependant, les problèmes à résoudre pour y parvenir sont également nombreux et complexes : les mouvements générés par ordinateur doivent être aussi naturels que possible. Malheureusement, nous savons que la marche, la préhension d’objets et la véritable personnalité sont très difficiles à modéliser. L’animation tridimensionnelle sans personnages tridimensionnels devient de moins en moins acceptable.”[22]
Dans le cinéma contemporain, l’animation 3D est le plus souvent utilisée comme effet visuel invisibilisé. L’imagerie 3D devient alors un maquillage pour l’image qui vient surimprimer un gouffre devant un cascadeur sur une séquence de film d’action pour faire oublier les systèmes de sécurité sur le plateau de tournage.
Les effets visuels (G) sont utilisés pour altérer une séquence vidéo en prise de vues réelles pour y ajouter des éléments virtuels. À l’aide d’un outil de motion tracking, le mouvement de la caméra physique est analysé puis reproduit sur une caméra virtuelle qui va filmer un univers en 3D. Puis cet univers en 3D va être surimprimé sur l’image d’origine dans une étape de compositing (composition visuel) dans laquelle l’image finale est composée d’une superposition de l’ensemble (retouche virtuelle et vidéo originale). Dès lors, la frontière entre réel et virtuel s’estompe, la caméra physique et virtuelle se confondent, et la 3D intègre progressivement le vocabulaire filmique des réalisateurs de film.
“La matérialité d’un tel espace est issue des diverses entités impliquées dans sa configuration : logiciels d’animation, technologies de capture de mouvement, acteurs, concepteurs et cinéastes. Cet argument est principalement développé à travers une discussion sur la manière dont les technologies de capture de mouvement en temps réel modifient notre compréhension des écologies de l’imagerie en synthèse numérique.”[23]
“Même dans leurs premières formes avec la rotoscopie, les technologies de capture de mouvement sont associées à des frontières floues entre le mouvement issu des humains et celui généré par la technologie. La sortie de The Lord of the Rings (Peter Jackson, 2001-2003) a particulièrement mis en lumière la capture du jeu d’acteur, plutôt que du simple mouvement. Cela a introduit la performance comme un autre indicateur des traces d’humanité. Le personnage de Gollum a été l’un des premiers à combiner la performance capturée de l’acteur Andy Serkis avec la modélisation en images de synthèse réalisée en postproduction (Balcerzak, 2009; Gunning, 2006). Scott Balcerzak (2009 : 206) remarque à propos de The Lord of the Rings : « nous pouvons voir l’enregistrement supposé en “temps réel” des corps en performance comme des marqueurs facilement identifiables de ce que le spectateur reconnaît, à un certain niveau, comme ce que le film “préserve” ». La capture de mouvement de Bill Nighy dans le rôle de Davy Jones dans Pirates of the Caribbean : Dead Man’s Chest (Gore Verbinski, 2006) est également notable, car il s’agit de la première utilisation de cette technique permettant d’enregistrer une performance sur le plateau, en interaction avec d’autres acteurs.”[24]
Les méthodes de captation évoluent en conséquence pour permettre de brouiller les différences entre traitement virtuel et personnages réels, mais directement à l’étape du tournage (production) et plus seulement à l’étape de la post-production visuelle. Cette évolution démontre l’importance de la cohabitation de la réalisation traditionnelle de films et des tournages virtuels, entre le tournage avec une caméra et des acteurs et les sessions de capture de mouvement de comédiens et chorégraphes.
“Les codes cinématographiques d'Avatar peuvent être vus, alors, comme une approche plus proche du cinéma en prises de vues réelles, mais ils sont également liés à une autre influence : un désir de montrer les possibilités de la technologie utilisée pour réaliser Avatar. Cette dernière n’est pas un code en soi, mais elle exerce certainement une influence sur les paramètres de l’espace émergent.“[25]
Le comédien s’efface derrière un masque de pixel conçu comme une extension organique de son art : toutes les étapes de la production du film sont pensées pour embrasser le jumeau numérique du comédien du début jusqu’à la fin du tournage. Car si le tournage appartient toujours à l’acteur studio, la star du film est son avatar numérique.
La 3D dans UNAI est donc un outil numérique qui permet de donner vie à des personnages virtuels, et qui me permet de donner vie à un personnage sur lequel je conserve toutes les libertés artistiques. Je dispose des droits d’auteurs sur le personnage et son apparence, mais je contrôle intégralement son mouvement et son existence. Unai est un jouet que je manipule au gré des tournages, en le faisant grandir et en ajustant son design aussi facilement que son jeu d’acteur. Également, je me réapproprie le plateau de tournage, qui en devenant imaginaire, devient un prévisible que je m’approprie. Enfin, il suffit de quelques manipulations informatiques pour devenir caméraman et changer un plan perfectible. La 3D dans UNAI est donc un outil qui fait de mon imaginaire un studio de tournage.
La 3D comme méthode de génération de mondes ( cinéma et jeu vidéo)
La 3D, en tant que méthode de fabrication de mondes, s’impose comme un outil fondamental dans la création d’univers fictionnels. Ces mondes, souvent rendus possibles par la technologie numérique, deviennent des espaces non seulement visuels, mais aussi interactifs, pouvant être manipulés de manière dynamique dans des jeux vidéo ou des films.
Dans cette démarche, l’univers fictionnel se transforme en un plateau de tournage, où chaque élément – des personnages aux décors – peut être modelé, déformé, et réinventé à volonté. La conception manuelle de mondes en 3D offre également une plus grande liberté : chaque élément peut être placé en fonction de la mise en scène. Ainsi, l'environnement est conçu en tenant compte de la manière dont il sera perçu à travers les yeux d'un personnage dans un jeu vidéo ou sous l'angle de vue d'une caméra dans un film. On peut déplacer une table, disposer les nuages et remplacer un élément du décor d’un simple clic après le tournage d’une scène. On peut changer la couleur du lieu et y instaurer une toute autre ambiance.
Cependant, il existe d'autres méthodes de conceptions de mondes en 3D qui permettent de s’émanciper (partiellement ou totalement) d’intervention humaine : on parle d’automatiser le world building (construction du monde).
La génération procédurale joue un rôle essentiel dans cette fabrication. Elle permet de créer des lieux qui, bien que physiquement improbables ou impossibles, peuvent se conformer aux règles internes du monde qu’on leur attribue.
Par exemple, un décor peut être généré à partir d'algorithmes qui combinent éléments naturels et structures irréalistes, tout en respectant une logique propre à cet univers. Les règles qui régissent ces mondes peuvent être arbitraires ou fantaisistes, mais elles s’imposent à l’expérience du spectateur ou du joueur, contribuant ainsi à l’immersion. La génération procédurale utilisée dans des jeux comme Minecraft[26] ou dans un film comme Avatar[27], permet de peupler des mondes vastes sans nécessiter un travail manuel exhaustif pour chaque élément.
L’intelligence artificielle, quant à elle, offre une nouvelle dimension dans la création de mondes visuels. Elle permet de produire des images ou des éléments de décor (modèles 3D et textures (G) dynamiques, générées pour compléter un rendu en temps réel) à partir de simples instructions. Dans cette logique, un prompt (G) peut suffire à générer un décor entier, un personnage, ou même une scène complexe, sans intervention humaine directe.
Si cette approche semble plus simple que la modélisation 3D traditionnelle, elle soulève néanmoins des questions profondes sur le rôle de la création manuelle dans le processus artistique.
L’un des grands avantages de la 3D est sa capacité à traverser les frontières entre différents médias. Un objet 3D, qu’il soit destiné à un jeu vidéo ou à un film, peut être réutilisé, transformé, et projeté dans divers contextes sans perdre de sa cohérence visuelle. En utilisant des outils de modélisation, de texturisation et d’animation, les mêmes objets 3D peuvent être intégrés dans une scène de film ou un environnement de jeu vidéo, ce qui permet une continuité esthétique et narrative d’un médium à l’autre.
Cette flexibilité est rendue possible par l’évolution des technologies de l’imagerie graphique[28], qui permettent désormais de générer des visuels en temps réel : un défi majeur par rapport au précalculé inhérent au Cinéma. Ce changement de paradigme ouvre de nouvelles possibilités en matière de narration où les films et les jeux vidéo ne sont plus séparés par des frontières technologiques aussi nettes. Ils deviennent deux formes d’une même histoire, qui peut être explorée et vécue différemment selon le médium.
Pour UNAI, ce principe est particulièrement pertinent. En effet, il est pensé pour tisser une narration fluide à travers différents formats : film, jeu vidéo, et installations interactives. Le même univers, les mêmes personnages et décors sont accessibles sous différentes formes, chacun apportant une dimension nouvelle à l’histoire. La frontière entre jeu vidéo et cinéma devient alors ambiguë, car les deux utilisent les mêmes outils – la modélisation 3D, l’animation 3D – pour explorer, à travers des mécaniques et des structures narratives distinctes, un même univers.
La 3D n'est plus simplement un moyen de rendre une image visuelle, mais devient un moyen de créer des mondes vivants et interconnectés, articulés à travers différents médiums et interprétés de multiples façons. Ce qui devient important aux yeux de l’aventurier est donc le médium, puisque sa capacité à explorer le monde est la conséquence de la forme de l’aventure.
3.3. Création d’un moteur de rendu 3D
La création d’un moteur de rendu 3D est une science qui touche plusieurs domaines de l'informatique : graphismes, physique, architecture logicielle, interaction temps réel, gestion des mémoire de l’ordinateur. Le cœur d’un outil de rendu de 3D repose avant tout sur sa capacité d’affichage de polygones en 3D de manière efficace et cohérente avec les attentes de performances et de réalisme propres aux jeux modernes.
Il est possible de créer des moteurs de rendus avec plusieurs langages informatiques différents. Comprendre les mathématiques derrière un outil de création artistique est nécessaire dans ma compréhension réflexive de l’animation 3D. En effet, à force d’expérimentations techniques , il est possible de mieux entrevoir le fonctionnement des outils d’imagerie numérique. Ces mêmes outils mathématiques et informatiques sont en réalité utilisés par les artistes avec des niveaux d’abstractions conséquents. Par exemple, un simple bouton permet de placer les textures sur un modèle 3D, invisibilise les processus de projections d’images.
Chaque objet 3D est composé d’un maillage, lui-même constitué d’un ensemble de polygones – le plus souvent des triangles – définis à partir de sommets (des points, aussi appelés des vertices). Ces sommets contiennent plusieurs données essentielles : position dans l’espace 3D (coordonnées x, y, et z) (G), vecteurs normaux pour le calcul de la lumière (qui détermine le sens d’une surface), coordonnées UV pour l’application des textures, ou encore informations de tangentes et de couleurs.
Capture d’écran – logiciel Animware – Griffure.com
Ces données sont envoyées à la carte graphique via une mémoire tampon (appelée “buffers”) (G) qui permet de stocker et de réutiliser efficacement la géométrie.
Une fois ces données transférées au GPU (G), elles passent par les différentes étapes du pipeline de rendu (G).
Dans un premier temps, le vertex shader applique une série de transformations mathématiques pour convertir les coordonnées du modèle en coordonnées d’écran. C’est à ce moment que la caméra virtuelle entre en jeu, définissant le point de vue depuis lequel la scène est observée. Ces opérations opèrent des changements d’échelle, de rotation et de translation, et sont cruciales pour positionner correctement les objets dans l’espace. Les triangles sont convertis en fragments, des entités correspondant à des pixels à l’écran. Chaque fragment passe alors dans le fragment shader, responsable de calculer sa couleur finale. Ce calcul repose sur différents paramètres, tels que la lumière, les textures, les matériaux et parfois des effets post-process comme la transparence ou les ombres. Les shaders sont des programmes légers s’exécutant directement sur le GPU, permettant une personnalisation très fine du rendu visuel. Pour garantir une performance optimale, le moteur met en œuvre plusieurs optimisations.
Ces optimisations sont des techniques qui permettent de réduire le nombre d’objets 3D affichés à l’écran pour libérer de l’espace mémoire. Par exemple, le back-face culling ignore les faces des objets qui ne sont pas visibles par l’utilisateur. Le système de Level of Detail (LOD) permet de réduire le nombre de polygones des objets éloignés. Quant à lui, l’’instancing autorise le rendu multiple d’un même modèle avec des transformations différentes, sans recréer plusieurs fois la géométrie en mémoire.
Les matériaux (G) appliqués à ces modèles 3D jouent aussi un rôle fondamental. Ils définissent comment une surface réagit à la lumière, à travers des paramètres comme la réflexion, la rugosité ou la transparence. Ces matériaux sont liés aux shaders, qui les interprètent pour produire une image crédible, stylisée ou réaliste selon les intentions esthétiques.
Ce système repose sur une gestion rigoureuse des ressources : textures, shaders, modèles 3D et lumières doivent être chargés en mémoire de façon cohérente et synchronisée avec la boucle de rendu. Au-delà de la simple visualisation, l’affichage des polygones dans un moteur de jeu repose donc sur une série de couches logicielles et matérielles, organisées autour de principes de performances, de modularité et de flexibilité.
L’enjeu n’est pas seulement de rendre visible une forme, mais de garantir une fluidité d’interaction dans un espace tridimensionnel, tout en permettant une richesse visuelle qui sert l’univers narratif ou expérientiel du jeu. Ainsi, concevoir un moteur 3D revient à orchestrer cette chaîne de traitement en temps réel, en assurant une communication fluide entre la logique du jeu, la représentation géométrique des objets, et le dispositif de rendu graphique. C’est une approche technico-artistique qui croise les contraintes de l’informatique avec les besoins expressifs du médium vidéoludique.
Toutes ces différentes étapes sont une petite partie de la création d’un logiciel d’animation 3D ou d’un moteur de jeu vidéo, mais ils sont un pilier technique dans la création de mon projet de recherche création. Ainsi, pour donner vie à un film d’animation ou à un jeu vidéo, il devient nécessaire d’utiliser un outil qui permet à l’artiste de s’affranchir des contraintes techniques pour se concentrer sur le créatif. Et c’est dans cette dynamique que des outils d’animation 3D permettent de s’approprier ces technologies de rendu pour une pratique artistique, émancipée du code informatique et de ses mathématiques.
En ce sens, l’utilisation d’un outil tel que Blender permet une appropriation rapide des fondamentaux de la 3D. L’utilisation de Blender permet de ne pas à avoir à recoder l’intégralité d’un outil de conception, de modélisation et d’animation 3D pour se focaliser sur sa mission de création. Le logiciel offre une grande liberté de création grâce à ses nombreuses extensions et à des fonctionnalités comme le motion tracking, qui facilite l’intégration du virtuel au réel. La flexibilité de Blender permet également de modifier dynamiquement les environnements, dans une logique proche du modding (G) vidéoludique, tandis que le viewport rend possible une prévisualisation immédiate du rendu. On peut ajouter ou ôter des éléments à la volée, et améliorer une scène virtuelle très rapidement.
Toutefois, cette pratique présente certaines limites : elle repose sur des disciplines variées (mathématiques, informatique, modélisation) qui peuvent devenir abstraites pour les artistes, et son interface complexe, pensée pour un usage professionnel, peut s’avérer difficile d’accès. De plus, la stabilité du logiciel reste inférieure à celle d’outils industriels comme Maya ou Cinema 4D.
Au-delà de l’aspect création, la 3D peut aussi être envisagée comme un moyen d’archivage de voyages : la photogrammétrie, couplée à l’IA, permet d’intégrer dans des scènes 3D des lieux réels visités, conservant ainsi des fragments de vie sous une forme virtuelle. On peut ainsi insérer des éléments réels dans un mondes virtuels, et faire superposer plusieurs univers en un seul lieu immatériel. Cette superposition de vécus, de technologies et d’arts amène à nous questionner sur le sens de la fiction transmédia, à l’aide de l’animation 3D.
3.4. L’animation 3D comme outil réflexif de la narration fictionnelle transmédia
L’animation 3D peut-elle être un outil réflexif de la narration fictionnelle transmédia ?
Au-delà du simulacre ludique déjà adopté par le reste du monde animal, l'être humain a la capacité de consommer des représentations fictionnelles. Ainsi, il devient animal imitateur dès son enfance pour acquérir ses premières connaissances jusqu’à les repenser, les digérer, les optimiser en inventant de nouvelles parades, initiant de nouvelles fictions du quotidien.
Dans notre ère technologique[29], la valeur des imitateurs est de plus en plus contestée. Les compétences et les gestes sont destitués de leurs postures sacralisées au fil des siècles.
Les arts mimétiques sont challengés par la machine qui a la capacité de se substituer au pouvoir de la main et dans le cadre de l’art, de rivaliser avec la création de l’artiste. Dans les arts technologiques à l’âge du numérique puis à l’ère de l’intelligence artificielle, jamais l’imitateur n’a été autant remis en question. La machine fait tellement mieux.
L’artiste technologique est plus que jamais vulnérable à sa position ambiguë entre artisan digital et pauvre utilisateur d’un outil plus intelligent que lui. Il évolue désespérément dans une position anti-mimétique, oscillant entre pratiques technologiques et arts mimétiques traditionnels. Le choix n’existe plus : Industrie ou Art, Commerce ou Partage : le combat du Capitalocène face au Chthulucène.
La technique de l’animation 3D est, elle aussi, une pratique ambiguë, capable de servir d’outil de construction de fictions animées et animables à souhait, entre feintise ludique et imitation d’un réel émergent, entre jeux vidéos et effets spéciaux. Cette technologie est pensée comme une subversion, permettant de détourner le fondement mimétique en mettant en valeur les techniques imitatives. L’objectif devient alors une pratique d’un renforcement de l’illusion, la construction d’un pinceau dont la ligne est indissociable du réel.
La 3D crée un nouvel espace-monde, régissant un espace-temps inédit, capable d’élaborer le temps d’un instant un trouble. La 3D est une passerelle entre monde fictionnel et réalité. Si la technologie 3D peut servir à imiter, modéliser et simuler notre réalité, il reste pertinent de la détourner et de s’en servir comme appât vers une proposition plus abstraite.
Si Jean-Marie Schaefer évoque le loup imitateur capable de substituer une fiction par une autre, les effets spéciaux pensés comme des répliques d’un monde plausible auxquels on croit, deviennent ce loup dont l’apparence questionne sur la place de l’imaginaire dans l’usage des arts technologiques.
L’infidélité visuelle de l’univers fictionnel est un usage contraire de la technologie 3D : elle donne vie à des formes imaginaires pensées comme des incarnations magiques. L’épopée colorée qui propose une diégèse du rêve onirique et permissive, appelle à l’aventure notre enfant intérieur et construit un dispositif pensé comme un accomplissement dans la fiction. Ainsi, l’univers fictionnel devient bulle distante, la fiction devient ludique, la fiction devient une aventure, le mensonge devient un remède.
La technique transcende son support et le moyen d’interaction avec la fiction devient source d’imaginations et de rêveries. Si l’illusion prend forme face à l’acteur-spectateur du récit, elle s’immisce aussi dans le cœur de la fiction : trouver son chemin dans un monde qui ne nous ressemble pas devient une imitation sélective, un apprentissage perpétuel. Dans ce monde informatique fait de polygones, le spectateur-joueur perd la partie et recommence au gré des game-over, surplombant peu à peu les limites de son art pour aller au niveau supérieur.
Le gameplay “die and retry”, littéralement meurt et réessaie, est l’essence de nombreuses œuvres vidéoludiques : l’échec fait partie intégrante de l’expérience. Dans ce cas d’usage de la fiction, il convient de ne pas redéfinir le niveau présenté pour permettre au joueur de recommencer sur le niveau qu’il apprend à maîtriser. Si l’apprentissage devient méthode d'interaction, le monde se doit d'être construit de manière à aiguiser la compréhension de chaque éléments du gameplay (bouger le vaisseau, tirer sur les obstacles).
Dans ce récit initiatique qui cache son nom, notre aventurier devient un autre, se dote d’une identité surnaturelle. Il vit le temps d’un voyage une perte de soi, mêlée à une quête de son nouveau soi, dans un dispositif du leurre ou l’outil devient matière, ou l’univers devient voyance hallucinatoire. L’artiste et conteur d’histoire est à la fois ingénieur BTP et architecte, s’attardant à éliminer les blocages de l’immersion pour faire de ce rêve une réalité dont la seule véritable issue est la réalité. Alors, dans une ré-instanciation constructiviste, l’artiste repense son environnement virtuel comme réel pour mieux reconstituer et étendre la fiction qu’il conçoit. Il fabrique un dispositif capable d’assouvir les besoins de sa fiction, dans une recherche à la fois technique et esthétique.
Le transmédia propose ainsi de s’émanciper du biais intentionnel[30] de la fiction en la rendant hyperactive, omnisciente par son titre et omniprésente par ses formes. L’univers fictionnel devient causalité mimétique non intentionnelle : l’illusion est codée génétiquement par l’univers fictionnel qu’elle transmet avant d’être fabriquée par son dispositif de transmission, son support de diffusion.
Faire d’un amas de polygone un interlocuteur, faire d’une musique une ambiance est un acte d’imagination, cela redéfinit la valeur épistémique d’une œuvre de fiction. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux, qu’est-ce qui est probable, qu’est-ce qui est possible dans un monde qui ne nous ressemble pas. Ainsi, si la forme voudrait que l’on mette en évidence l’incohérence d’une œuvre, il est rédhibitoire de forcer un être d’art à se travestir. Une fiction n’est pas obligée de se dénoncer comme une fiction. L’espace de jeu devient suspense d’incrédulité au-delà du médium.
“La situation de l’immersion fictionnelle pourrait être de ce fait comparée à celle dans laquelle nous nous trouvons lorsque nous sommes victimes d’une illusion perceptive tout en sachant qu’il s’agit d’une illusion. En effet, une illusion perceptive au sens technique du terme (c’est à dire une illusion qui résulte d’une erreur des modules perceptifs pré attentionnels) continue à être opératoire même lorsque l’on est parfaitement conscient du fait qu’il s’agit d’une illusion, c’est à dire lorsque l’on est à même d’empêcher qu’elle se transforme en croyance perceptive (erronée).”[31].
L’aventurier s'émancipera du statut inhérent au médium de l'œuvre qu’il expérimente (joueur, spectateur, visiteur, lecteur, etc) pour adopter le point de vue de l'œuvre telle qu’elle est montrée et embrasser l’affordance de l’objet d’art. Il s’amalgame au personnage de l’histoire, il épouse le dispositif pour en devenir une part intégrante de l’illusion. En pénétrant dans le cadre, il perçoit la cohérence de l’univers fictionnel et comprend son sens intrinsèque.
“Du point de vue de leur fonctionnement fictionnel, il n’y a pas de grande différence entre Bambi et Babe le cochon, bien que le premier soit un dessin animé et le second un film “réel”. Cela explique aussi la facilité avec laquelle nous acceptons des univers filmiques mixtes qui, à l’instar de Qui a tué Roger Rabbit ? combinent les deux supports. Ce point est important, car il illustre l’abîme qui sépare la feintise ludique partagée de celle de la feintise sérieuse : “une feintise sérieuse se servant d’un flux imagé ne peut pas être efficace que pour autant elle “détourne” des images indicielles (cinématographiques), car ce qui importe ce n’est pas qu’elle leurre notre mécanisme perceptif (à un niveau pré attentionnel), il faut qu’elle nous amène à entretenir des croyances erronées, en l’occurrence la croyance qu’elle nous donne à voir des éléments réels.”[32]
Le temps d’un tour de magie, l’aventurier accepte l’irréalisme d’un univers fictionnel pour s'approprier son possible. Le monde visité devient crédible et l’hallucination provoquée par le dispositif sert de point d’accroche à une histoire perçue comme vraie. L’image devient voyance et ce malgré l'invraisemblable. Le monde fait d’illusions devient possible, et sa mise en scène adopte le comportement véhiculé par l'œuvre. Ainsi, si dans le cadre du film d’animation, la perception altérée de l’aventurier devient outil au service de la mise en scène, il est indispensable de se questionner sur cet usage dans le cadre d’un dispositif fictionnel transmédia.
“Je crois qu’on aurait intérêt à distinguer trois questions : celle du statut du dispositif fictionnel, celle de sa fonction immanente ou de sa vidée et celle de ses fonctions transcendantes éventuelles.”[33]
Si un dispositif fictionnel en tant qu’objet plastique devient outil au service d’une nouvelle perception, sa fonction immanente use de sa forme (de son média (G), de son médium (G), de son esthétique et par conséquent de sa technique) pour transmettre un message. Et si la mise en scène transmise par l'œuvre est une répercussion de sa plasticité, il est nécessaire d’abandonner la notion de mise en scène pour adopter le point de vue de la mise en récit.
Car un jeu vidéo ne peut adopter la même science de la mise en scène qu’une installation artistique ou un film. Cette tension entre mise en récit d’un même univers fictionnel sur plusieurs objets mêlant différents supports de diffusions et de narrations d’une histoire fictionnelle amène à questionner le transmédia à l’heure où les différences entre médias numériques s’estompent. Quand les mêmes outils techniques de l’animation 3D permettent de donner vie à différentes œuvres, de différents médias et dans différentes pratiques techniques et artistiques, il devient nécessaire de mieux envisager l'ambiguïté de l’univers fictionnel en tant qu'œuvre artistique transmédia.
“Comment répondre à l’urgence ? Telle est la question qui doit devenir brûlante si nous voulons vivre avec le trouble.”[34]
Pour répondre à la question “Comment l’animation 3D peut-elle devenir un outil réflexif au service de la narration fictionnelle transmédia”, la science-fiction peut devenir un catalyseur de cette ambiguïté par le trouble.
L’animation 3D, comme jeu de ficelles numérique, permet de faire émerger des récits non-linéaires, partagés, où les mondes ne sont pas seulement racontés mais fabriqués collectivement. Chaque objet, chaque texture, chaque mouvement de caméra peut devenir un point d’attache pour une narration spéculative, formant un maillage nouveau.
Dans ce cadre, le récit transmédia n’est plus un produit clos, mais un environnement ouvert, en mutation, qui accepte les bifurcations, les bugs, les incohérences comme autant d'opportunités narratives. La science-fiction à travers ce trouble joue alors le rôle d’un révélateur critique en mêlant l’imaginaire au tangible, le technique au poétique, dans une pratique de storytelling située multisensorielle et radicalement contemporaine.
“SF. Ces deux lettres peuvent faire référence à la science-fiction, au féminisme spéculatif, à la science fantasy, aux fabulations spéculatives, aux faits scientifiques ou encore aux jeux de ficelles. Jouer à ces derniers, c’est donner et recevoir des motifs. Il arrive qu’on perde le fil et qu’on échoue. Il arrive aussi qu’on trouve quelque chose de fonctionnel, quelque chose qui apporte des conséquences, voire quelque chose de beau et d’inédit ? Jouer à des jeux de ficelles, c’est faire passer des connexions importantes. C’est aussi raconter des histoires en mêlant nos mains, nos doigts, nos points d’attaches. C’est enfin élaborer les conditions d’un épanouissement dans la finitude, sur notre planète, sur la Terre, Terra ? Les jeux de ficelles exigent qu’on accepte de recevoir et de transmettre. Les joueurs peuvent être nombreux et user de divers appendices, du moment qu’ils tiennent le rythme à ainsi donner et recevoir.”[35]
Le polygone, comme le jeu de ficelle, peut devenir forme esthétique et format de diffusion servant la mise en récit. Ainsi, l’animation 3D comme pratique esthétique et comme médium de fiction générique puis comme outil de création de médias peut devenir un outil réflexif dans la narration fictionnelle transmédia.
3.5. L’animation 3D devient outil narratif réflexif
La technologie de l'animation 3D offre une grande liberté pour développer des idées narratives et esthétiques.
En générant une grille mathématique devant la caméra, chaque pixel est calculé en fonction des rayons lumineux qui frappent le capteur de l’image. Cette méthode souvent illustrée par le modèle de Phong, décompose la représentation tridimensionnelle en un ensemble de points de lumière qui sont colorés suivant des formules complexes.
Fabula avec Unai qui dessine le Modèle de Phong[36]
Formule permettant de représenter de manière sommaire un univers en trois dimensions.
Cette approche me rappelle l’esthétique du pointillisme, comme dans La Parade de Cirque de Seurat[37], où chaque petite touche de couleur individuelle compose à une échelle plus large, une image.
Unai dans le style de La Parade de Cirque de Seurat (1889)
Le pixel art et la mosaïque avec leur approche modulaire, empruntent à ce principe. Une sorte de trame-grille est utilisée où chaque cellule qu’il s’agisse d’un point, d’un pixel ou d’une tesselle participe à la construction d’un tout visuellement cohérent. Il est pertinent de constater que les principes mathématiques de l’informatique graphique et de la vision artistique partagent des notions de mise en espace : une image est construite par une série de petites unités et c’est leur arrangement qui détermine l’effet visuel global. Le monde est rationalisé depuis un espace tridimensionnel vers une fresque mimant le comportement de l'œil observant.
L’approche de Chuck Close, photographe et peintre, renforce cette idée avec son travail basé sur des grilles et des motifs. Close utilisait une méthode de trame pour créer ses portraits, une approche que l'on pourrait rapprocher de l'esthétique de l'animation 3D. Bien que le médium soit différent, l’idée sous-jacente reste la même : un assemblage d’éléments plus petits pour créer un ensemble cohérent.
Processus de transformation d’une surface dans l’espace 3D vers une image
Cette comparaison permet de démontrer que la technologie de l’animation 3D permet de réinterpréter des idées artistiques anciennes à travers un prisme technologique. Ce passage d’une science à l’autre, du pragmatisme des calculs mathématiques à des pratiques artistiques variées, met en lumière la possibilité de réinventer des concepts et de donner vie à de nouveaux récits.
En manipulant la grille on peut non seulement transformer l’esthétique du cadre mais aussi jouer sur la façon dont le spectateur perçoit l'espace et l'intrigue : le nombre de cases, la dimension de la grille et même leurs dispositions ont un impact sur la capacité de l’aventurier à parcourir l'œuvre.
Cette réflexion s'applique non seulement au cadre visuel extérieur, mais également à l’intra-diégèse, où les éléments narratifs et esthétiques s’entrelacent pour altérer l’expérience vécue par l’aventurier dans l’univers de UNAI. Le cadre intradiégétique devient lui aussi cadre esthétique.
La notion de trame matérialise une manière d'entrevoir cet univers comme un canevas, une grille où chaque point, chaque intersection, reflète une idée ou un événement à découvrir. La trame est une structure à la fois rigoureuse et imprévisible, un réseau sur lequel se déplace le regard du spectateur permettant d’apercevoir progressivement les contours de l’histoire racontée.
Dans le jeu de société UNAI, les joueurs, chacun aux commandes de leur vaisseau (représenté par des pions), doivent progresser sur une grille pour atteindre la fin de la partie. La particularité réside dans la possibilité de modifier la diégèse en cours de jeu grâce au mécanisme de Backrun. Par exemple un trou noir peut initialement être traversable, mais après un Backrun, il devient un obstacle définitif, signifiant la fin de la partie pour un joueur. L’interaction entre les joueurs et les dispositifs se limite à une grille et au déplacement des pions. Cependant leurs perceptions des règles et leurs maîtrises du gameplay influencent la compréhension des comportements des vaisseaux spatiaux, ajoutant une couche stratégique.
Ce concept trouve un écho direct dans l’expérience immersive UNAI Le Piranha Rouge, où les participants prennent le contrôle du vaisseau pour atteindre le Centre de l’Univers. Là où le jeu de société oppose les joueurs dans une quête commune, le film d’animation transforme ce voyage en une opportunité d’incarner l’antagoniste. Cette opposition entre les médias crée une rime narrative, tout en offrant des perspectives différentes sur les mêmes enjeux fictionnels.
Unai et Ronda – Capture d’écran du film UNAI – Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
La trame trouve aussi écho dans le voyage des héros Unai, Fabula et Keeper, dont la quête pour trouver le Centre de l’Univers devient une métaphore du GAME OVER. La fin de la partie sera la même quelle que soit le parcours de nos personnages. Et leur parcours commun prend sens dans la raison qui les amènent à être ensemble pendant et après la fin de la partie.
Il est également important de noter que c’est cette raison qui m’a poussé à imaginer l’installation artistique UNAI Le Piranha Rouge. Finalement, si le film présente des personnages qui partent à l’aventure vers le Centre de l’Univers, l’installation est en réalité un jeu vidéo dont les joueurs poursuivent le même objectif dans une course contre la montre.
Si les protagonistes du film atteignent le Centre de l’univers avant la fin du film, les joueurs atteignent eux aussi cet objectif dans cette course d’obstacles. Et si la fin est presque la même pour tous les aventuriers, il n’y a que l’expérience gagnée et le score qui change.
Le Centre de l’Univers, cette case ultime que l’on souhaite retrouver sur la trame, représente tout autant un objectif narratif qu’un point de convergence pour les idées et les émotions du récit. Comme dans un jeu de société, chaque case franchie sur la trame est une étape, une décision, un regard posé sur une facette de l’univers. Mais c’est l’ensemble du parcours qui donne son sens au voyage. Le spectateur quant à lui, devient un élément actif dans ce système interactif, car son regard est imprévisible, ses choix d’interprétation et sa manière d’appréhender l’histoire se superposent à la trame elle-même sujette au changement.
Ce regard individuel, subjectif et changeant, est un écho direct à l’incertitude et à l’inconnu qui habitent les héros.
Pathfinder de Unai
La trame en ce sens, n’est pas une structure fixe mais un théâtre mouvant, évoluant au gré des perceptions, des attentes et des émotions. Et la quête du Centre de l’Univers n’est pas seulement une recherche spatiale ou physique dans l’histoire, mais une exploration intime et métaphysique : c’est là où Ego, le dieu millénaire, a été emprisonné par le Capitaine Keeper. C’est là que le spectateur observe, depuis un espace intangible, la scène d’un film.
Dans son étude comparée d’artefacts fictionnels en littérature, au cinéma et dans le jeu vidéo, Simon Bréant explicite une différence de point de vue en fonction du dispositif narratif. Mais c’est en intégrant notre aventurier dans l’Histoire que l’on installe un lien fort entre monde fictionnel et acteur de l’Histoire.
”La métalepse orchestrée par Fabrice Colin nous semble figurer la situation du lecteur face aux artefacts fictionnels : confronté à un univers dont il se sait distinct, il se voit contraint d’émettre sur ce monde des jugements et des interprétations; son immersion dans la fiction, quoique complète, se complique de moments de rupture et d’interrogation, qui lui donnent l’occasion de remplir un rôle plus actif qu’à l’ordinaire – il joue, même si c’est à vide, le rôle d’un occupant du monde de la fiction, confronté à des preuves et des indices sur lesquels il lui faut se prononcer, pour faire fonctionner le récit.”[38]
Schaeffer va plus loin en démontrant que l’aspect plastique corrélé à une situation impliquant le spectateur permet d’immerger son regard dans le contexte fictionnel. L’image devient cohérente aux yeux du spectateur et la diégèse devient outil de perception.
”La situation de feintise ludique partagée nous amène à traiter une représentation visuelle fictionnelle "comme si" elle était une représentation visuelle homologue, donc dénotationnelle. En revanche et c'est une des raisons de la difficulté qu' il y a à bien séparer les situations de fiction des situations de mimésis homologues dans le domaine de la peinture et de la photographie [Schaeffer ajoute en note de bas de page que « La même chose vaut aussi pour le cinéma »] – , la posture d' immersion fictionnelle est exactement la même que dans le cas d 'un mimème visuel homologue : il s'agit d 'une immersion perceptive. (Schaeffer, 1999, p . 247)”[39]
Cette abstraction maintient une distance nécessaire, rappelant constamment au spectateur qu’il est face à une création artistique, un dispositif et non une imitation fidèle du réel. Cette démarche est pertinente vis-à-vis du style visuel de ce projet, où des filtres et des choix narratifs masquent volontairement certaines parties du cadre : la fiction en tant que médium devient un leurre. Et l’objectif n’est pas de frustrer, mais d’inviter l’aventurier (spectateur, visiteur ou joueur) à compléter les zones absentes par sa propre imagination. Cette part absente de la fiction laisse place au doute, à l’interprétation et à l’appropriation personnelle, éléments essentiels dans une œuvre qui cherche à interroger les limites de la fiction.
Ainsi, même si mon récit raconte l’histoire improbable d’un micro-ondes attaquant un renard dans un vaisseau spatial, je souhaite rappeler que fondamentalement, il ne s’agit que de l’agencement de polygones dans un monde virtuel. En laissant volontairement des zones d’ombre et en privilégiant une abstraction visuelle et narrative, je donne à l'œuvre la possibilité de rester distante, ouverte et surtout capable de résonner différemment en fonction de celui qui la traverse. Parfois les histoires les plus marquantes sont celles qui laissent le plus de place à l’inconnu.
Paquette-Bélanger décrit l’importance de l'incomplétude d’une œuvre fictionnelle.
”Toutefois, la fiction télévisuelle ne montre pas plus qu'un roman ce qui se trouve au-delà de ses limites : «La fiction, pour sa part, paraît bien bornée par le texte qui la met en place. Dès qu 'on quitte la zone de ce qui est stipulé par le texte, on s'aperçoit que les éléments fictifs (personnages, lieux, circonstances, etc.) s'entourent d'un nuage de propriétés rigoureusement indécidables. » (Saint-Gelais, 2011 , p. 50) Si un monde fictionnel s'avère incomplet, même son actualité déictique n'en fait pas, à proprement parler, un monde possible. En effet, Richard Saint-Gelais ajoute : “Cette indétermination complique sérieusement la tâche de ceux qui tentent de rendre compte de la fiction à partir de la notion de monde possible. Un monde possible est en effet un état de choses maximal : toute proposition formulable à propos de ce monde doit être soit vrai, soit fausse, mais non les deux […]; on ne peut donc y adjoindre une nouvelle proposition sans contredire 1'une de celles qui décrivent déjà ce monde possible. (Saint-Gelais, 2011 , p. 51)”[40] (Paquette-Bélanger, p. 13)
Ainsi, le monde possible a la capacité de montrer (ou d’évoquer) une possibilité dès le début du récit pour permettre de faire comprendre l’état maximal de ses possibles, et ce à la fois dans son récit, mais aussi dans son esthétique : la fin de la grille. L’usage de l’imagerie de synthèse et la mise en volume d’un univers fictionnel permet de mettre en scène le possible de manière plus libre que le cinéma en prise de vues réelles, mais également plus contrôlé que la vision disposée dans un jeu vidéo, la caméra étant déléguée au joueur.
L’univers fictionnel de UNAI manque de détermination tout au long du récit. Si le début In médias Res permet au spectateur d’avoir un premier aperçu sur l’univers fictionnel, l’objectif premier est de présenter le champ des possibles du Monde en tant que dispositif. La caméra observe l’invasion de la planète Fictiona avant de plonger avec l’envahisseur dans un monde ou la colorimétrie est altérée. La planète étant peuplée de créatures fantastiques du point de vue du spectateur, on sous-entend un “état maximal” dans le monde présenté.
L’animation 3D permet ici de donner vie à ce monde tout en actant de manière graphique qu’un hibou anthropomorphique peut écrire, parler, voler et pleurer. De la même manière, on acte que d’une planète à l’autre l’esthétique filmique et le fonctionnement intra-diégétique (règles du monde) peut-être modifié pour mieux transmettre l’idée de la scène.
Le spectateur est donc guidé comme dans un tutoriel linéaire, dans lequel il comprend les enjeux du récit à ce moment de l’intrigue (Fabula fuit Fictiona pour trouver le Capitaine et rejoindre le Centre de l’Univers), mais aussi le fonctionnement du film au sein d’un dispositif de Voyage dans des mondes possibles. Cette intégration est pensée comme une présentation de gameplay dans laquelle le spectateur doit pouvoir comprendre les méthodes d’intéractions entre l’avatar (Fabula en tant que personnage d’identification, on vit l’histoire au travers de son récit initiatique) sans avoir le moyen d'interagir avec la fiction (qui est linéaire). Cette approche pédagogique de l’univers auprès du spectateur est à mettre en relation avec l’aspect didactique de ce moment du récit : Le Père Frann transmet la Plume du Vieux Sage à son apprenti, lui confiant son savoir le plus précieux.
La transmission d’une information ou la dissimulation d’un savoir au spectateur est mise en scène de manière symbolique dans la diégèse du film. La représentation du lien entre le film et le spectateur dans le film devient un élément de réflexion car c’est finalement l’auteur qui choisit le point de vue pour mettre en scène le possible tout en suggérant sa présence.
L’animation 3D en tant qu’outil artistique devient alors une forme générique d’information comme un dessin ou un son, qui peut être réutilisé sur plusieurs médiums et dans plusieurs œuvres. Un artiste peut manipuler des objets et des mondes ou déléguer cette tâche au spectateur qui prend possession du personnage dans un jeu vidéo. Et de ce va et vient entre le concepteur du personnage et l’aventurier naît une nouvelle manière de fabriquer l’affordance de ces modèles en 3D. Ces modèles, qui sont des maillages de polygones, peuvent représenter un objet inerte du monde virtuel comme un personnage de l’histoire.
Ainsi, l’animation tridimensionnelle dans une dynamique transmédia possède d’emblée une dimension doublement réflexive : d’abord car les aventuriers peuvent s’approprier l'univers fictionnel dans une forme (médium) choisi, puis le créateur peut choisir la manière de montrer son univers en corrélation avec le message véhiculé par un récit qui va apporter une articulation spécifique à son univers fictionnel.
Cette étape de création à la fois narrative et technique est comparable à l’étape du rigging (G) dans la création d’un projet d'animation 3D. Cette étape consiste en la création d’un squelette (aussi appelé armature) appliqué à un modèle 3D, permettant à postériori d’animer le personnage. Un rigg peut être appliqué à un personnage (pour animer son visage, son corps) tout comme à n’importe quel élément d’un environnement virtuel.
En l'occurrence, je considère qu’il devient pertinent de comparer l’articulation d’un univers transmédia au Rigg d’un univers fictionne l: on plie un médium pour animer un univers fictionnel dans sa forme. L’univers fictionnel de UNAI est en réalité riggé de manière polymorphique : sa forme est altérée à la fois par les formes des oeuvres qui le montrent, mais également au sein des oeuvres en arborant différentes directions artistiques : le monde possible est conséquence de l’armature qui le structure.
3.6. La subjectivité dans la 3D
L’imagerie numérique est-elle subjective par nature ?
L’animation 3D permet de jouer avec la subjectivité sur plusieurs plans. Tout d’abord, en revenant aux fondements mathématiques de l’imagerie numérique, on peut constater qu’il existe de multiples plans de représentation d’un espace virtuel.
Quand on développe un moteur de rendu en 3D, la représentation d’un modèle en trois dimensions au travers du regard d’une caméra virtuelle admet en réalité plusieurs espaces géométriques qui engendrent sa représentation visuelle. D’abord notre modèle 3D existe dans un espace monde, c'est-à-dire une position (x, y, z) dans un plan à trois dimensions. Ce modèle est lui-même constitué d’un amas de points appelés vertices. Ces points sont les éléments géométriques qui vont constituer les maillages qui une fois texturés, permettent l’existence d’une surface qui représente notre modèle vu par la caméra. Enfin, l’espace caméra est la position de notre modèle 3D vis-à-vis de la caméra qui le filme et qui va transformer ces représentations géométriques explicites en formes visuelles. Ainsi pour représenter un objet en 3D, nous effectuons différentes transformations mathématiques permettant de passer d’un espace géométrique à un autre, de manière à faire exister notre modèle 3D aux yeux de notre système de rendu. Le maillage est transformé via une translation vectorielle pour passer de l’espace objet à l’espace monde, puis de l’espace monde à l’espace caméra.
Le système algorithmique qui permet le fonctionnement de l’affichage d’images numériques est nativement pensé comme un système qui joue avec la subjectivité. Un point dans le monde en 3D n’est pas le même que le point perçu par une caméra virtuelle. Et cette traduction d’un espace géométrique à un autre est conditionnée par une altération de sa forme mathématique.
Mais ce qui est plus pertinent encore est le fait que lorsque notre modèle 3D prend forme dans la caméra, on change de représentation géométrique. Nous passons d’une représentation en trois dimensions à une image, une matrice en deux dimensions contenant les informations propres à l’image rendue et à son système de couleurs (les pigments rouges, verts, bleus et alpha pour la transparence).
C'est-à-dire que la visualisation d’un environnement en trois dimensions par une caméra virtuelle est transformée en matrice de deux dimensions. Ce qui implique une perte d’information entre notre monde originel et l’image finale.
Notons que l’imagerie numérique 3D est en réalité une visualisation, une projection d’un monde en 3D sous un angle prédéfini. Cette façon de concevoir un univers fictionnel en trois dimensions nous permet d’évoquer une question qui façonne depuis plusieurs décennies les arts vidéoludiques.
Identification, subjectivité et cadre
Capture d’écran du film UNAI – L’invasion de Fictiona par l’armée du Timeless Killer – Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Dans cette scène, le spectateur se substitue / joue le rôle d’un des antagonistes de l’histoire. Sans même avoir vu son visage, il sait qu’il s’associe à une menace, avec les vaisseaux qui s’approchent de la planète Fictiona. Cette identification suggère un lien direct entre le spectateur et l’action qui se déroule. Il incarne une menace de manière abstraite.
Le spectateur est positionné de manière à intervenir de façon négative dans le récit. Ce mécanisme fait écho à l’effet des "plumes bleues, rouges et blanches". L’impact d’un élément du récit sur la fiction se manifeste au travers d'éléments visuels ou symboliques. L’usage d’un plan « mystérieusement vôtre », avec une caméra mouvante et instable, en est une parfaite illustration. Ce type de plan qui scrute une scène ou un personnage, tout en nous donnant l’impression que nous sommes le regard du personnage dans l’espace, est un effet de style courant notamment dans les films d’horreur et dans les séquences de suspense. Ce plan cache l’identité du regardant, comme dans Les Dents de la Mer[41] où l’instabilité d’un plan qui se rapproche des jambes d’une nageuse nous fait incarner le requin.
Ici ce dispositif interroge la manière dont nous percevons l’œuvre à travers le regard de plusieurs personnages. “Il” superpose trois niveaux du "je" : celui de l’observateur, de l’observé et de l’environnement dans lequel cette interaction se joue.
Ce jeu avec la subjectivité et la diégèse brise implicitement le quatrième mur, tout en questionnant notre rapport aux univers fictionnels. Au-delà de la volonté d’apporter une illustration technique au spectateur, ce plan devient un outil pédagogique qui interroge notre position en tant qu’aventurier tout en soulignant la nature fictionnelle de l’univers dépeint.
Ce passage des regards est un jeu de diégèse. L’identification se fait en complémentarité avec la structure tripartite du récit : un cadre dans un cadre, un esprit[42] dans un vaisseau spatial perdu dans l’immensité de l’espace, enfermé dans une structure narrative archétypale[43], elle-même enfermée dans le cadre de la caméra. Ce dispositif interroge le spectateur sur les limites de sa propre identification et sur le rôle qu’il joue dans ce moment clef du récit.
La structure narrative du film est inspirée du système du monomythe qui a été pliée trois fois sur elle-même.
- Le premier récit initiatique est celui de Fabula qui trouve en sa figure maternelle Mère Frann, puis son mentor le Capitaine Keeper.
- Le second récit initiatique est consacré à Unai, qui trouve en sa figure paternelle Ronda, puis son mentor Keeper.
- Le troisième récit initiatique est celui de Keeper, qui n’a pas de figure paternelle, mais qui voit son mentor en ses propres reflets dans les personnages qui sont amenés à le côtoyer durant la durée du récit.
Bien qu’ils se fassent grandir mutuellement, les personnages sont également leur propre frein l’un pour l’autre. Ils sont aussi leur propre source d’émancipation vis-à-vis du dispositif fictionnel. Chaque personnage défini par son univers source est amené à évoluer esthétiquement et narrativement au cours du récit. Tout comme le cadre devient un frein à l’initiation du spectateur, les personnages sont bridés par leurs dispositifs d’interaction avec le monde.
Comment la subjectivité de notre rapport au monde fictionnel permet une meilleure immersion dans ce dernier ?
La question de la subjectivité dans le rapport au monde fictionnel est centrale dans la conception des expériences vidéoludiques. Elle se manifeste particulièrement à travers le choix de la perspective adoptée par le joueur, que ce soit à la première personne (First-Person Shooter – FPS) ou à la troisième personne (Third-Person Shooter – TPS). Ce choix influence directement la manière dont le joueur perçoit et interagit avec l'univers fictionnel. En effet, ici résulte un choix qui découle directement de la définition de l’imagerie numérique, à savoir conserver l’espace-objet comme incarnation de notre perception de l'univers fictionnel dans le cadre d’un jeu à la troisième personne, ou bien amalgamer l’espace-objet et l’espace-caméra pour faire de notre caméra virtuelle notre outil de perception de l’univers fictionnel.
Dans un FPS l'incarnation (G) est totale : la caméra se substitue littéralement aux yeux du personnage. Cette proximité sensorielle réduit la distance cognitive entre le joueur et l'univers fictif. Le décor devient une extension du champ de vision naturel et les interactions avec le monde sont réalisées telles que nous les percevons dans la réalité. Cette configuration subjective renforce l'illusion de présence et d’immersion. L'absence de représentation explicite du personnage participe à cette immersion : l'univers semble exister uniquement à travers le regard du joueur.
En revanche les TPS (jeu à la troisième personne) offrent une perspective plus distante, où le joueur voit son avatar évoluer dans l'environnement. Si cette mise à distance peut faciliter la compréhension spatiale et tactique du monde virtuel, elle réduit la sensation d'incarnation. Le joueur devient spectateur de l'action autant qu'il en est acteur, ce qui peut limiter l'identification émotionnelle au personnage et à l'univers. Cependant, cette distance n'est pas dépourvue d'intérêt narratif : elle permet une mise en scène plus cinématographique, souvent exploitée pour raconter des histoires riches et complexes.
Cette instanciation du joueur dans l’espace monde peut freiner ou au contraire encourager le sentiment d’immersion dans la fiction, car l’implication de l’aventurier se fait au travers d’un avatar anonyme ou préexistant. Ainsi, la subjectivité offerte par les perspectives à la première personne favorise une immersion dans le monde fictionnel, en abolissant la frontière entre joueur et personnage. Elle capitalise sur une forme d'incarnation qui transforme l'univers fictif en une expérience vécue plutôt que simplement observée. Le joueur-acteur devient alors héros de son récit en s’émancipant de l’incarné : personnage appartenant d’emblée à la diégèse de l’univers fictionnel et dissocié de notre joueur.
Comment créer des incarnations du “je” dans l’univers fictionnel de UNAI ?
Au-delà de la simple mise en scène narrative et visuelle, une réflexion approfondie sur la stature des personnages permet d’imaginer des dispositifs fictionnels devenant des réflections de la subjectivité du récit. Cette conception dépasse une simple approche fonctionnelle du protagoniste pour interroger son rôle dans la construction de l'univers diégétique.
Les Wills dans cette perspective, sont conçus comme des figures mystiques et métaphysiques, incarnant une forme d'hyper-objet fictionnel. Cette notion évoque une entité composite et insaisissable, qui traverse différents supports narratifs : mythologie intra-diégétique, religion implicite, créatures magiques, incarnations matérielles ou encore personnages omniscients. Leurs fonctionnements restent délibérément opaques, suscitant des interrogations éthiques et philosophiques tout en jouant sur une ambiguïté narrative constante. Les Wills deviennent ainsi une interface conceptuelle à travers laquelle les questions de transmission, de mémoire et d'autorité narrative sont explorées.
Les Wills peuvent être une version filmique du gameplay du jeu vidéo The Witness[44], dans lequel le joueur doit suivre le chemin défini par le Game Designer sur une carte. Cette présentation de la narration au joueur en tant que moyen d’interaction devient un guide extra-diégétique ramené dans une posture intra-diégétique assumée.
Fabula, personnage central du dispositif, prend une posture paradoxale : s'il est témoin privilégié des événements, son rôle reste celui d'un narrateur distancié, qui inscrit l'Histoire sans y prendre pleinement part. Son outil narratif principal, la plume, se distingue par sa capacité à inscrire, dessiner et même interagir physiquement avec le monde fictionnel : les Scribes utilisent leurs plumes comme des armes pour se défendre contre les envahisseurs sur Fictiona, tandis que le Timeless Killer utilise sa plume rouge pour effacer les écrivains de l’Histoire. Fabula choisit de restreindre cette potentialité en n'utilisant sa plume que pour écrire l'Histoire. Cette distance volontaire fait de lui une figure contemplative, dont l'intervention narrative est limitée à une transmission postérieure des événements.
La tension entre implication et détachement chez Fabula soulève des questions sur la fonction du narrateur dans le récit. Loin d'être un simple observateur passif, il devient garant de la continuité narrative, reliant les fragments de l'univers diégétique par son écriture. Son choix de ne pas intervenir activement dans l'histoire traduit une posture réflexive qui questionne la légitimité de l'auteur à imposer une direction narrative, comme sa fonction d’acteur au sein du récit qu’il contribue à démarrer.
Les Histoires de Par-Delà les Étoiles reposent sur une articulation entre deux notions complémentaires : la Syntaxe et la Figure.
- La Syntaxe se confond avec le fond narratif, à l'organisation des événements et à la logique interne du récit. Les personnages tels que Unai et Keeper s'inscrivent dans cette dynamique syntaxique en mobilisant leurs connaissances pour résoudre des problèmes, souvent inspirés d'éléments réinterprétés du monde réel (champignons, ordinateurs réinventés).
- La Figure à l’inverse, privilégie la mise en avant du personnage en tant que protagoniste autonome, dont la vie et les actions deviennent centrales et inspirent des mythologies. Fabula incarne cette approche en se passionnant pour les figures qu'il observe et raconte l’histoire même lorsque sa viabilité semble secondaire.
Cette opposition permet de jouer sur différentes modalités énonciatives (première, deuxième, troisième personne), tout en confrontant objectivité et subjectivité. Les protagonistes deviennent sujets à une crise existentielle et se questionnent sur leurs places au sein même de l'univers fictionnel (le sens de ce monde) avant même que questionner leur stature dans leur propre arc narratif (le sens de la présence du personnage).
La quête centrale qu'elle soit intellectuelle, géographique ou existentielle, illustre cette dynamique en posant une question essentielle : comment passer d'un point A à un point B ? Qu'il s'agisse d'une planète, d'une idée ou d'un chapitre et plus encore si on connaît la fin de l’histoire (trouver le Centre de l’Univers et sauver le monde).
La plume de Fabula devient un symbole narratif clé. Si dans l'univers fictionnel, elle permet d'inscrire des chroniques et d'interagir avec le monde, elle représente également une métaphore de la recherche narrative elle-même. Les Scribes, utilisateurs de la plume, incarnent une figure d'autorité narrative, qui écrivent les « Histoires de Par-Delà les Étoiles » dictées par les Wills. Ces créatures spatio-temporelles, bien qu'omniprésentes, ne sont jamais transparentes dans leur fonction. Les Scribes, tels des chercheurs-artistes, altèrent la réalité pour en déjouer le sens et font du réel une fiction qui devient malgré elle épicentre de leur recherche.
L'usage de la plume comme outil de narration souligne une dynamique essentielle : celle de la confiance accordée à l'information. Pour Fabula, les Wills sont une certitude religieuse, pour Unai, ils relèvent du mythe et de la superstition. Cette divergence illustre une approche pluraliste de la narration, où la validité de l'information importe moins que la manière dont elle est perçue et intégrée dans le récit.
La subjectivité[45] du dispositif narratif est en réalité inhérente aux questionnements de son auteur. L'approche structuraliste du récit permet de relier des champs disciplinaires variés : biologie (avec la présence du blob), mathématiques (avec l'algorithme du Pathfinder) et littérature créative (avec la plume de Fabula). Ces disciplines a priori disparates, se rejoignent toujours autour d'une même problématique : comment naviguer d'une idée à une autre, d'une planète à une autre, d'un chapitre à l'autre ?
Cette métaphore du cheminement devient une clé de lecture du récit, illustrant la richesse et la complexité d'un univers narratif conçu comme un espace de questionnement plutôt que de résolution définitive.
Diégèse | Capitaine Keeper | Unai / Aventurier | Scribe |
Usage du « je » | Il | Tu (You and I, toi et moi) | Il |
Sa vision du monde | Il est acteur de l’Histoire, ses décisions ont un impact sur le réel, et il le sait. | L’Histoire est sa vie et il a un point de vue subjectif. La fiction est irrationnelle. L’Histoire est la conséquence de la science. | L’Histoire est une religion, la fiction est une science. |
Comment il trouve le chemin vers le Centre de l’Univers | Il ne sait pas et il ne veut pas le savoir. Il pense que personne ne peut et ne doit trouver le chemin. | Il veut cartographier de manière rationnelle l’Univers et utiliser un Pathfinder pour trouver le Centre de l’Univers. | Il veut appeler les Wills et écrire le chemin sur son parchemin avec sa plume, de manière irrationnelle. |
Son outil, son arme, son objet (insère) | Keeper se concentre sur le réel avec le Blob, un champignon qui trace le chemin le plus court entre deux points. Le Blob lui permet de rejoindre le Centre en enchaînant les trous noirs. | Unai utilise le Pathfinder, un outil informatique qui permet de trouver le chemin le plus pertinent. Ce travail lui permet de cartographier l’univers avec un modèle systémique. | Fabula utilise la Plume pour écouter les Wills, qui révèlent les chemins à suivre. Une fois les Wills écoutés, il inscrit les trajectoires sur un parchemin. |
Pourquoi il échoue | Keeper a développé des vices : en plus de boire, il fume des champignons (y compris les Blobs qui devaient l’amener au Centre). | Unai est un excellent codeur, mais les machines utilisées ne sont pas fiables. D’autant plus que son équipement manque parfois d’énergie. | Les Wills ont déjà trompé Fabula, ne lui révélant pas des informations essentielles ou jugeant certains détails inutiles. |
Comment le personnage est écrit et mis en scène | Le Capitaine, interprété par l’auteur, est nourri par ses propres choix de jeu à l’écran. | Unai est préexistant dans l’univers fictionnel. L’auteur l’anime virtuellement mais le personnage est doublé par une comédienne. | Fabula est entièrement écrit pour raconter l’Histoire. Son rôle est exclusivement narratif ; il est observateur mais n'interagit que par l'écriture. |
Tableau représentant le statut des personnages au sein du récit et les emplois du “je”
3.7. L’acteur numérique devient mystère
Au Moyen Age les faiseurs d’effets au théâtre s'appelaient les “Maîtres des Secrets”. Les secrets étaient les méthodes de fabrications des accessoires, des décors, des voleries, des effets pyrotechniques (eau flamboyante), des masques, etc.
Dans la production audiovisuelle moderne, les fabricants d’effets spéciaux utilisent désormais des effets numériques pour donner vie à des effets plus impressionnants, plus réalistes. Ainsi, il devient possible de créer des personnages virtuels capables de devenir les acteurs d’une œuvre de fiction, à la manière d’un personnage de jeu vidéo qui devient protagoniste d’un film en images de synthèses.
Dans le projet transmédia mettant en scène Unai, en tant que personnage animé en 3D, le choix d'une esthétique fait maison (DIY[46]) est central. La captation faciale via l'application FaceCap[47] permet de traduire les expressions du comédien en une forme numérique imparfaite, rappelant les codes du théâtre de la Commedia dell’Arte[48]. Cette tradition théâtrale historique, marquée par des masques expressifs et des mouvements exagérés, trouve une réinterprétation contemporaine à travers la technologie numérique. Unai devient une figure hybride, à mi-chemin entre une marionnette numérique et une projection théâtrale.
L'utilisation de la MoCap (Motion Capture) ne vise pas à atteindre une fidélité parfaite ou un photoréalisme absolu. Au contraire, elle revendique une forme d'improvisation technologique qui embrasse les aléas du processus, l’imperfection du procédé d’incarnation. Le masque de pixels porté par le double virtuel de Unai ne cherche pas à dissimuler cette traduction imparfaite entre le corps humain et sa représentation numérique.
Capture d’écran du logiciel FaceCap
L'esthétique du fait maison valorise l'artisanat numérique, où chaque texture devient une couture visible, un témoignage d’un certain engagement créatif dans les technologies numériques. Cette démarche traduit une approche engagée du numérique, non pas comme un terrain d'expérimentation esthétique et poétique, mais comme un espace d'expression personnelle où l’imperfection devient un choix artistique.
En privilégiant une 3D imparfaite, je rejette l'uniformité de l’industrie de l’animation pour valoriser l'authenticité de mon discours.
Il y a une véritable translation mathématique entre le comédien et sa doublure virtuelle : un flux d'équations qui capture les points du visage pour les projeter dans une dimension numérique. À l'instar des masques de la Commedia dell’Arte qui transcendent les traits du comédien, les pixels viennent ici orner le visage numérique du comédien, créant une figure à la fois universelle et singulière.
4. Le transmédia comme outils de fabrication d’une fiction
Le transmédia comme méthodologie de recherche
“La transmédialité est un terme issu du concept anglais «transmedia storytelling» (« narration transmédia»)” “processus de déploiement d'œuvres de fiction caractérisé par l'utilisation combinée de plusieurs médias pour développer une expérience unifiée et cohérente”[49]
“Dans un monde empreint de fictions et baigné de nouveaux médias apparaissent des histoires immersives déployées sur de multiples supports, des créations polymorphes qui sont à la fois films, jeux, installations artistiques, performances, concerts, etc. : les transmédias de fiction.”[50]
Dans sa thèse, Karleen Groupierre définit plusieurs types de transmédias : 1) les transmédias à maîtres altérables et 2) les transmédias à maîtres inaltérables. Ces deux manières d’entrevoir le transmédia sont en réalité complémentaires : l’une développe la thèse d’une oeuvre principale à laquelle sont rattachées de nombreuses œuvres dérivées, tandis que l’autre s’attache à l’idée d’un corpus indissociable et le définit d’emblée comme un groupement narratif.
“Ce média maître, généralement réalisé en premier, porte à lui seul une fiction complète et compréhensible sans avoir recours à d'autres médias. Toutes les autres ramifications de l'histoire, déclinées sur d'autres médias, permettent d'approfondir et/ou de compléter l'histoire portée par le média maître. Ces médias secondaires ont aussi souvent pour but d'intégrer davantage la fiction dans le quotidien du public, mais parmi ces autres médias aucun ne peut influencer ou modifier ce qui est raconté sur le média maître; il est inaltérable (narrativement parlant). C'est le cas du transmédia de la série Dexter. Le média maître est la série télévisée (adaptée du livre) qui dévoile au public l'histoire principale : « Expert en médecine légale spécialisé dans l'analyse de traces de sang dans la police le jour, tueur en série la nuit, Dexter Morgan n'est pas exactement un citoyen américain comme les autres…) ». Cette histoire déjà pré-écrite ne sera pas influencée en retour par les autres médias (secondaires) mis en place pour porter la fiction. De plus, la série peut se suffire à elle-même, aucun autre média n'est indispensable.”[51]
“Le troisième type correspond à la définition de « transfiction » proposée par Christy Dena; ces transmédias sont aussi nommés fiction totale. Tous les médias doivent être combinés pour former une fiction unique, ce qui a pour conséquence de faire disparaître un éventuel média maître : aucun média ne peut être exploré seul et aucun ne sera maître. Chaque média est dépendant de l'ensemble. Cela crée des structures narratives complexes. Notons que certaines de ces transfictions peuvent en apparence posséder un média maître (un site internet rassemblant l'ensemble de la communauté, par exemple) cependant, il s'agit d'un média prioritaire par rapport à l'usage et non par rapport à la fiction en elle-même : pour vivre la fiction le public utilisera continuellement ce média; seulement il n'est pas plus porteur de l'histoire que les autres. Ainsi, quels que soient les degrés d'usages des différents médias d'une transfiction, ils sont tous supports de la narration principale.”[52]
Pour ma part, je considère que ces définitions sont fausses. À mon sens, le cross-média est une définition marketing qui qualifie les produits dérivés issus d’une œuvre culturelle. Le cross média consiste à diffuser un même contenu sur plusieurs supports médiatiques, adaptés à chaque format, afin de toucher un public plus large.
Dans le domaine des jeux vidéo, une franchise peut être adaptée à différents médias pour maximiser son impact. Par exemple, la franchise Assassin’s Creed[53] d’Ubisoft est constituée d’une saga vidéoludique principale, et est accompagné de romans, de bandes dessinées, d’un film, et de courts-métrages animés, chacun racontant une version de l’histoire ou offrant des perspectives supplémentaires, mais tous reprenant les éléments centraux de l’univers du jeu. Le film Assassin’s Creed[54] est un cas d’école, car il porte la volonté d’adapter les éléments scénaristiques issus des premiers jeux (notamment l’arc autour de l’animus, pourtant abandonné dans certains opus de la saga de jeu vidéo).
Un autre exemple de sagas cross-média est The Walking Dead[55] qui a commencé comme une bande dessinée avant de devenir une série télévisée à succès[56], puis des jeux vidéo[57], et des produits dérivés. Chaque média adapte l’histoire centrale de la bande dessinée originale sans que les produits dérivés influencent le monde fictionnel de la bande dessinée originale.
Par ailleurs, Karleen Groupierre se contredit en définissant le cross média comme un “ensemble de médias constitutifs d'un même univers imaginaire global et cohérent”. Par ailleurs, en définissant le crossmédia comme une catégorie du transmédia en le présentant comme un transmédia à maître altérable on contredit l’essence du transmédia qui implique que tous les médias doivent être complémentaires dans la compréhension d’une œuvre fictionnelle et multi-support.
“Nous entendrons, dans cette thèse, la fiction cross-média comme un ensemble de médias constitutif d'un même univers imaginaire global et cohérent qui sera diffusé de manière coordonnée et synchrone, et présenté comme un tout à un public choisi. Le transmédia sera défini comme une sous catégorie de cross-média qui se distingue de ce dernier par une particularité supplémentaire. En effet, dans un transmédia, chaque média apporte une « contribution significative » (Jenkins, 2006) à l'ensemble de l'histoire déployée sur les différents médias. Chaque média apporte donc sa pierre à l'édifice histoire. Toutefois, nous verrons qu'il existe différentes formes de transmédia.”
De plus, l’autrice explique que “dans un transmédia, chaque média apporte une « contribution significative »”, “Le transmédia sera défini comme une sous catégorie de cross-média”. Ici, le terme de “contribution significative” est ambigu. Tout d’abord, la contribution peut-être narrative avec une histoire qui vient proposer un ressort narratif supplémentaire pour mieux comprendre le déroulé des autres histoires. Et d’autre part, la contribution peut être diégétique en apportant des personnages complémentaires à l'univers fictionnel ou développer de nouveaux lieux, de nouvelles temporalités. Les publicités pour la série Dexter[58] sous forme d’installations urbaines officielles ou des produits dérivés ne doivent pas être catégorisés comme des oeuvres transmédia car elles sont pensées de prime abord comme des vecteurs commerciaux qui servent à présenter et représenter la série sous de nouvelles formes commerciales dans un processus industriel et logistique multicanal (une marque présente sur des réseaux sociaux, à la télévision, sur des affiches publicitaires, des installations éphémères, etc).
En réalité, l’erreur de définition est ici inhérente à la vision de la narration par l’autrice : “il y a une œuvre originale et des œuvres d’après l'œuvre originale”. Et ces questions sont en fait une problématique découlant de la question de la paternité d’une œuvre et de ses droits d’auteurs.
Plus encore, cet angle omet en fait la question de la pré-production de l'œuvre en oubliant qu’une série télévisuelle en tant qu’objet artistique est en fait le fruit d’une multitude d'œuvres préalables et invisibles. Par exemple, lors de la création d’une série d’animation ou live action, il est établi un certain nombre d’objets artistiques tels que la bible littéraire, la bible graphique, les artworks. Autant de travaux préparatoires qui sont en réalité la source de l'œuvre finale transmédia ou non. Ces éléments de fabrication sont parfois individuels, parfois collectifs, à des échelles industrielles (des co-productions internationales peuvent faire converser de très nombreuses entreprises dédiées à la pré-production) ou au contraire à une échelle restreinte (un pool d’auteurs qui développent l’histoire d’une série). Et, il est important de signaler que dans de très nombreux cas, les produits dérivés ne sont pas conçus ni même connus par les créateurs de l'œuvre originale.
À l'inverse, le transmédia va au-delà de la simple adaptation d’un même contenu sur différents supports. Il s’agit de créer une expérience narrative où chaque média apporte une dimension unique à l’histoire globale. On ne raconte jamais deux fois la même histoire, tout en utilisant le format inhérent au support utilisé comme méthodologie de narration. Autrement dit, la plasticité est aussi une manière de concevoir l’histoire transmédia. L’univers de Krosmoz d’Ankama s'étend à travers des romans, des bandes dessinées, des séries animées et des jeux vidéo. Chaque support offre des détails supplémentaires et des histoires parallèles qui complètent l’expérience globale, tout en pensant chaque médium avec ses spécificités. L’histoire de deux médiums n’est jamais la même, ce qui permet de faire de chaque œuvre un portail d'entrée unique, non indispensable sur l’univers fictionnel. Un autre exemple pertinent est The Matrix[59]. Outre les films principaux, l’univers de The Matrix est exploré à travers des courts-métrages animés (Animatrix[60]), des jeux vidéo Enter the Matrix[61] créés par les mêmes autrices, chacun révélant des aspects uniques de l’histoire globale.
Enfin, il est intéressant de noter l’importance d’un univers fictionnel comme œuvre globale auprès d’un auteur. Georges Lucas qualifiait ses films Star Wars[62] comme une œuvre globale, comme un seul et même film (avant le rachat de son entreprise, peut-être son point de vue a-il changé). Cependant, il n’a supervisé que la série d’animation Star Wars The Clone Wars[63], quand il existe une vaste variété de créations estampillées Star Wars non reconnues par le fil narratif de Lucas. Lucas envisage donc davantage son médium de prédilection (le cinéma puis sa série d’animation) comme univers fictionnel propre, tout en s’inspirant régulièrement de personnages issues de l’univers étendu (constitué des histoires des produits dérivés produits par LucasArts[64], Lucas Licensing[65] ou Lucas Online[66]).
Dans tous les cas, cette dynamique cross-média a permis de développer la marque Star Wars alors même qu’il n’y avait pas de film sortant au cinéma.
Il est donc une erreur de confondre marque cross-média et univers transmédia dès lors que ces deux notions cohabitent au préalable dans les industries culturelles et créatives.
C’est de cette ambiguïté que naissent de nouvelles opportunités créatives : un média peut ajouter de nouveaux éléments non liés à l’histoire originale, au risque de briser la cohérence de la narration, mais si l’on construit notre univers fictionnel dès le départ, partant d’une page vierge, et soumis aux tensions narratives inter-média la création d’une nouvelle sémantique fictionnelle devient possible. On revient alors à la théorie des mondes possibles : le but d’un monde possible n’est pas d’offrir quelque chose de cohérent aux yeux du prospect commercial passant devant une affiche publicitaire dans le métro. Le but est de construire le raisonnement de l'aventurier (notre spectateur/joueur/lecteur) afin qu’il pense comme si il/elle était dans l’univers fictionnel. Alors, quel que soit le média, l’obsession de l’artiste n’est plus la pluralité du média lui-même mais la manière dont il l'entrevoit, et dont il le fait entrevoir.
4.1. Envisager le transmédia comme méthode de conception
Le transmédia, en tant que méthode de conception, s'émancipe des structures traditionnelles de la Bible littéraire et graphique[67], pour fabriquer un objet composite qui devient, grâce au numérique, une œuvre d'art interactive. Ce processus permet une expérience immersive qui dépasse les limites du récit linéaire, ouvrant ainsi un espace créatif en constante évolution. L'une des premières manifestations de cette approche réside dans la possibilité pour le créateur de développer un site Internet servant de hub à son univers fictionnel. Ce site permet non seulement de présenter l’œuvre avant la conception d'un film ou d'un jeu, mais aussi d’étaler l’univers en amont, en rendant l’expérience interactive dès ses premières étapes de développement. Il devient ainsi un lieu d'exploration et d'immersion pour l'utilisateur, qui peut interagir avec les différents éléments narratifs et visuels.
Dans ce cadre, l’écriture se fait de manière polymorphique, s’éloignant du format classique d’un récit linéaire. Le créateur n’est plus contraint par la structure rigide d’une Bible littéraire ou graphique, mais peut organiser son univers autour de fragments divers tels que des visuels, des artworks, des notes et des designs. Ce point d'ancrage pour l’écriture permet ainsi de travailler l’univers fictionnel comme un ensemble fluide et modulaire, plutôt que comme un récit figé. Le créateur devient alors à la fois architecte et explorateur, construisant son univers à travers une multitude de supports, et rendant celui-ci susceptible d'évoluer au gré de ses ajouts.
Par ailleurs, l’utilisation d’outils numériques tels que Notion[68] ou Obsidian[69] permet de structurer cet univers fictionnel sous forme de bases de données dynamiques. Ces outils offrent au créateur la possibilité d'organiser de manière fluide et interactive les éléments constitutifs de l'univers : fiches de personnages, descriptions de mondes, arcs narratifs et objets clés. L’écriture transmédia devient ainsi un processus organique, chaque élément pouvant être ajouté, modifié ou enrichi au fil du temps, sans se voir contraint par la rigidité d’un récit préétabli. L’univers fictionnel se transforme alors en une entité vivante, où chaque nouvelle contribution s’inscrit dans un tout cohérent, mais sans jamais perdre sa modularité. Cette flexibilité de l’objet permet d’adapter ces éléments clés de manière cohérente dans les productions artistiques.
L’aspect numérique de cette méthode permet également de réinventer la manière dont l’univers est organisé. En effet, l'outil numérique devient une ressource bibliographique et un espace de contenu, tel un wiki[70] en constante évolution, où le créateur peut enregistrer, modifier et enrichir son univers fictionnel. Cette approche favorise une interaction fluide avec l'univers, lui permettant de se réinventer, tout en restant fidèle à ses bases initiales. Ce mode de création transforme ainsi l’œuvre en un lieu d'échange, de partage et d’expansion infinie.
De manière intéressante, l’univers transmédia peut être comparé à un dépôt git[71], où chaque modification ou chaque ajout d'élément est enregistré de manière détaillée. À l’instar d’un logiciel, l’univers fictionnel a une «version»[72] qui évolue, et chaque nouvelle modification, qu'il s’agisse de l’ajout d'un personnage ou de la révision d’un détail de l’intrigue, est intégrée dans un historique. Ce système permet de visualiser les changements au fil du temps, et de revenir en arrière si nécessaire, tout en favorisant une progression continue de l'univers.
Capture d’écran – logiciel Obsidian – Développement du projet EgoFabula.com
Ainsi, l’écriture dans le cadre du transmédia se transforme en un véritable code, un espace-monde vivant dont les éléments sont organisés et accessibles de manière numérique. L'univers fictionnel n’est plus une simple collection de récits ou de descriptions, mais un agrégat de matière numérique, une toile d'idées et d'objets en constante évolution. L'écriture devient un langage qui structure cet espace tout en offrant une liberté d’expansion et de réinterprétation infinie. Enfin, l’outil numérique utilisé pour la création devient également un espace d’archivage, un lieu où chaque évolution de l'univers peut être enregistrée, stockée et revisitée. Il permet de garder une trace des choix du créateur, des révisions effectuées et des corrections apportées, tout en offrant la possibilité d'explorer les versions passées de l’univers, créant ainsi une archive vivante et dynamique qui accompagne l'évolution de l'œuvre.
Le transmédia permet ainsi de repenser la création artistique dans son ensemble, non pas comme une œuvre fixe, mais comme un processus vivant, interactif et en constante évolution. Dans le cadre de la création de UNAI, je voulais intégrer des éléments qui, s'ils avaient été intégrés à sa diégèse, auraient complètement altéré la perception de mon univers fictionnel, quel que soit le support. C’est de l’impossibilité du monde possible qu’est né BACKRUN, un nouvel univers fictionnel dans une autre tonalité.En réalité, je construis de nouveaux univers fictionnels en partant d’un objet-fiction source, puis je le détourne de manière à en réinventer les personnages.Par exemple, Ronda apparaît sous une autre forme dans mon univers fictionnel BETACLE, quand Unai arbore une forme complètement différente dans BACKRUN. En réalité, si la fonction archétypale de mes personnages reste la même, leur place dans le récit est altérée par le monde résolument réinventé pour intégrer de nouvelles idées.
Dans UNAI, Unai est le lien entre l'œuvre et le spectateur, quand il s’efface dans EGO FABULA pour devenir le lien entre plusieurs personnages. Ces personnages-variables sont à mon sens des personnas qui remplissent une fonction à la fois dans un univers fictionnel et sur un support de diffusion.
L’univers fictionnel en tant qu’objet artistique devient donc un être organique qui s’émancipe des oeuvres finales (jeu, animation, installation) pour devenir une fiction à part entière, un espace ou le lien le plus important n’est pas celui entre l’oeuvre et le lecteur; mais celui entre l’univers fictionnel et son créateur, assimilable à la relation entre un code et ses contributeurs.
4.2. Quand le support entre en collision avec la diégèse
Le cadre, qu’il soit lié au médium de diffusion ou au cadre intradiégétique, est une question centrale dans la conception de récits transmédia comme ceux de UNAI. Chaque médium impose des contraintes inhérentes à son support de diffusion et une manière spécifique de gérer l’immersion et l’interprétation de l’aventurier.
Un jeu de société par exemple, limite la narration à des règles explicites, des interactions physiques entre joueurs et des éléments tactiles comme des pions ou des cartes.
Un film d’animation en revanche repose sur un récit linéaire, une mise en scène visuelle et sonore maîtrisée et une temporalité imposée au spectateur.
Quant à une expérience immersive comme l’installation UNAI Le Piranha Rouge, elle mélange les cadres. Elle utilise une narration interactive tout en cherchant à immerger physiquement le spectateur dans une fiction.
Cependant, cette installation artistique pose ses propres limites. Contrairement à des attractions comme Star Tours qui plongent le spectateur dans un environnement immersif[73] pensé pour intégrer les visiteurs dans l'univers de Star Wars[74] (grâce à des décors physiques et des simulateurs de vols), UNAI Le Piranha Rouge ne dispose pas d'un décor complet ni de tous les ressentis sensoriels nécessaires pour une immersion totale (par faute de moyen). Par conséquent, l’expérience repose davantage sur l’imagination du spectateur et sur des mécaniques narratives qui doivent compenser ces absences.
Dans un univers fictionnel, le cadre intradiégétique est l’ensemble des règles, lois et vérités qui régissent ce monde.
Mais que se passe-t'il si la caméra n’existe pas dans ce monde ? Que se passe t’il si les mimèmes[75] visuels (plans, cadrages) et auditifs (musique, effets sonores) que produit la caméra n’appartiennent pas à la diégèse ?
Dans ce cas, tout ce que nous percevons comme spectateur ne peut être présenté comme une "vérité" au sein du monde fictif. Cela signifie que les éléments visuels ou sonores que nous considérons comme donnés – par exemple, un paysage que nous voyons à travers un plan large ou une musique dramatique qui accompagne une scène – n’existent pas pour les personnages.
Ce décalage soulève des problèmes cruciaux : à partir de quel point de vue les vérités d’un monde fictionnel sont-elles énoncées ?
Si le monde diégétique ne possède pas de caméra, alors ce que nous voyons n’est pas une vérité du monde, mais une interprétation imposée par le médium. La caméra devient alors un vecteur extra-diégétique, un outil qui articule une lecture spécifique de la fiction sans appartenir à son univers.
Également la question du filtre se pose : à quel point la caméra peut-elle être soumise aux règles de l’univers qu’elle filme ? Pourquoi le rendu devient noir et blanc sur Fictiona ? Pourquoi le son est différent d’une planète à l’autre ?
Paquette-Bélanger ajoute des questions dans la balance, questionnant la vérité du point de vue de la caméra en tant que personnage fictionnel conscient.
“Si la caméra n'existe pas dans ce monde, les mimèmes visuelles et auditifs qu'elle produit non plus. Dans ce cas, comment peut-on identifier le monde à partir duquel les vérités à propos d'une fiction filmique doivent être modélisées ?”[76]
Et ce filtre est-il pertinent dans le cadre d’une expérience immersive ? Après tout, pourquoi dépeindre un univers coloré dans mon expérience immersive si elle est située entre une statue de marbre et une exposition de photographie noir et blanc. Ainsi combien d’interférences peuvent altérer la perception de mon récit en dehors de sa conception ?
La fiction de mes univers est confrontée à leur propre style graphique, à leur sound design, à leur direction artistique. Mais c’est grâce aux limites de mes compétences (et financières) que je parviens malgré moi à donner une pâte unique à mes productions.[77] Cette touche unique naît en réalité de mes difficultés techniques et cet ensemble de dispositifs apporte à l’ensemble une certaine “pâte indé”, comme l’étaient les productions réalisées sous Flash au début des années 2000.
En fait, je pense que le mauvais dessinateur peut illustrer d’excellentes bandes dessinées, tout comme le pire directeur de la photographie peut faire une super réalisation. Je pense que le pire écrivain peut être un auteur incroyable. Parce que la créativité naît de la contrainte. Et c’est parce que je ne suis pas un bon animateur 3D que mon projet a un trait attachant. J’ai envie de jouer sur cette dimension dans mon travail. Et plus encore dans une période ou la machine fait un travail qui tend vers le parfait.
Finalement, l'imperfection inhérente à la main humaine fait de l'imprécision le cœur du dispositif narratif et esthétique.
4.3. La place de la soft science-fiction dans mon univers fictionnel
Quelle science-fiction est utilisée dans l’univers de UNAI ?
UNAI ne s'inscrit pas pleinement dans le genre de la science-fiction prospective, mais il en emprunte une pléiade d’éléments comme cadre narratif et esthétique. Au lieu d’explorer les avancées technologiques ou des futurs plausibles, UNAI utilise les figures et les codes visuels de la science-fiction prospective (vaisseaux spatiaux, voyages interstellaires, mondes inconnus et créatures alien) mais aussi les codes narratifs.
La science-fiction imagine des réalités alternatives basées sur des hypothèses scientifiques, technologiques et sociales. Elle explore les “et si ?” pour apporter une réflexion sur l’avenir de l’humanité. De cette narration spéculative naît un rapport de force entre projection dans le futur et ancrage dans le présent.
Mais si la science-fiction nous projette dans un futur lointain, dans des réalités parallèles, des univers alternatifs ou des passés fantasmés, elle peut parfois se muer en un espace d'expérimentation plus léger, où la plausibilité scientifique laisse place à l'imaginaire pur et au symbolisme poétique.
UNAI s’inscrit dans cette dimension d’extra soft science-fiction, un univers où la rigueur scientifique s’efface pour faire émerger un monde profondément poétique et fantasque. C’est un univers patchwork, où les symboles et les idées les plus inattendues trouvent une place et dialoguent entre eux. Dans cet espace narratif hyperactif et inclusif, les micro-ondes et les renards parlants ne sont pas des absurdités mais des éléments porteurs de sens, des métaphores qui invitent à des lectures multiples. Ils courent, s’affrontent et se croisent dans des récits qui oscillent entre un conte philosophique et l’absurde lyrique.
L’univers fictionnel s’inscrit dans le cadre d’une soft science-fiction, où l’imaginaire et la réflexion sur les thèmes humains, sociaux et philosophiques prennent le pas sur la rigueur scientifique. Mon approche s’inscrit dans une volonté de désacraliser les conventions narratives de la science-fiction classique et m’approprier ses règles pour bâtir mon propre univers.
UNAI devient une chambre d’enfant (remplie de jouets, de figurines et les posters s'accumulent sur des murs invisibilisés) dans laquelle la cohérence se lit au travers du prisme de l’enfant qui y joue.
Cet univers est enfantin, expérimental au sens visuel du terme : un jardin numérique[78], un agrégat de médias pluriels[79], un terrain de jeu imaginaire qui ne se limite pas aux lois de la physique ou aux contraintes technologiques. Ici les avancées technologiques et les mondes extraterrestres ne sont pas des fins en soi, mais des outils narratifs permettant d'explorer des questions sur l’esthétique de l’animation 3D et les dilemmes narratifs. Les paysages improbables, les lois physiques fluctuantes et les créatures fantastiques ne cherchent pas à simuler un futur plausible, mais plutôt à servir de miroir déformant pour mieux questionner notre réalité. En puisant dans les archétypes de la science-fiction tout en y insufflant une sensibilité propre au conte ou à la fable, cet univers propose une réflexion sur ses limites en tant que dispositif fictionnel, tout en restant accessible et ouvert à l’interprétation symbolique.
Ces éléments ne servent pas à ancrer l’histoire dans une réflexion sur le progrès scientifique ou les conséquences sociétales, mais à créer des situations où les personnages peuvent évoluer, où le monde devient un miroir des dilemmes humains. La SF ici devient un langage plus qu’un genre, un moyen de donner à l’imaginaire une forme compréhensible dans un contexte transmédia. L’anticipation devient alors purement centrée sur l’univers fictionnel.
L’application de la science-fiction dans un projet transmédia permet de souligner des questions esthétiques ou philosophiques tout en faisant de l’aventure un but commun à chacun des acteurs de l’histoire, quel que soit le support de diffusion.
Dans notre univers transmédia, le but commun se traduit par une envie commune des personnages et des spectateurs à devenir acteurs de l’aventure sur certains supports de diffusion de l’histoire :
- l’objectif de Unai et du Capitaine Keeper est de rejoindre le centre de l’univers dans le film.
- l’objectif des aventuriers est de piloter le Piranha Rouge pour rejoindre le centre de l’univers dans l’installation artistique
- l’objectif des joueurs est de déplacer le Piranha Rouge pour rejoindre le centre de l’univers dans le jeu de société
Ainsi quelque soit l'œuvre présentée, son dispositif induit un mouvement, une dynamique qui pousse une entitée extérieure à aller d’un point A à un point B. Ainsi dans l’univers de science-fiction, Unai peut utiliser le Pathfinder (A) pour calculer l’itinéraire, comme un outil capable de prédire l’histoire. En mêlant une notion purement futuriste (le GPS de l’espace) avec un univers fantasque, l’imprévu devient le cœur du voyage.
L’univers fictionnel de UNAI est pensé autour des notions de fatalité et d’impossibilité. En effet, quel que soit le support de diffusion, les aventuriers ont tous pour objectif de rejoindre le centre de l’univers, sans même pouvoir y accéder par leur propre moyen.
En réalité, la seule méthode permettant d’accéder à ce lieu est de se laisser guider par le scénario. Ainsi le film d’animation pensé autour de la métaphore déjoue son rôle spéculatif tout en s’affranchissant d’une forme d’autorité de l’auteur : les Wills (A) n’ont pas le dernier mot dans l’histoire qu’ils racontent.
- Quand Unai développe son Pathfinder dans l’ordinateur de bord du Piranha Rouge, ce dernier se montre défaillant : aucun programme n’est capable de trouver le chemin vers la destination voulue. Cette méthode est pourtant rationnelle et pourrait être plausible dans un monde réaliste.
- Quand Fabula veut user du pouvoir des Wills[80] et se laisser guider par Les Histoires de Par-Delà les étoiles, l'idée est rejetée car l’information transmise est inexacte et incertaine. Cette méthode est magique, spirituelle et trouverait son sens dans la croyance des personnages.
Au-delà du média filmique, l’installation Le Piranha Rouge et le jeu sur table BACKRUN demeurent condamnés à diriger les joueurs qui s’aventurent dans leur univers.
- Quand les joueurs déplacent leurs pions sur la grille du jeu de société, ils ont pour objectif d’atteindre le centre de l’univers en premier. Il s’agit ici d’une course compétitive dans laquelle la fin est connue de tous les participants : celui qui pose son pion sur la dernière cellule a gagné la partie.
- Quand les aventuriers du Piranha Rouge pilotent le vaisseau, l’intégralité du parcours est scripté, chronométré, découpé de manière à atteindre le centre de l’univers. Ici, si le temps donné est le même pour tous les joueurs, nous sommes face à une course d'obstacles.
Les scénarios de ces projets ont la même finalité inévitable, créant un sentiment de fatalisme.
Que ce soit au travers du jeu de société ou de l’expérience immersive, les joueurs et les personnages évoluent dans un cadre structuré où la fin de l’histoire, bien que déjà connue, devient un prétexte à l’exploration de l’itinéraire à suivre.
Ce principe de direction imposé par la nature même des dispositifs, dénote une dynamique où les protagonistes ne cherchent pas à redéfinir l’issue, mais à naviguer à travers les obstacles et les défis qui jalonnent le parcours.
Ce fatalisme, loin de rendre l’expérience dénuée de sens, en fait une réflexion sur la manière dont la narration se construit et sur la relation entre le joueur et la fiction. Bien que de forme différente en fonction du support, sa progression devient en réalité une expérience commune dans un corpus d'œuvres hétéroclites et pluridisciplinaires.
Que le pathfinder ou les Wills, aient la capacité de prédire la fin de l’histoire est un non sens, puisqu’un univers fictionnel est un petit morceau de l’esprit de son créateur. Dès lors, construire un univers fictionnel dans lequel l’imprévisible devient le coeur de son possible, couplé à un univers fictionnel à l’esthétique plurielle et à l’usage d’archétype narratif et émancipé de tout caractère projectif, permet de démontrer que la finalité du récit en tant que démonstration n’est pas indispensable au bon fonctionnement de la narration.
Ainsi, nous pouvons conclure que l’univers fictionnel protéiforme de UNAI est un dispositif pensé pour mettre en exergue les supports de diffusion en altérant et ré-écrivant sa configuration et son apparence en fonction du média utilisé.
4.4. Le logiciel numérique comme pratique de l’imaginaire
Comment peut-on inclure la figure de l’auteur dans un univers fictionnel en 3D ?
Au travers du logiciel d’animation 3D (outil de création numérique Blender)
L'outil Blender[81] n'est pas simplement un logiciel de modélisation et d'animation 3D. Il devient une fenêtre, un portail qui transcende les limites du monde réel pour offrir une vision immersive d'univers fictifs. Dans ce cadre, chaque scène conçue, chaque personnage animé et chaque texture appliquée, prend la forme d'une réalité alternative, structurée mais profondément malléable. Cette dimension technique se combine avec une réflexion narratologique : Blender n'est pas seulement un outil de création, mais aussi un catalyseur pour questionner la relation entre créateurs, spectateurs et personnages.
La fenêtre de travail de Blender agit comme un œil ouvert sur un autre monde. En manipulant des objets, des caméras et des éclairages dans cet espace virtuel, le créateur devient un architecte d’univers. Pourtant, dans cette dichotomie entre le monde réel et le monde fictif, une question fascinante émerge : et si les personnages de cet univers étaient conscients de leur propre fiction ? Dans ce cas, le créateur devient une entité divine, omniprésente mais distante, que les personnages pourraient percevoir comme une force mythique, un visage derrière l'écran.
Dans cette perspective, les personnages, tout en évoluant dans leur monde virtuel[82], pourraient développer une compréhension rudimentaire ou élaborée de l'existence d'Ego, une entité qu’ils interprètent comme un être mythique. Ego, incarnation du créateur vu à travers les caméras du monde virtuel, deviendrait une partie intégrante du lore (G) de leur univers. Cette figure de l'Ego pourrait être perçue par les personnages comme bienveillante, tyrannique, ou indifférente, en fonction des actions du créateur dans Blender : ajuster une lumière pourrait être interprété comme un lever de soleil, effacer un modèle comme une disparition surnaturelle.
En intégrant cette dimension au récit, Blender devient bien plus qu’un outil technique. Il s'agit d'un espace où les personnages fictifs, en prenant conscience de leur existence fabriquée, peuvent non seulement questionner leur propre réalité, mais aussi celle de leur créateur. Ce jeu narratif propose une réflexion profonde sur le rôle de la fiction elle-même : qui manipule qui ? Ego, en tant qu'incarnation du créateur enfermé dans une autre réalité diégétique, devient le miroir des dilemmes artistiques, une métaphore de la présence omnipotente de l’auteur dans son univers fictionnel. L’outil de conception du monde existe dans la narration au travers de la porosité entre l’usage du créateur et de son outil numérique et la narration née de la friction entre le monde possible et les limites de la technique donnant vie à l’image.
Cette démarche ne se limite pas à un exercice technique ou stylistique; elle redéfinit la relation entre le spectateur et l'œuvre imageant le réalisateur sous la forme d’un spectateur intradiégétique.
Au travers de l’incrustation virtuelle
L’incrustation sur fond vert (G), technique de cinéma emblématique, permet une transgression des frontières entre les mondes fictionnels et la réalité.
Lorsqu’un auteur s’introduit dans son propre univers, il établit un dialogue direct avec sa création, à l’instar des Alice Comedies[83] de Walt Disney, où l’animation et le réel cohabitent dans une harmonie ludique et innovante. Ce procédé trouve un écho contemporain chez des créateurs comme Hideo Kojima[84], qui intègre son visage modélisé en 3D dans ses jeux vidéo, brouillant la frontière entre l’auteur et ses œuvres.
De manière symbolique, l'auteur, tel un voyageur interdimensionnel, bondit d’un univers à l’autre, transformant l’espace fictionnel en un miroir de sa propre créativité, tout en invitant le spectateur à questionner sa place dans ce récit méta-réflexif : on appelle ce procédé “self-insert”.
En construisant UNAI dès le départ comme une jonction entre film d’animation et prises de vues réelles, je voulais me mettre en scène en tant qu’auteur et réalisateur. L’idée d’inclure le personnage de l’auteur qui embrasse également le statut d’un personnage de fiction (le Capitaine Keeper) permet de jongler de “je” dans les différentes formes que peut prendre le dispositif (vidéo essaie, fiction, expérimental, etc).
L’informatique graphique devient une source de fictions
La fiction peut émerger de n’importe quelle expérience de pensée, comme le souligne Nancy Murzilli : elle prédit et fabrique l’avenir en éprouvant ses hypothèses et en rendant leurs possibilités tangibles. La fiction son pouvoir prédictif, grâce à la conjonction que nous établissons entre ce qu’elle annonce et ce qui se réalise. Cette conjonction dépend de notre interprétation et c’est précisément cette ouverture interprétative qui fait de la fiction un terrain fertile pour l’imprévu.
“Que nous soyons nous-même l'auteur d'une fiction, qu'elle naisse de la consultation du tarot ou qu'elle soit l'œuvre d'un artiste, dans tous les cas, ces fictions prédisent l'avenir en même temps qu'elles le créent, puisqu'elles en éprouvent l'hypothèse et en fabriquent la possibilité". Mais ce qui transforme la fiction en une prédiction est la conjonction que nous sommes prêts à établir entre ce qu'elle annonce et ce qui adviendra. Cette conjonction n'est jamais préalable à l'interprétation de la fiction comme prédiction ou comme ce qui peut advenir dès l'instant où nous en faisons l'expérience de pensée.”[85]
Les capacités de prédictions offertes par les techniques aux personnages (les Wills pour Fabula, le Pathfinder pour Unai ou les blobs pour le Capitaine Keeper) deviennent en fonction du contexte des appels à l’action qui sont limités par l’état des technologies au fil du récit (le Pathfinder de Unai devient inefficace face à l’infinité des chemins possibles, les Wills transmettent des informations inexactes voire incomplètes, le Capitaine a consommé les blobs parce qu’ils sont des champignons). L’expérience du récit est partagée par les personnages qui disposent des ressources de prédictions nécessaires non seulement pour arriver au but, mais pour faire avancer l’histoire. L’informatique graphique en tant qu’outil technique est également une source de fiction.
Dans un contexte où l’outil informatique est au cœur de la création, chaque anomalie technique ou bug[86] devient une potentielle source de fiction.
Un bug dans un logiciel d'animation 3D peut être interprété comme un événement significatif, presque divinatoire par les personnages évoluant dans cet univers. L’interprétation de ces anomalies, que ce soit comme des signes du destin ou des faits arbitraires dépend autant de la logique interne de la fiction que de la perception du spectateur.
Les erreurs purement informatiques qui naissent d’un problème logiciel peuvent au mieux briser l’immersion dans un contexte de jeu vidéo et au pire empêcher le fonctionnement de l'œuvre. Dans un film chaque bug est en réalité pensé pour apparaître, étant donné que le support de diffusion est numérique et linéaire.
Cependant, dans un "monde-dispositif" où tout élément peut être un signal – du moindre détail visuel à un dysfonctionnement technique – l’interprétation devient un acte de navigation complexe.
Les personnages et les spectateurs doivent jongler entre une infinité de significations possibles, oscillant entre la tentative de donner un sens à l’anomalie et l’acceptation de l’insaisissable. Ainsi, ce procédé provoque une tension fondamentale entre, ce qui peut être compris comme un message et ce qui relève du pur hasard, rendant la fiction comme un miroir de notre quête de sens et une expérience d’incertitude partagée.
Et si un glitch (G) de Les Histoires de par Delà les Étoiles semble simplement porter un sens esthétique aux yeux du spectateur, un bug peut devenir un élément perturbateur dans l’installation artistique du Piranha Rouge. Les dysfonctionnements des textures deviennent partie de l’expérience, les erreurs de collisions font le gameplay. L’ordinateur devient jeu de tarot malgré lui et la fonction technique est réinterprétée pour inclure les imperfections de son esthétique technologique.
L’outil numérique et la 3D comme une porte d’entrée dans la fiction ?
L’informatique comme un portail vers une fiction.
“D’une armoire dans une maison de la campagne anglaise et ils se retrouvent dans le monde glacé de Narnia où ils aident le lion Aslan à défaire le principe du mal incarné par la sorcière; c'est aussi le héros du conte Jack and the Beanstak, qui grimpe le long de la tige d'une plante de haricot géante et découvre des mondes entiers sur les feuilles. On pourrait encore citer le cas des mythes qui reposent sur une division ontologique entre le monde du sacré et le monde du profane. Le point commun de tous ces exemples est le nombre limité des univers parallèles (en général deux), le caractère dangereux, voire scandaleux du passage entre ces mondes et sa restriction à certaines trouées dans l'espace et le temps.
Le troisième niveau, que j'appellerai cosmologie quantique alternative (ou plus simplement cosmologie quantique), propose un pluralisme illimité. Alors qu'au deuxième niveau, l'accès à des univers parallèles était restreint à certains lieux privilégiés de l'espace qui ne menaient chacun qu'à un seul univers, dans la cosmologie quantique la naissance d'autres mondes prend place à chaque instant du temps et chacun de ces instants produit une infinité de mondes situés dans leur propre espace-temps.”[87]
Françoise Lavocate développe la notion de "cosmologie quantique" en évoquant l’infinité de mondes parallèles. Là où les passages étaient auparavant limités à des portails uniques et restreints, ce paradigme propose une prolifération continue d'univers, générés à chaque instant dans un espace-temps propre.
Elle oppose cette notion au monde parallèle unique, accessible depuis un portail caché. Ces mondes parallèles sont connectés au notre par des passages secrets. Passages d’un monde à l’autre (un entre-monde), qu’il s’agisse d’une armoire menant à Narnia ou de la tige de haricot géante de Jack and the Beanstalk[88]. Cette frontière repose sur des points de rupture symboliques entre deux univers distincts. Ces récits, tout comme les mythes fondés sur la division entre le sacré et le profane, s'articulent souvent autour de lieux et de moments privilégiés qui autorisent cette transition. Cependant, la traversée de ce portail est presque toujours mise en scène comme une action périlleuse ou voire prohibée, soulignant le caractère transgressif et extraordinaire de ces voyages.
Pour mon projet de recherche-création, j'ai choisi de m'écarter de ces mécanismes narratifs. En effet, mon approche s'appuyant sur la suspension d'incrédulité[89] et l'immersion totale dans un univers fictionnel, il n’était pas possible de décrire le passage de notre réel à ce monde imaginaire. Après tout, l’installation immersive est décrite comme un vaisseau spatial et non comme un portail vers un autre univers.
Néanmoins, je considère que ce dispositif narratif aurait été pertinent dans le cadre d’une autre histoire ou dans la mise en scène d’un autre univers fictionnel. Finalement, je me heurte ici aux limites du transmédia : l’objet artistique est séparé de la fiction en elle-même. Et en gardant ses distances face à la diégèse, il redevient un système technique au service de la fiction, perdant son aspect mythologique pour reprendre son statut de support.
Pour mieux illustrer ce schéma de pensée, je vais évoquer deux versions de mon installation UNAI Le Piranha Rouge.
Borne d’arcade aux couleurs du vaisseau spatial | Cockpit de vaisseau spatial |
L’installation artistique raconte comment des joueurs sont aspirés par la borne d’arcade dans l’univers fictionnel pour accéder au centre de l’univers. | L’installation artistique raconte comment des visiteurs pénètrent dans le cockpit du vaisseau pour voyager vers le centre de l'univers. |
Le film raconte comment des personnages sont aspirés dans l’univers fictionnel et doivent accéder au centre de l’univers pour en ressortir à l’aide des personnages. | Le film raconte comment des personnages vont voyager vers le centre de l’univers pour sauver le monde fictionnel. |
L’approche est extra-diégétique, on intègre l’univers fictionnel par l’extérieur. Et l’usage du transmédia est ici natif, puisqu’on aperçoit directement le dispositif numérique dans le film. Un objet fictionnel et physique fait le lien entre la narration de film et expérience intéractive. La friction entre la “borne d’arcade vue dans un film” et la “borne d’arcade” est moindre. | L’approche est intradiégétique, on intègre l’univers fictionnel par l’intérieur en incarnant un personnage. Et l’usage du transmédia est appris, puisqu’on intègre le système narratif dans le cadre du dispositif numérique. L’objet vaisseau spatial est seulement partie de l’univers fictionnel, le visiteur étant conscient qu’il est en réalité dans une installation qui “ressemble” à un cockpit. |
Les deux idées illustrent une différence dans la manière d’accéder à la fiction, qui n’a pas le même impact malgré la similitude des méthodes de diffusion (un jeu immersif et un film). Les procédés narratifs sont en réalité aussi importants que leurs méthodes de diffusion puisque la posture de l’aventurier n’est pas la même. Il s’agit ici d’un exemple pour démontrer que dissocier l’avatar intra-diégétique de l’aventurier n’est pas toujours pertinent en fonction de l’univers fictionnel.
Dans UNAI permettre à l’aventurier de devenir pilote, pour s’émanciper de son rôle de joueur et devenir en plus spectateur-visiteur, lui permet d’embrasser un imaginaire qu’il peut combler avec les autres participants de l’aventure. L’expérience commune de ce jeu de rôle permet aussi d’explorer d’autres approches.
Françoise Lavocate évoque par ailleurs les usages de la fiction.
“L'utopie est une fiction alternative, qui tient du contrefactuel dans la mesure où elle construit un monde fictionnel qui aurait pu être réel si certaines caractéristiques du monde actuel avaient été différentes; significativement, elle est souvent, en tout cas dans la période moderne, associée à la satire, qui réfère elle aussi nécessairement à un état de choses actuel, ainsi qu'à l'allégorie.
Les mondes virtuels informatiques n'effacent pas la frontière entre fiction et réalité, mais rendent celle-ci particulièrement poreuse. La relation qui les lie organise maintes intersections et chevauchements entre les deux mondes.”[90]
Ici, la fiction est décrite avant tout comme un concept philosophique. Françoise Lavocate développe l’idée que la fiction est décrite par son but. Ainsi, la satire et l’utopie (et la dystopie) deviennent des fictions comparatives, le monde informatique devient une fiction interactive, la faction (fiction-action) devient une fiction illusionniste.
Ces différentes formes de fiction permettent de modérer notre rapport à la réalité réelle et à l'imaginaire en fonction de leurs logiques narratives et de leurs intentions. L'utopie, par exemple, se distingue comme une fiction spéculative qui projette une vision idéale du monde, souvent située hors du temps présent. Elle sert de laboratoire imaginaire pour interroger les limites de notre société et envisager des alternatives radicales. Loin d'être purement contemplative, l'utopie agit comme un déclencheur intellectuel, incitant le lecteur à réfléchir à ce que pourrait être un monde parfait (utopie) ou imparfait (dystopie).
La faction est une forme plus dynamique, souvent immersive, qui place l'individu au centre de la narration en le poussant à prendre une position active face aux événements. Ici, l'enjeu n'est pas seulement de contempler un monde possible, mais d'agir, d'interagir, voire de modifier le déroulement de l'histoire. Elle joue sur l'urgence et la réactivité.
Enfin, la fiction illusionniste tend à effacer les frontières entre réalité et fiction, souvent grâce à une esthétique hyperréaliste ou à des dispositifs narratifs sophistiqués. Elle invite le spectateur à se perdre dans un monde fictif qui semble pourtant familier, brouillant les repères traditionnels.
Dans ce cadre, UNAI semble davantage s'inscrire dans une fiction-action. Son parcours n'est pas celui d'un simple observateur contemplatif ou d'un personnage piégé dans une illusion narrative : le personnage est acteur de son monde. Son environnement interactif l'oblige à prendre des décisions qui modifient le cours des événements. Cette dimension participative lui confère une proximité avec la faction, où la frontière entre fiction et réalité s'amenuise à mesure que ses choix gagnent en signification. Cependant le personnage de Fabula semble percevoir son aventure de méthode passive : son but est de ne pas prendre part à l’action. Keeper lui, envisage son aventure comme une fiction illusionniste qui n’a d’autre but que de brouiller la frontière entre réalité et fiction.
De ce procédé narratif né une mise en tension entre les définitions de Françoise Lavocate qui questionne le but de la fiction dans un procédé multi-factoriel inhérent aux fonctionnements de systèmes informatiques.
L’ordinateur devient une manière d’accéder à la fiction sous une forme altérée et plus encore dans la mise en scène d’une installation interactive, ou le but est lui aussi altéré par le joueur lui-même : je dois faire un meilleur score que Nancy, je veux impressionner Vincent, je veux m’amuser avec mon petit frère, etc.
De la fiction naissent les fictions, des aventuriers naissent les buts, des diégèses naissent les conséquences.
Comment interpeller le monde possible avec la matière jeu vidéo ?
Le jeu vidéo en tant que matière dispose d’une grammaire spécifique qui structure les interactions, le rythme et la progression du joueur dans l’univers proposé. Ainsi, les méthodes de narration sont éprouvées en fonction des types de jeux que l’on conçoit.
On peut opposer deux manières de raconter des histoires, qui reflètent deux philosophies d’approche.
Le jeu narratif fait la part belle à l’histoire, alors que le jeu typé arcade est pensé comme un logiciel de divertissement, reléguant son récit au second plan et privilégiant une logique de rejouabilité immédiate. Dès lors, un système linéaire, souvent non rejouable, s’oppose à un système ludique centré sur l’interactivité, où les mécanismes d’action priment sur l’immersion narrative. Cette dernière approche tend à évacuer la relation profonde entre joueur et personnage, réduisant celui-ci à une simple interface personnalisable, sans véritable développement émotionnel ou symbolique.
Le jeu vidéo narratif est donc doté d'une structure standardisée alternant séquences de gameplay et cinématiques. Ces alternances créent un rythme spécifique et une attente mécanique de participation, de pause-récompense.
Dans le film UNAI de nombreux éléments viennent interroger cette dynamique, bien que l’œuvre s’inscrive dans un format linéaire. On y mobilise une grammaire visuelle empruntée au jeu vidéo : l’overlay de dialogues, l’apparition d’un curseur à l’écran ou encore la superposition d’éléments de décor simulant une interface. Tous ses signes donnent une illusion d’interaction. L’image est volontairement surchargée. On ne regarde plus passivement, on est invité à "jouer après-coup", à décoder, à reconstruire.
C’est dans ce geste même que l’on rejoint les théories des mondes possibles. Le monde impossible devient possible dès lors qu’il est activé par l’imaginaire du spectateur.
“Un monde possible est construit par l'auteur, et le lecteur le reconstruit en produisant une image mentale, dont il pourra faire un élément nouveau de son expérience – il pourra par exemple s'en souvenir, à la façon dont il s'approprie le monde réel et la multiplicité de ses espaces-temps.”[91]
Dans UNAI, cette reconstruction mentale prend appui sur des fragments narratifs éclatés – entre images, textes, interfaces et médiums différents. Chaque plan, chaque détail visuel peut devenir un building block narratif. En cela, le film rejoint la logique transmédia : un récit global éclaté entre plusieurs supports, que le spectateur-lecteur-joueur doit reconstituer. Ce n’est plus une destination qu’on suit, mais un territoire qu’on explore. Les théories des mondes possibles, en insistant sur la « totalité achevée » du récit et son potentiel immersif, éclairent ainsi la fabrique d’un film pensé comme univers.
“À la base de la sémantique des mondes possibles s'affirme une vision du texte comme ensemble de propositions décrivant un certain état de choses, totalisé, ordonné, autonomisé. La pragmatique de la fiction, de son côté, lorsqu'elle met l'accent sur l'imagination inductrice, se détourne de la question des mondes sans pour autant l'invalider; ce qui est distinctif de la fiction, posent par exemple Kendali Walton ou Jean-Marie Schaeffer, c'est un processus d'immersion, qui correspond au fait de nous plonger durablement dans un univers mental induit par l'activité de modélisation; mais les philosophies d'inspiration searlienne s'intéressent peu, en pratique, à cet univers induit, car elles se concentrent sur l'activité d'induction. C'est vers cet univers en revanche que la sémantique nous propose de nous tourner. En cela, les théories des mondes possibles”
Mais si UNAI en tant que film est abordé comme un jeu vidéo narratif émancipé de son gameplay, il était nécessaire de réviser la fonction de la cinématique dans la création de UNAI Le Piranha Rouge. En tant qu'installation artistique interactive, UNAI doit conserver une dimension filmique malgré le caractère “jeu vidéo” de son format. La modélisation de l’univers doit être repensée en conséquence.
Dans un gameplay fortement typé arcade, dans lequel le joueur pilote un vaisseau spatial, il devient nécessaire de lier les différents environnements parcourus au cours de la partie. On peut donc se questionner sur la manière d’entrevoir l’alternance entre gameplay et narration immersive.
Le jeu vidéo d’arcade alternant narration et interaction doit-il altérer son monde pour mieux s’approprier sa fiction ?
À la lumière de ces réflexions, la question de savoir si le jeu vidéo d’arcade alternant narration et interaction doit altérer son monde pour mieux s’approprier sa fiction trouve une forme de réponse nuancée. Dans les jeux de type arcade, traditionnellement centrés sur l’action immédiate, le récit circule sous des formes discrètes.
Cependant, la fiction et les règles sont les deux faces d’une même pièce; on ne peut les dissocier sans altérer l’essence même du jeu. Le monde ludique, même sans récit explicite, est porteur de significations implicites, souvent induites par le gameplay lui-même. L’usage d’un univers fictionnel comme vecteur d’informations implicites permet de construire une syntaxe secondaire, dédiée à la découverte d’une histoire.
“Aujourd’hui, le débat entre narratologues et ludologues s’est globalement apaisé et la plupart des chercheurs adoptent des positions plus nuancées : Jesper Juul – autrefois d’obédience plutôt ludologique – affirme ainsi en 2005, dans son ouvrage Half-real, que la fiction et les règles sont les deux facettes constitutives du jeu. La radicalité des deux conceptions rendait en vérité, les arguments intenables : différents travaux ont ainsi montré, depuis, que les éléments ludiques ont la capacité de prendre en charge une certaine forme de narration et qu’on ne peut réduire le récit vidéoludique aux seules séquences non interactives. C’est notamment le cas de l’analyse que propose Sébastien Genvo du jeu Passage (Jason Rohrer, 2007). En effet, bien qu’il ne contienne aucune indication textuelle ni aucune cinématique, ce jeu met en place une évolution narrative en représentant le passage d’une vie humaine. Les éléments de narration y sont donc pris en charge par le gameplay : le fait que l’espace de jeu ait la forme d’un bandeau horizontal et que la marche du protagoniste vers la droite entraîne la croissance d’un score incite le joueur à interpréter le mouvement comme une progression rémunératrice; s’il choisit d’avancer tout droit, il se retrouve face à un personnage féminin qui, après avoir été surmonté d’un cœur, se positionne à côté du protagoniste et se lie à ses mouvements (ce qui empêche le joueur d’atteindre certains endroits plus exigus); au fur et à mesure du temps de jeu, le bord droit de l’écran se rapproche des deux avatars et leur aspect évolue (ils vieillissent) : le fait d’atteindre cette frontière a d’ailleurs pour conséquence de mettre fin au jeu ainsi qu’à la vie des personnages, qui se transforment en tombes.”[92]
L’absence de texte ou de cinématique ne prive pas le joueur d’une expérience narrative : c’est précisément par la transformation du monde, par la spatialité contraignante et l’évolution temporelle des personnages que se construit un récit symbolique. L’altération du monde – à travers l’apparition de personnages, l’étroitesse de certains passages ou le vieillissement des avatars – devient l’expression même du récit.
Ce n’est plus la fiction qui guide l’interaction, mais bien l’interaction qui engendre la fiction. De même, la narration d’un jeu n’est pas toujours linéaire ni explicite, mais surgit souvent de la reconnaissance d’éléments intermédiatiques : les décors, les obstacles, les vaisseaux empruntent à un univers fictionnel. C’est alors la connaissance préalable d’une histoire qui permet au joueur de reconstituer une forme de récit. Les « éléments de narrativisation » sont alors des artefacts du gameplay, des fragments interactifs qui portent en eux une charge fictionnelle. Ainsi, altérer un monde de jeu – dans sa forme, son tracé, ses mécaniques – devient une stratégie de narration implicite : la règle du jeu devient fiction.
“Pour illustrer davantage ce phénomène, nous emprunterons à Sébastien Genvo un exemple qu’il tire du jeu vidéo Star Wars Episode I : Racer (LucasArts Entertainment, 1999), dont l’univers est calqué sur celui du film de Georges Lucas Star Wars Épisode I : La menace fantôme. Il s’agit d’un jeu de course de vaisseaux qui contient peu de récit à proprement parler (il ne représente pas une suite d’événements qui progressent d’un début vers une fin). Pourtant, ponctuellement, vont apparaître une série d’éléments (« la forme du tracé des courses, les obstacles proposés, les interventions ponctuelles de concurrents à certains passages du niveau, etc. ») qui, par renvoi intertextuel (ou plutôt intermédiatique), vont être porteurs d’informations narratives et vont ainsi produire, non un récit construit, mais un « sentiment de narrativité ». Dans ce cas précis, c’est principalement la connaissance préalable d’une histoire (celle de Star Wars) qui va « charger » de narrativité des composants relevant plus de l’interactivité que de la narration traditionnelle, comme les décors, les véhicules, les adversaires, etc. Ces éléments ludiques pouvant éventuellement prendre en charge une part de la narration – qui font donc la jonction entre narrativité et interactivité – sont nommés par Genvo des « éléments de narrativisation».”[93]
Pour UNAI Le Piranha Rouge, je mise sur l’absence de plusieurs personnages présents dans UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles car je considère leur absence comme une symbolique compréhensible par les aventuriers qui découvrent l’installation après le film.
La disparition d’un personnage leur permet de se substituer à la présence du pilote du vaisseau spatial – le Capitaine Keeper – pour s'investir dans le récit. Le visiteur devient acteur de l'œuvre, et la disparition d’un membre pilier de la narration sert son récit.
Cette dynamique rappelle le gameplay de Brothers : A Tale of Two Sons[94]. Dans ce jeu, le joueur contrôle simultanément deux frères à l’aide des deux joysticks de la manette : le joystick gauche pour l’aîné, le droit pour le cadet. Lorsque l’un des personnages meurt dans le récit, le joystick qui lui était associé devient inactif. Le joueur se retrouve alors à devoir continuer l’aventure en utilisant uniquement l’autre joystick, ressentant ainsi de manière sensorielle et corporelle la perte du personnage à travers une altération directe de la mécanique de jeu.
Si ici cette absence n’est pas causée par un récit tragique, elle reste néanmoins thématique puisque le joueur se substitue au Capitaine Keeper. Il lui prend donc son moyen d’interaction avec l'œuvre : son vaisseau spatial.
Cette intégration du joueur qui devient spectateur-acteur permet une dynamique nouvelle dans la mise en scène alternant cinématique tutoyant le visiteur et interaction typée arcade.
Codes et décodeurs narratifs
Un archétype narratif issu du genre de la science-fiction, consiste à introduire un personnage dans un lieu qui le définit et qui permet de mettre en avant le monde imaginaire duquel il appartient, pour mieux introduire le personnage en tant qu’individu autochtone de cet imaginaire. Ainsi, en définissant un personnage par le monde duquel il vient, on l’enracine dans un imaginaire endémique permettant de mieux le comprendre.
Ce moyen est un procédé narratif à la fois sonore et visuel, qui est utilisé dans le film pour le personnage de Fabula, ce personnage est introduit au spectateur sur Fictiona, la planète des scribes. Ce monde aux allures montagneuses et médiévales, est un lieu qui renforce son rôle d’écrivain.
En rendant cette scène en noir et blanc, j’illustre cette idée que Fabula vit dans un monde semblable aux pages d’un livre et par extension dans un univers qu’il contribue à créer.
Je veux ici introduire l’idée que les scribes font partie intégrante de l’histoire qu’ils racontent dans leurs chroniques, malgré leur fonction d’historien inscrivant Les Histoires de Par-delà les Étoiles. Finalement, utiliser une colorimétrie monochrome tout en ajoutant un bruit typique des images d’archives du début de l’audiovisuel permet de contraster cet incipit avec le reste du récit. Les personnages écrivent l’Histoire dans l’Histoire elle-même, d’une manière qui pourrait sous-entendre qu’elle pourrait être oubliée.
Le rôle de l'archive étant aussi une thématique qui a animé mes questionnements dans ma recherche-création, je reviendrai sur l’impact de l’archivage dans la manière dont je construis mon récit et la façon dont elle a dicté mes choix techniques.
L’introduction de Fabula soulève une question fondamentale : est-il un être de fiction malgré son rôle au service de la fiction elle-même en écrivant Les Histoires de Par-Delà les Étoiles ?
On peut d'emblée confirmer que Fabula est un être de fiction. Dans le récit il est un scribe, lui-même couvert de plumes, son outil d’écriture. Son statut d’apprenti Scribe de l’ordre de Fictiona lui donne pour mission d’écrire les Histoires chantées par les Wills, eux-mêmes des personnages relayant des fictions, mais d’une autre manière.
Mais si l’on veut pousser le raisonnement, de quelles fictions Fabula est-il l'auteur ? Se contente-il d’inscrire sa marque dans la fiction intra-diégétique (ses chroniques) quand il est amené à interférer avec l’histoire qu’il écrit ?
Ce questionnement devient plus complexe avec l’introduction de Keeper, un personnage qui avant de recevoir sa mission de Fabula, n’a pas de but précis.
Capture d’écran du film UNAI – Le monastère des Scribes – Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Capture d’écran du film UNAI – Fabula à l’écoute des Wills – Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Bien que Fabula initie l’action en annonçant la mission à Keeper, c’est Keeper qui, finalement, prend la décision de modifier l’Histoire en rejoignant le centre de l’Univers. Ce jeu de rôles réciproques et contradictoires, où l’un influence l’autre, est fondamental dans mon récit. Il permet d'alterner entre mysticisme (le chant des Wills), drame (l'anéantissement du peuple scribe) et comédie (Keeper missionné à son tour), brouillant les pistes pour le spectateur : qui est l’aventurier de ce récit ? Finalement, seul le spectateur a les réponses : cela dépend à quel point il a reconnu en Fabula son narrateur.
Pour mieux comprendre la fonction de Fabula dans le récit, il est indispensable d’insister sur le fait que ce personnage est avant tout une fonction (G) au sens mathématique du terme. En programmation fonctionnelle, une fonction est un objet capable de prendre des valeurs d’entrée (paramètres) et de renvoyer des valeurs de retour. Mais il est également possible qu’une fonction ne renvoie rien et se contente de modifier l’environnement dans lequel elle évolue.
De même, une fonction peut envoyer des valeurs sans prendre de paramètres d’entrée, ce que l’on appelle des getters (récupérateurs de valeur).
Dans ma narration Fabula agit comme une fonction qui, tout en étant passif dans son action, appelle d’autres fonctions comme sa rencontre avec Keeper, pour faire avancer le récit. Ces fonctions s’enchaînent jusqu'à l’acte final de l’histoire, comme une série de nœuds dans une structure dotée d’une infinité de paramètres et de conséquences sur le personnage lui-même, mais aussi sur les autres intervenants du récit.
Ainsi comme le décor et l’environnement d’origine du personnage jouent un rôle fondamental dans la définition de Fabula. Nous pouvons donc définir les éléments de son passé tout comme son lieu d’origine comme des paramètres de ce personnage qui influent sur son comportement, sur son caractère initial au début du récit. Sa confrontation indirecte ou directe avec d’autres personnages du récit en fonction de leur impact sur lui-même vont devenir de nouveaux paramètres qui vont influencer ses réactions. Ainsi, le personnage est lié à toutes les péripéties couvertes ou non par le film. Ces paramètres agissent telles des variables qui définissent la direction prise par notre personnage dans notre monde virtuel. Tantôt suiveur, tantôt attiré par un point précis, et enfin fuyeur qui se dirige vers la direction opposée d’un point. Le cheminement de pensée du personnage influence la direction prise pour son voyage. Pour Unai, le pathfinder est un outil technique, qui calcule et optimise son chemin dans l’univers. Ainsi, la croyance du personnage en sa technologie détermine aux yeux du spectateur une manière de prédire ses choix dans la suite du récit.
Escoffier-Ulrich Kouassi[95] le souligne dans ses travaux[96] sur la narration en science-fiction : le personnage doit être inscrit dans un espace qui explique ses réactions futures. Cette proposition théorique de l’espace est liée à la direction artistique : elle permet de donner de la crédibilité et du passé à notre protagoniste, tout en ancrant le récit dans une réalité cohérente au sein de l’univers fictionnel.
E-U Kouassi rappelle alors qu’il est indispensable d’inscrire un personnage dans son théâtre et plus encore dans une œuvre de science fiction où les planètes sont la justification des réactions à venir du personnage. La description du personnage passe par la mise en image et par la mise en scène et le monde devient matière narrative.
Ainsi, il convient de parcourir l’environnement dans un but purement exploratoire, dans le but d’exposer le passé d’un monde pour enrichir l’aspect thématique et narratif de la scène.
“La description est ambulatoire. Elle est liée aux déplacements des personnages. Le narrateur décrit d’abord le théâtre des actions, ensuite anonymement les silhouettes des personnages en mouvement; enfin, il les nomme. Ainsi, il y a, au détriment de l’action, une exploitation progressive de l’espace qui aboutit à une mise en mouvement du décor” (E-U Kouassi, 2023, p. 127)
Le mouvement est un élément central, il interagit avec la direction artistique, la mise en scène et la colorimétrie pour situer l'expérience visuelle dans un monde anonyme. La scène prend forme à travers des choix esthétiques qui, de manière progressive, révèlent la construction d’une réalité narrative.
Mais au-delà de la forme, la diégèse elle-même devient une construction dynamique : il s’agit d’établir une réalité cohérente dans laquelle les règles du jeu sont posées et respectées durant toute la durée de la scène. La diégèse est mise à l’épreuve à travers cette structuration, car elle doit rester crédible et internement logique.
“Sur un axe ornemental ou décoratif, les planètes pendulaires servent à présenter les personnages, les objets, les circonstances de l’action, les faits. Aussi, inscrivent-elles la fiction dans le vraisemblable dans la mesure où elles confèrent des contours de réalité au récit. Chez Bordage, les planètes sont conçues dans le moule de sociétés et de mondes possibles. Autoritaires, matrimoniales, technologiques, désertiques, hégémoniaques, etc, chacune d'entre elles reflète un type différent de société. L’espace imaginaire permet de saisir certains aspects des personnages qui l'occupent : leur statut social, leur psychologie et même leur idéologie. Symbolique ou emblématique, l'espace sert à traduire ou à fournir une explication sur le caractère de l’action” (E-U Kouassi, 2023, p. 130)
Les planètes, comme les espaces où se déroule l’action, jouent un rôle ornemental essentiel : elles reflètent les sociétés et les mondes possibles. Dans cette logique, la planète Fictiona n’est pas seulement un personnage, mais un révélateur des caractères et des idéologies de ses habitants. La conception de l’environnement permet d’apporter au spectateur une méthode de compréhension de notre dispositif au travers d’imageries explicites. L’espace imaginaire devient le moyen de comprendre les aspects psychologiques et sociaux des personnages dans le monde présenté. A travers cet agencement, l’espace narratif devient un vecteur de sens et un reflet des forces en jeu dans l’intrigue : le monde possible est un langage sémiotique[97] en lui-même.
Pour donner vie à ce monde, j’ai choisi d’apporter mon propre langage sémiotique : avec la volonté de m’approcher de l’image d’archive, j’ai ajouté du bruit artificiel et une certaine imperfection à l’image. Comme pour ajouter une distance avec le spectateur, à la fois spatiale bien sûr, mais aussi temporelle : le personnage devient un écho du temps, une silhouette d’une autre époque loin de nous. Finalement, mon objectif ici était de présenter les scribes comme un peuple d’historiens et eux-mêmes comme des figures historiques. Ici, l’animation 3D sert à produire des images d’archives d’une univers fictionnel, quand les images issues du rendu 3D sont dénuées d'imperfections visuelles.
Ainsi, l’introduction de Fabula sur Fictiona, cet univers de scribes, ne sert pas seulement à poser un décor, mais aussi à impliquer le spectateur dans une compréhension progressive de l’histoire, des personnages et des enjeux.
Construire un univers fictionnel autour de la fonction d’un personnage permet d’apporter un ensemble de signaux qui transforment la perception du spectateur. Ainsi en associant les Scribes à des moines évoluant dans un monde proche du Moyen-Âge, en intégrant des personnages dans des châteaux-forts et en présentant notre personnage comme un écrivain, je joue avec un imaginaire collectif qui permet de mieux situer la position du personnage, non seulement dans l’univers fictionnelle mais aussi dans la narration.
On peut affirmer que les mondes possibles sont porteurs de sens dans la narration, aussi bien visuel que sonore : la direction artistique anachronique, les décors et le design du monde fictionnel sont autant de langages qui permettent de transmettre une idée au spectateur.
Le Character Design permet-il d’entrevoir le rôle d’un personnage dans une fiction ?
Le designer de personnage[98] est un métier destiné à inventer et mettre en forme l’apparence d’un personnage fictionnel. Il s’agit d’imaginer à quoi un personnage va ressembler dans un film : sa physionomie, ses vêtements, ses objets, etc. Dès lors que l’on imagine l’esthétique d’un personnage de fiction, on commence par imaginer quels seront les attraits qui définissent le personnage dans l’histoire racontée. Dans le monde du jeu vidéo ce métier est primordial car il est l’un des piliers économique et culturel de l'œuvre proposée.
C’est à partir de l’ébauche des personnages (concept arts) que sont élaborés les modèles 3D, les capacités et le gameplay inhérent à ce personnage. Mais c’est aussi un métier qui est le plus amené à être au cœur des débats créatifs, techniques et commerciaux.
Le Character Designer a pour mission principale de créer un personnage qui s’intègre harmonieusement à l’univers de l'œuvre. Ce personnage doit être conçu en adéquation avec la direction artistique et technique de l'œuvre. Par exemple, un personnage qui utilise un pistolet doit impérativement avoir un holster à sa ceinture, tandis qu’un personnage portant un chapeau doit disposer d’une tête ou d’un accessoire qui lui permet de porter cet objet. Mais au-delà de ces considérations visuelles et fonctionnelles, le Character Designer doit également prendre en compte la dimension commerciale du personnage. Il s’agit de se demander si ce personnage sera capable d’attirer les joueurs, en les incitant à vouloir l’incarner. Il est aussi essentiel que le non-joueur puisse comprendre instantanément la fonction du personnage dans le récit. Enfin, il faut envisager si ce personnage a le potentiel de devenir un produit dérivé qui pourrait être utilisé pour générer des ventes supplémentaires (jouets, vêtements, etc).
Dès lors que l’esthétique des personnage offre des opportunités artistiques, elles peuvent également servir la symbolique au service du message du projet.
Dans l’art cinématographique, les insères sont des plans courts sur des objets qui permettent par la suite d'insister sur la présence de ces objets dans la suite du récit. L’usage de ses insères donne lieu à des archétypes narratifs, comme le fusil de Tchekhov[99] qui présente au début d’une séquence un objet qui à l’air anodin, mais qui se révèle être un outil narratif du film.
Dans UNAI, les insères font corps avec les personnages du film, ce sont des objets portés par les personnages en tant qu’accessoires, pensés comme partie intégrante de leur Character Design. Les marques distinctives que sont ces objets racontent une histoire et portent un héritage dans un contexte fictionnel : un personnage a-t-il le droit de toucher cet objet dont il ne comprend pas le passé ? Cet objet devient éruption de toute l’histoire[100] : pourquoi un enfant porte-t-il un pistolet disproportionné ? A-t-il le droit de porter cet objet ? Pour se défendre de quoi ? Fabula doit-il toujours transporter un parchemin avec lui ? Pourquoi porter du matériel pour écrire s' il ne l’utilise pas ? Au-delà d’un trait distinctif supplémentaire pour un personnage, son apparence permet également de signaler un changement au cours du récit.
Au début du film Les Histoires de Par-delà les Étoiles, les trois protagonistes sont vêtus de manière différente. À la fin du film, les personnages portent tous les trois une plume, et les personnages de Unai et Keeper sont vêtus d’une combinaison d’Aventuriers. Il s’agit donc de réunir les personnages par leurs apparences ostentatoires envers le spectateur.
Si les objets fictionnels sont un moyen narratif, ils sont aussi un vecteur de symbole qui joue et déjoue les codes archétypaux (le cow boy et son pistolet, l’écrivain et sa plume). L’insère devient permanent, omniprésent, indissociable du personnage qui en fait l’usage. Les seuls insères qui sont utilisés par l’ensemble des personnages durant le film sont les plumes. Elles servent à effacer et réécrire le contenu de l’histoire.
Le Character Design permet une réappropriation de la fonction narrative de l’insère sous le prisme du symbole et apporte une compréhension complémentaire au visuel qui découle du choix des personnages à l’écran.
4.5. L’omniscience technologique
La technologie en tant qu’outil de création d’univers fictionnel devient-elle une techno divinité ?
En utilisant la technologie numérique dans la création de mondes (Woldmaking ou Worldbuilding), on admet d’emblé que “le monde au travers de l'intermédiaire des outils qu'on utilise restreint notre champ des possibles. Et le vivant choisit l'impact du numérique sur son environnement”[101].
Ainsi, l’utilisation du numérique dans une œuvre d’art induit une utilisation de piliers technologiques sur laquelle l’artiste en lui-même se repose pour donner vie à son art. Il devient malgré lui développeur, amené à “forker”[102] son code et à construire de nouvelle brique technologique basé sur des travaux préexistants, souvent open-source et pensés comme des systèmes unitaires capables de résoudre une tâche donnée.
L’utilisation d’internet admet l'existence d’une infrastructure plus grande que l’artiste et que son œuvre, sur laquelle repose un aller-retour constant entre serveur et client. Dans le cas d’un site internet, un serveur web est appelé par un navigateur internet, puis renvoie un ensemble cohérent d’informations qui sera affiché sous forme de contenus multimédia par la machine.
Dans le cas d’un jeu de rôle massivement multijoueur, le système s’appuie sur un lien soudé entre le client et le serveur : une passerelle sur laquelle circule les données nécessaires qui permettent de transmettre à tous les autres joueurs la position d’un personnage, d’un antagoniste ou l’état d’une quête.
La fiction numérique s’appuie sur un hyperobjet, “un objet qui est permanent, la métaphysique qui nous est absente, dont l’intrication de tous ces supports et de toutes ces couches entre elles. Imbrications entre plusieurs strates. Morale et éthique peuvent être considérées comme des hyperobjets”[103]. C’est une entité qui “qui tout en étant là, nous paraît partiel dans son accessible et dans son fonctionnement”[104].
Ainsi derrière la web-série, le site internet, le jeu vidéo ou le jeu de rôle multijoueurs en ligne, du côté de l’artiste comme de l’aventurier, le visible de la fiction est en fait une infime partie de ce qui la constitue en tant qu’objet technique.
"Le numérique a un double : l'infrastructure électrique. Le rapport immédiat aux objets connectés (smartphone, ordinateur) invisibilise le continuum infernal d'infrastructures qui se cachent derrière : data centers, câbles sous-marins, réseaux de transmission et de distribution d'électricité. Alors que le numérique accompagne une électrification massive des usages, le système électrique dépend lui-même de plus en plus du numérique pour fonctionner. Pour comprendre ce grand système électrique et imaginer comment le transformer, il nous faut aller au bout des flux, là où se révèle la matérialité des machines et des câbles."[105]
En inventant un univers fictionnel au travers du prisme de nos outils, “on crée une noosphère[106], selon la pensée de Vladimir Vernadski[107] et de Pierre Teilhard de Chardin[108]. Le mot “noosphère” est dérivé des mots Grec ancien[109] νοῦς ("Noûs")[110], «l'esprit» et σφαῖρα (“sphaira”, «sphère»).”[111]
En construisant un projet artistique, il devient pertinent d’apporter une culture de la réflexion dans cet objet et plus encore dans la création d’un univers fictionnel. Ainsi dans l’univers UNAI, de nombreux éléments amènent une esthétique du sacré, de l’hyper-irrationnel dans un monde déjà irrationnel : quand un objet technique comme un micro-onde voit sa forme détournée pour devenir personnage, quand le chant des Wills est un chœur virtuel répétant frénétiquement une mélodie issue de l’épisode 11 de UNAI[112], laquelle était entonnée par des instruments de synthèse. Le synthétique revêt une forme organique mais conserve ses limites techniques, restreignant la place de la main (ou de la voix humaine) dans l'œuvre fictionnelle comme dans sa diégèse.
Les personnages, tout comme leurs créateurs, sont prisonniers de cet univers dans lequel un dieu peut détruire et reconstruire des éléments du décor. L’esprit du monde est décharné de sa matière dans laquelle la forme n’est qu’une variation entre le monde source et le monde forké.
Il existe déjà de nombreuses versions forkées de l’univers fictionnel de UNAI. BACKRUN[113] est tourné vers de la science fiction anticipative, tandis que BETACLE[114] est pensé comme une version médiéval fantasy de l'œuvre.
Cette idée de forker mes univers fictionnels est influencée par les univers de Mutafukaz[115] et du Krosmoz[116] des studios Ankama[117]. Ainsi, l’univers de la bande dessinée de Run construit un univers fictionnel de Scifi avant de se tourner vers le webstern dans Mutafukaz 1886[118].
Ankama a développé des jeux vidéo pensés comme des versions alternatives de son premier jeu vidéo, avec des technologies différentes ou des systèmes de gameplay (interactions ludiques) différentes[119]. De la même manière que la bande dessinée franco-belge, le jeu de rôle est aussi soumis à des dynamiques économiques de spin-offs, avec l’univers médiéval fantastique de Warhammer[120] qui s’orne d’une direction artistique futuriste et d’un univers de science-fiction pour devenir Warhammer 40 000[121].
L'expérience d'un aventurier qui consomme des univers fictionnels à travers différents dispositifs narratifs – d'abord sur Warhammer et Warhammer 40000, puis sur différents supports, comme le jeu Warhammer et le film Warhammer – transforme ses outils techniques en univers fictionnels. Ces derniers deviennent le seul lien entre deux œuvres de natures distinctes. Ainsi, les œuvres elles-mêmes se transforment en technologies qui, à une échelle industrielle, dupliquent malgré elles les écrits et les dessins de l'artiste, altérant ainsi le caractère sacré de l'original. Les images statiques, les musiques et les modèles 3D deviennent des œuvres autonomes, utilisées pour l'objet transmédia. Ces œuvres primaires deviennent alors la matière première du transmédia.
Le discours de l’artiste transmédia est démultiplié au fil des œuvres, au fil des copies et des forks qui viendront malgré lui compléter l'inarrêtable fiction qu’il s’est construit. Ainsi, l'œuvre devient vecteur de fictions qui provoque la critique, les rencontres, les questionnements, les influences des nouvelles productions inspirées par des corpus disparates. L’univers fictionnel quant à lui se complète et s’étend au fil des récits, augmentant les paysages de son monde. Une galerie de personnages apparaît au détour d’un nouveau niveau, le bestiaire s'agrandit au cours du voyage, le champ des possibles évolue d’un personnage à l’autre. Ainsi l’avatar offert par l’auteur à l’aventurier devient un nouveau point de vue subjectif sur le monde qu’il parcourt, il appartient à l’auteur de choisir l’incarné que suivra le spectateur, le lecteur, le joueur. C’est à partir des méthodes d’interactions du support de diffusion que naît un nouveau personnage, un nouveau Character Design, un nouvel objet qui adopte les œuvres primitives (modèles 3D, sons, images et toute création utilisable dans un jeu vidéo ou dans un film).
Par exemple, si je crée un jeu vidéo UNAI de type FPS dans lequel le but du joueur est de trouver le centre de l’univers en tirant sur des aliens, la forme du personnage et la direction artistique seront amenées à évoluer dans une direction tout autre. Ainsi, le personnage du Capitaine Keeper deviendra un avatar sans visage qui part à l’attaque des aliens quand Unai deviendra un personnage non joueur amené à avancer avec le joueur. Dans cet univers sombre, austère et délabré, Unai arbore une forme adaptée à l’ambiance de ce nouveau monde réaliste et Keeper devient dispositif de gameplay (le personnage qui porte son fusil) et spectateur (le joueur qui voit la scène en vision subjective des yeux de Keeper).
L’omniscience technologique de ce monde est illustrée par le vaisseau du Piranha Rouge qui devient un vaisseau abandonné dont nos deux personnages sont les prisonniers.
C’est ici que je m’oppose aux auteurs transmédia cités précédemment : l’intégralité d’un monde doit être modifiée en fonction du média et de l’histoire que l’on veut raconter. Et l’existence même des personnages est concise à leur objectif et à leur croyance : trouver le centre de l’univers. Ainsi le moyen d’accès à cette fin par le joueur (jeu de tir à la première personne sur ordinateur) conditionne la forme et l’esthétique du monde visité.
Mais l’omniscience technologique implique aussi des questionnements sur la durée de vie d’une œuvre et en quoi ces systèmes techniques opaques deviennent un frein à son existence.
Les Wills deviennent des techno-divinités, un dispositif renforçant la perméabilité entre le profane et le religieux dans l'univers fictionnel : ils sont la métaphore de l’appel de l’auteur, mentant ouvertement aux personnages et les guidant dans un murmure métaphysique.
Les Wills ne sont donc pas antagonistes ou adjuvants aux héros de l’intrigue. Ils dépolarisent l’action du paradis ou des enfers pour mieux raconter Les Histoires de Par-Delà les Étoiles aux vrais héros du récit : les aventuriers acteurs-spectateurs. Le surnaturel vient protéger le scénario avant de protéger le corps des personnages, qui deviennent des objets rebelles s'émancipant au fil du récit des techno-divinités auxquelles ils croient (Chants de Wills, Pathfinder et Blobs) pour se focaliser sur leur aventure.
Ainsi l’incarnation des choix n’est plus faite qu’au travers des outils usés par les personnages tels que les Wills, mais bien par les décisions qui naissent d’une concertation entre les personnages. Le Capitaine Keeper, Unai l'aventurier et Fabula le narrateur entrent dans une communion dans laquelle ils acceptent de s’aventurer au-delà des limites du scénario et du dispositif narratif pour devenir à leur tour les figures mythologiques de leur récit.
La techno-divinité est-elle condamnée à se tromper ?
Dans le film comme dans l’installation artistique, les Wills sont présentés comme des créatures métaphysiques et imparfaites. Dans le film, la transmission d'information entre les Wills et les Scribes est marquée par une perte d’information inévitable, où chaque message se déforme, se fragmente et perd en clarté.
Mais la déperdition du message n’a pas seulement lieu durant la communication entre les Wills et les Scribes. Le message est modifié par les Wills eux-même durant la transmission du message d’un lieu à l’autre de l’univers fictionnel. Ils sont à la fois commères, messagers, troubadours et divinités.
Finalement, les Wills sont à la fois écho et relais de la controverse, car ils modifient des passages entiers de l'histoire pour se concentrer sur une information peu importante aux yeux du spectateur, mais indispensable aux oreilles du scribe.
De cette distorsion émergent plusieurs religions distinctes, chacune interprétant des fragments complémentaires d’une même histoire originelle. Cette fragmentation évoque une esthétique glitch, où les failles et les erreurs deviennent des éléments narratifs à part entière, à l’image des premiers jeux en 3D[122] où les textures incomplètes, la pixellisation et les artefacts visuels trahissent les limites du support. Ces divergences interprétatives construisent un univers où l’histoire elle-même semble corrompue, altérée par le média lui-même.
Ces croyances, bien que divergentes dans leurs formes et leurs dogmes, s’avèrent être des excroissances convergentes d’une vérité partielle, façonnée par les biais de dieux mais aussi par les lacunes du support de diffusion de l’information et enfin par les reconstructions des Scribes.
Dans l’expérience immersive, les Wills incarnent le codeur de l’expérience, qui va développer son projet interactif de manière à adapter, reconstituer l’histoire racontée sans jamais réussir à construire le jeu tel qu’initialement pensé. Cette métamorphose inachevée de la matière numérique en expérience immersive devient elle-même une histoire mal finalisée mal retranscrite, car sujette aux bugs, aux limites techniques du support de diffusion.
La techno-divinité est présente dans ces deux exemples (les Wills dans la diégèse et les bugs informatiques hors de la diégèse), impliquant une élévation spirituelle de l’auteur dans un univers intradiégétique comme dans le réel et qui le condamne à faire face à son incapacité à raconter son histoire telle qu’envisagée. De ce fait, la techno-divinité devient une source d’échec dans la construction d’un univers fictionnel, car elle entre en collision avec la position intrinsèque de l’artiste : un outil nouveau dont les impacts dans l’histoire sont calibrés pour orienter notre scénario.
4.6. Devenir acteur technologique et s’émanciper du futur
Quelles sont les limites techniques et culturelles provoquées par l'omniscience technologique dans la création artistique ?
Quelles sont les méthodes choisies pour m’émanciper du futur ?
Au moment où j’écris ces lignes, je souhaite construire un logiciel de jeux vidéo en temps réel, capable de montrer la partie audiovisuelle et numérique de mon expérience immersive. A quoi bon construire un moteur de jeu s' il en existe des centaines sur le marché ?
Développer un outil informatique capable de donner vie à mes projets me permet d’une part de comprendre et d'appréhender le fonctionnement de cet outil et d’autre part de m'émanciper d’une partie non négligeable de l’industrie et de l’achat de logiciels chers. Une bonne connaissance des mécanismes des outils me permettra par la suite de comprendre les outils équivalents du marché.
Un logiciel construit par une société commerciale me permettrait de construire très facilement le projet de mes rêves. J’aurais l’ensemble des outils les plus performants du marché, les plus efficaces technologiquement parlant et je n’aurais qu’à payer un pourcentage de la somme gagnée à cette société.
Cependant, ces outils ne sont pas libres de droit. La structure qui permet aux logiciels de fonctionner n’est pas adaptée pour moi. Je suis dans un processus de création, de recherche, de conception itérative et d’archivage. Cette manière de consommer différemment l’outil technique m’empêchera par la suite d’avoir la possibilité de choisir la durée de vie de mon archive[123] après la fin de son usage industriel.
Par exemple, si je construis un jeu avec un logiciel commercial (le squelette technique), je ne pourrais pas le proposer aux archives de la BNF[124], car une partie de mon projet ne m’appartiendra pas. Ce qui est un problème dans la recherche universitaire et en recherche développement mais également sur le long terme dans une dynamique industrielle.
De même, me reposant sur un logiciel dont je n’ai pas les droits, je ne pourrai jamais présenter mon projet à des institutions d’archives : celles-ci pourraient être attaquées en justice parce qu’elles donneraient l’accès aux codes source et aux exécutables.
Dès lors, il ne restera que des images et captures d’écrans de cette œuvre dont l'existence pourra être effacée par la compagnie commerciale dont les archives et la pérennité logicielle n’est pas une préoccupation.
L’usage de ces outils techniques n’est aujourd’hui pas pensé pour la recherche.
Un autre point important de ce chapitre est le dilemme et de la controverse[125].
Il y a quelques années j’avais imaginé raconter une histoire d’une grande noirceur, bien éloignée des récits que j’ai finalement décidé de mettre en avant. Ces récits auraient été accompagnés d'images provocatrices et d'éléments visuels violents. La question qui s'était posée alors était : est il judicieux de créer des images avec des logiciels qui pourraient me censurer avant même qu'elles ne soient diffusées ?
Utiliser un logiciel commercial, c’est être soumis à des conditions d’utilisations opaques qui ne garantissent pas la pérennité de l'œuvre en tant qu’objet. Que ce soient des conditions techniques, morales (utilisation du logiciel à des fins légales). Une utilisation pouvant heurter les autorités ou le public pourrait condamner le projet sur le long terme. En effet, un outil technique numérique comme un moteur de jeu vidéo n’est pas seulement un outil de conception: c’est un squelette technologique sur lequel repose le jeu, un socle technique qui permet son exécution en tant que programme, son fonctionnement logiciel.
Ainsi, si je souhaite construire mon logiciel et m’appuyer sur des dispositifs ouverts sur lesquels je n’aurai pas à justifier le droit, c’est pour pouvoir faire exister mon projet sans limitation de temps et le construire sur des bases qui ne me censurent pas ni ne me brident.
Dans une époque aussi incertaine qu’aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de s’approprier ses outils, quitte à les reconstruire pour pouvoir s’exprimer de la meilleure des manières.
Je ne veux pas raconter une histoire qui ne pourra plus être jouée, parce que la technologie sur laquelle repose mon histoire interactive appartient à une compagnie qui vient justement de changer ses conditions générales de ventes, en déclarant fièrement : “désormais, vous paierez deux euros à chaque fois que vous jouerez aux jeux développés avec notre moteur”.
En approfondissant ce genre de réflexions, j’investis sur mes technologies et sur mon avenir. J’ai construit un dispositif pouvant être employé dans de futures histoires qui, je l'espère, seront encore plus graphiques. Si je construis aujourd’hui un système technologique, pensé pour faire fonctionner un univers dédié aux enfants, j’espère que ces enfants utiliseront par la suite ces mêmes technologies pour découvrir de nouvelles histoires qui je l’espère se confronteront à la controverse.
En fin de compte, derrière ma réflexion esthétique se dissimule aussi une silencieuse (r)évolution technologique, car j'étudie les façons dont je narre mes histoires pour mieux les raconter. À l’avenir ce seront les récits que je partagerai qui m’inciteront à mettre en lumière l'utilisation de mon outil créatif.
Après tout, c'est le propre du comédien : il n’a besoin que de lui pour exister. L’animateur a besoin d’un crayon pour dessiner. Alors Fabula devient comédien dans un monde où l’animation est le standard technologique. Et si Keeper s’affranchit de sa plume pour voyager dans cet univers, Unai semble en avoir cruellement besoin.
Devenir acteur technologique au sein de la diégèse d’une oeuvre transmédia, et devenir acteur technologique du système d’information donnant vie au média et à l’oeuvre est en fin de compte une pratique artistique et une pratique militante à l’heure ou les outils dépendent de l’instabilité des technologies et de leurs supports de diffusions.
À qui appartient un médium ? / À qui appartient le média ? / Est-ce une guerre d’appellation ?
Cette instabilité technologique et ce besoin de réappropriation de l’outil numérique est né de la tension entre média et médium. On considère comme médium le jeu vidéo, le cinéma ou la télévision quand le média est le jeu lui-même ou le film. Et il existe des médias supports d’autres supports. Ainsi, la chaîne de télévision et un programme de télévision sont tous deux considérés comme des médias[126]. “Le médium est le message”[127] quand le message est conçu pour le média. Cependant, il arrive que le support de diffusion d’une information soit considéré à tort comme un médium quand l’information est en réalité par un média.
Par exemple, une recherche Google est fournie par la société Google en tant que média, qui dispose de la capacité de choisir les résultats de recherche d’une requête donnée. Pourtant, Google est considéré comme internet, tout comme Facebook est considéré comme médium quand il est média[128]. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le propriétaire de Facebook, Meta, se considère comme une entreprise de commercialisation de plateformes (G). Ainsi, l’objectif est clair : devenir propriétaire du média (le logiciel Facebook et ses contenus), mais aussi du médium (la plateforme capable de créer, produire et diffuser le logiciel et ses médias). L’intention est de s’approprier un médium en devenant propriétaire des outils de créations, de production et de diffusion d’objets numériques.
La plateforme tend à devenir un hyper-objet (G) qui est le média, le médium, son architecture industrielle et ses outils de conception. Néanmoins, ces centralisations issues de dynamiques industrielles et commerciales résultent en l’homogénéisation de langages issus de nombreuses disciplines différentes. Par exemple, le terme réalité virtuelle désigne la technologie permettant de substituer la perception de notre champ de vision à l’aide d’un casque de VR, les yeux de l'utilisateur étant portés face à des écrans hautes définitions qui créent une illusion numérique, une réalité virtuelle.
Cependant, les standards de la réalité virtuelle sont-ils pour autant amenés à exister sous forme de casque sur le long terme ? Le terme de “réalité virtuelle” est-il pertinent quand on parle d’holographie, de vidéo-projection immersive ? Est-il pertinent d’opposer réalité augmentée(G) et réalité virtuelle quand ces deux procédés se superposent de manière similaire (regarder l’espace réel au travers la caméra du casque VR(G) est une technique similaire à cet usage via la caméra frontale d’un smartphone.
Finalement l'appellation d’une technologie est avant tout une vision politique (et commerciale). Le terme “jeu vidéo” a-t’il vraiment un sens quand certains objets dénommés ainsi n’usent pas de la vidéo dans leurs usages[129] ? De même certains jeux vidéo ne sont même pas interactifs, ou alors avec une interactivité restreinte dans leur usage (Desert Bus[130], Tamagochi[131], Cookie Clicker[132]).
Enfin, quid des jeux vidéo en tant que plateforme tels que Fortnite[133] qui permettent d’assister de manière virtuelle à des concerts, ou bien Second life[134] dont le cœur du gameplay réside dans l’interaction sociale entre les joueurs.
Enfin, le terme MMORPG (G) voit sa définition révisée ou remplacée par de nouveaux termes modernisés au service de la plateformisation des technologies à l’origine de leur fonctionnement : le métaverse (G) superpose des notions réelles et virtuelles dans un seul terme dans le but de devenir un médium aux yeux du consommateur.
Et cette guerre de l'appellation est conçue comme un combat pour l’appropriation de technologies numériques au service d’un mythe qui s’écrit lui-même.
4.7. Outil utilisé, réflexion sur la plume
En quoi l’installation artistique Le Piranha Rouge est-elle influencée par les méthodes de conception industrielles d'interfaces utilisateurs ? / Quel en est l’impact sur l’expérience vécue par l’aventurier ?
Quand on choisit de travailler sur un projet interactif, telle qu’une expérience immersive, un jeu vidéo, un site Internet ou une application pour raconter une histoire, on ne peut pas connaître à l’avance le profil de l’utilisateur qui utilisera notre outil afin de découvrir l’histoire que l’on veut raconter. Pour cela nous devons complémenter l’usage de la narration pour notre aventurier, sous une forme à la fois fantasmée et rationalisée.
Ainsi on crée dans le cadre de notre conception d’interface utilisateur, des personas et des expériences map qui vont nous permettre d’imaginer et d’anticiper l’usage de notre création par la création d’usages types imaginaires.
On peut ainsi imaginer l’utilisation d’un outil de génération d’idées sous forme d’expérience utilisateurs[135] prototype que l’on réécrit au fur et à mesure de la confrontation de ces idées.
Par exemple, pour l’expérience immersive, j’ai travaillé sur des fiches de personas, qui sont des personnes imaginaires qui pourront potentiellement être amenées à vivre mon expérience. Ainsi, je peux immédiatement cerner les limites du système d’interaction pour mieux l’adapter à un certain public. Enfin, l’utilisation d’expérience map[136] permet de cartographier l’usage de notre utilisateur face à notre production interactive. On peut ainsi imaginer différentes manières d’utiliser un même produit pour pouvoir challenger le design du projet interactif.
Ce système de confrontation d’idées a la volonté de démontrer que le design d’un objet artistique ou technique comporte des limites vis-à-vis de sa propre utilisation. Ici, on confronte notre idée à un public encore inexistant. Cette approche est davantage pensée comme un test dans une dynamique de consommation, dont l’objectif est de mieux comprendre la manière dont on va utiliser le produit. C’est par les détournements d’usages de notre œuvre que l’on va adapter son design en fonction des retours (feedback) de nos aventuriers et de notre audience.
C’est une méthodologie qui vient directement d’un processus industriel, penser de manière à tester l’accordance d’un produit à son époque, à son public. Anticiper les limites d’un design pour repenser ce dernier afin de s’accorder à la demande.
Mais en tant qu’artiste je souhaite m’émanciper d’une certaine manière, des processus industriels qui rendent, à mon sens, les univers fictionnels et esthétiques présentés à ce jour très consensuels.
Si j’ai l’impression que tout se ressemble dans notre industrie créative et culturelle et dans de très nombreuses approches des métiers artistiques, c’est parce que nous utilisons tous les mêmes procédés. Nous nous attachons aux mêmes outils, sans nous demander à quoi il sert et pire encore sans nous demander dans quelle démarche nous en faisons l’usage.
De la même manière, l’intelligence artificielle est utilisée massivement dans les studios de création, car elle permet d’accélérer le processus de production dans une logique mercantile. Heureusement, tous les studios n’ont pas cette démarche de réflexion. Pour certain, l’objectif premier n’est pas d’être compétitif dans leur délais de fabrication de création d’images, de génération de sons et de contenus audiovisuels.
Le monde de l’art n’a jamais attendu l’informatique pour essayer de mieux approcher son public. Il y a toujours eu des projections tests, des focus group et d’autres démarches visant à anticiper et comprendre la demande pour mieux produire une offre de divertissement.
Les méthodes de fabrication ont toujours été, malgré elles, inspirées par des processus industriels qui ont, entre autres, façonnés le monde du numérique.
Ainsi, il est difficile de ne pas parler du Piranha Rouge sans évoquer sa dimension interactive et numérique. J’imagine une attraction, une expérience immersive et je souhaite construire une aventure à la fois linéaire et interactive, même si cela signifie que le spectateur ne pourra pas rester aussi longtemps qu’il le voudrait.
En réalité, cette approche me semble davantage être un artifice, car je crois qu'il est difficile d’immerger pleinement l’utilisateur dans mon univers fictionnel à travers une expérience immersive, sans restreindre son temps d’engagement dans l’aventure. Après tout, il sera relativement aisé de percevoir les éléments qui soutiennent mon projet d’un simple coup d'œil, alors y rester après le game over…
Si je parle d’œuvres d’art, c’est parce que je suis disposé à présenter mon œuvre immersive d’une manière qui, même si le spectateur perçoit les mécanismes qui la sous-tendent, ne l'empêche pas d'être spectateur. En acceptant de dévoiler les outils techniques qui animent mon projet, je choisis de mettre de côté une certaine réserve vis à vis de mon art pour reconnaître mes propres limites. De son côté, le spectateur est invité à suivre la logique de ma démarche de recherche-création, tout en jouant avec sa propre suspension d’incrédulité.
Ici encore, je fabrique un processus esthétique qui prend en compte les méthodes de fabrication et de conception.
Le web comme portail d’entrée dans un univers transmédia
Dans le cadre de mes expérimentations artistiques, j’ai choisi de tester divers concepts narratifs à travers des prototypes de Recherche-Création. Ces derniers m’ont permis d’explorer non seulement de nouvelles manières de raconter des histoires, mais aussi de repousser les limites des différents médiums pour exprimer et visualiser mes idées. L'un des projets qui a marqué cette période d'expérimentation est UNAI Cosmopédia, un site internet conçu comme une véritable expérience web.
Ce projet s’inscrit dans un double objectif : offrir une porte d’entrée immersive dans l’univers fictif de UNAI et tester les potentialités narratives d’un site web en tant que médium. Cosmopédia n’est pas simplement un site d’information, c’est une exploration interactive de l’univers que j’ai créé. Codé en HTML, CSS et JavaScript, il intègre des outils multimédias afin de transformer la navigation en une expérience sensorielle et narrative. La bibliothèque THREE.js[137] a été utilisée pour intégrer des visuels en 3D, permettant une représentation dynamique et fluide des éléments de l’univers, tandis que JQuery[138] m’a permis de rendre l'interaction avec la page plus intuitive et dynamique, notamment en ajustant en temps réel certaines valeurs et éléments de la page.
L'idée derrière Cosmopédia était de créer un véritable ordinateur de bord du vaisseau spatial Piranha Rouge, un des éléments majeurs de l'univers UNAI. Ce site servait de carte interactive permettant à l'utilisateur de découvrir différentes planètes et lieux visités dans les épisodes précédents de l’histoire. Mais l’expérience ne s’arrêtait pas à une simple exploration géographique. Le site offrait aussi l’opportunité d’accéder à un journal de bord, où les personnages racontaient leurs aventures, leurs réflexions et leur quotidien. Ce journal avait pour but de permettre une immersion plus profonde dans l’univers de UNAI, en mettant l'accent sur la dimension intime et personnelle des personnages, bien loin des simples événements extérieurs.
L’un des défis principaux de ce projet a été de rendre l’interface sophistiquée et futuriste tout en restant compréhensible et accessible. L’idée était de créer une interface qui, tout en offrant une complexité visuelle et interactive, reste simple et claire pour l’utilisateur. Ce projet m’a permis de tester une forme de narration "fixe", en utilisant un objet – ici le site lui-même – pour raconter des histoires sur les personnages et leurs relations à l’univers fictif. Cosmopédia devient ainsi une sorte de « chroniques » des personnages, à la manière des Chroniques du Capitaine Keeper. L’idée étant d’introduire une forme de présence narrative : l’utilisateur n’interagit pas directement avec les personnages, mais rentre dans leur intimité et leur quotidien à travers les objets et les récits laissés derrière eux.
Ce concept de présence m’a permis d’expérimenter une forme de narration où l’on s’engage dans l’aventure non pas par un contrôle direct sur les actions des personnages, mais en suivant leurs traces, en écoutant leurs récits. Cela permet de tordre l’idée traditionnelle de narration interactive, où l'utilisateur prend les rênes de l’histoire pour la transformer en une exploration passive mais néanmoins engageante de l’univers. À travers ce projet, j’ai pu approfondir ma réflexion sur le rôle de l’utilisateur dans une expérience narrative et la manière dont les objets et les récits peuvent tisser un lien intime avec ce dernier, tout en restant ancrés dans la fiction.
Ainsi UNAI Cosmopédia n’était pas seulement un moyen de tester un médium web, mais également un terrain d’expérimentation de nouvelles formes de narration, en particulier dans un univers fictionnel riche où l’intimité et la présence des personnages jouent un rôle fondamental dans l’immersion du spectateur.
Cette expérience est accessible via le portail web dédié à UNAI[139], qui regroupe un ensemble d'expériences interactives. Par exemple, UNAI THEATER[140] permet de visionner les épisodes de la web-série UNAI. Il est intéressant de noter que le site officiel de UNAI adopte un design web moderne et consensuel, en parfaite adéquation avec les standards actuels d’internet, tandis que COSMOPEDIA et THEATER fonctionnent comme des outils expérimentaux, dépourvus de toute visée commerciale. Ainsi, en opposant l'expérience web narrative au site internet de la franchise, on met en lumière des objectifs distincts, qui ne s'adressent pas nécessairement au même public, et qui n’ont pas la même façon d’aborder la narration.
Enrichir le récit de manière passive
Enrichir le récit de manière passive, c'est miser sur la capacité du spectateur à découvrir une histoire non racontée presque cachée qui se révèle à lui à travers des indices et des éléments disséminés dans l'univers.
Un exemple pertinent de ce procédé peut être trouvé dans le jeu vidéo Portal[141] où, l'absence d'une histoire explicite et la disposition d'éléments cachés obligent le joueur à se plonger dans la logique interne du monde. Au début, le jeu semble au premier abord dénué d'intrigue. Cependant à mesure que le joueur progresse, des détails, des messages et des indices viennent éclairer un récit enfoui, intégrant une narration passive qui se dévoile progressivement.
De même, l'attraction Nautilus à Disneyland Paris[142], bien que dénuée d'une histoire claire et linéaire, se veut une expérience immersive où chaque recoin, chaque élément visuel et sonore ajoute à la perception d'un monde riche, vivant et organique. L'attention portée aux détails, même sans narration explicite, transporte le visiteur dans un univers où il fait lui-même les découvertes, renforçant ainsi la sensation de vivre un voyage personnel. Dans ce cadre, l'objet artistique devient plus qu'un simple décor : il est organique, comme s'il avait déjà vécu une vie. Abîmé par le temps, enrichi par les expériences, il gagne en authenticité.
Dans un univers d'esthétique enfantine, comme dans un conte d'aventure, ce processus devient un appel à l'imaginaire, non seulement pour l'enfant, mais aussi pour l'adulte qui, par le biais de son esprit critique et de sa curiosité, ravive son enfant intérieur. Ce passage, ce déploiement progressif du récit à travers l'expérience sensorielle et interactive, permet au spectateur de quitter le simple rôle de l'observateur pour entrer pleinement dans la diégèse, devenir acteur de cette transformation émotionnelle et cognitive. En fin de compte, l'objet artistique et l'univers fictionnel ne sont plus de simples entités fixes, mais deviennent des espaces mouvants où le spectateur, à chaque étape de son immersion, voit son rapport à l'œuvre et à la narration se métamorphoser.
Cette vision abstraite de l'immersion, avec une occultation de la narration qui fait appel aux sens du spectateur, a profondément influencé mes projets interactifs comme le Piranha Rouge et Cosmopédia.
4.8. L’animation 3D en tant que chambre d’enfant
Comment la métaphore conceptuelle peut-être utilisée dans un film d'animation ?
La théorie de la métaphore conceptuelle (CMT) soutient que des schémas imageants comme le Source-Chemin-But (SPG) sont essentiels à la cognition humaine. Selon cette théorie, le SPG ne se limite pas à structurer simplement le mouvement physique mais sert également à comprendre des activités intentionnelles, telles que les quêtes et la narration d’histoires. Le schéma SPG peut être vu comme une représentation mentale fondamentale qui aide les individus à organiser et à interpréter les expériences[143]. Par exemple, dans une histoire le "source" pourrait être le point de départ du personnage, le "chemin" représenterait les obstacles et les décisions et le "but" serait l’objectif à atteindre.
Appliqué à l'animation, ce schéma narratif est particulièrement pertinent, car il permet de structurer visuellement les actions et les intentions des personnages à travers leurs déplacements, leurs interactions et leurs objectifs. L'animation exploite ainsi de manière efficace le schéma Source-Chemin-But (SPG) pour guider le spectateur dans la compréhension du parcours narratif, tout en renforçant la dimension symbolique de chaque étape de l’aventure comme, la quête physique ou émotionnelle du protagoniste. Par cette approche, l’animation peut véhiculer des récits complexes et nuancés en simplifiant les dynamiques de mouvement et de progression, tout en offrant une multitude de possibilités expressives visuelles.
“The medium of animation is ideal to explore the SPG schema. In the first place, animation expresses characters and events in a more stylized manner than live action film. As one manual puts it, “animation is an exaggerated impression of the real world” (Beckerman 2003 : 100). In animation there is typically no pro-filmic reality, and thus everything has to be artificially made : visuals, sound, music, language. Since it is also highly labor-intensive to produce animation – particularly in its pre-digital varieties – its makers have presumably made their choice for every single frame after careful consideration. For this reason, we can assume that animation (like comics : see Forceville 2005; Forceville et al. 2010) is a good medium for tracing cognitive models such as the SPG schema.”[144]
Dans mon univers fictionnel, j’ai choisi d’appeler mes aventuriers les Backrunners. Le nom est pensé pour montrer qu’ils reviennent toujours à un point de départ, mais déplacé vers leur source.
Ainsi dans le scénario du film, Keeper est réticent à se lancer dans une aventure, alors qu’à la fin du film tout invite le personnage à revivre de nouvelles fictions (tout comme pour les autres personnages).
Dans Le Piranha Rouge, les aventuriers restent littéralement au même emplacement du début jusqu’à la fin de l’expérience. Ainsi, même s’ils restent physiquement statiques durant le vol virtuel que leur fait vivre l’aventure, c’est le dispositif qui les fait avancer virtuellement.
De la même manière la lecture d’un livre ou la consommation d’une fiction est comparable à un vol, dans laquelle le narrateur-pilote[145] transporte son lecteur dans un Vol de Nuit[146] dans une narration remplit d’ “Interventions de réalités surnaturelles, d'éléments féeriques, d'opérations magiques, d'événements miraculeux”[147].
L’univers fictionnel du Petit Prince de Saint-Exupéry est un outil efficace qui utilise les éléments de sa diégèse comme outil réflexif au service de son narrateur. Ses personnages et les univers fictionnels sont dotés d’un pouvoir capable d' “ébranler le pouvoir autoritaire d'un roi, la prétention d'un vaniteux, l'échec d'un buveur, la stérilité du métier du businessman, la science morte d'un géographe, l'aliénation d'un allumeur de réverbères ou l'agitation d'une planète terre”. À l’aide de ce dispositif réenchanteur, Saint-Exupéry “communique un point de vue sur le monde, s'efforçant beaucoup moins de développer notre imaginaire que d'éveiller notre esprit critique”[148].
En développant UNAI sous la forme d’un conte audio destiné aux enfants, j’ai rencontré un nouveau problème inhérent à la manière dont on raconte l’histoire. En effet, un conte pour enfant ne peut pas tout montrer, tout dessiner.
Le scénario des Histoires de Par-Delà les Étoiles est ré-instancé dans une narration épurée et accessible. Cette approche a néanmoins conduit à une réduction de la densité narrative, imposée par les contraintes du médium et de son public cible. Loin de l’abondance descriptive d’un roman ou de la richesse visuelle du cinéma, le conte audio exige une structure linéaire basique, écourtée, favorisant l’efficacité du récit au détriment de l’expansion de son univers et de ses notions diégétique.
Ce passage à un minimalisme narratif centré sur des archétypes entraîne une perte de matière littéraire et une atténuation de la complexité interprétative. En cherchant à restituer l’essence du récit initiatique, une confrontation aux contraintes du conte a lieu (en tant que support de diffusion). Ainsi, le degré d’élaboration possible se restreint et l’imaginaire doit alors se construire dans les interstices du texte : à travers ce qui est suggéré avant d’être directement exposé.
Cette expérience met en lumière une réflexion plus large sur la relation entre médium et densité fictionnelle. Chaque format (qu’il s’agisse de la forme narrative du conte, de la forme esthétique d’un scénario filmique ou de la superposition d’informations littéraires et graphiques dans la bande dessinée) détermine aussi la profondeur et la richesse du récit. Elle influence ainsi sa réception et son interprétation.
L’équilibre entre accessibilité et complexité, entre matière épurée et profusion d’information devient un dilemme dans la transposition d’un univers transmédia d’un support à un autre.
Toutefois, cette réduction apparente de la complexité n’implique pas nécessairement un appauvrissement du récit.
Au contraire, le conte court destiné aux enfants s’avère être un puissant catalyseur d’imaginaire, précisément en raison de son incomplétude. En laissant volontairement des interstices narratifs, l’auditeur – qu’il soit enfant ou adulte – est invité à mobiliser son propre bagage symbolique et émotionnel pour combler les zones d’ombre du récit.
Cette approche convoque une forme d’interrogation de la fiction, où chaque spectateur devient chercheur, projetant ses propres références et aspirations dans l’univers suggéré. Dans cette dynamique, la suspension d’incrédulité devient un véritable outil d’appropriation, essentiel à l’immersion.
Plutôt qu'une absence d’information devienne une pièce manquante du puzzle, elle devient finalement une pièce maîtresse dans l’interprétation de l’univers fictionnel. Le spectateur cherche instinctivement les réponses dans d’autres médias, dans la continuité du projet transmédia, ou encore dans son propre imaginaire, prolongeant ainsi l’expérience bien au-delà du support initial.
L’aventurier prend part à une nouvelle recherche-création dont il est le héros et l’auteur, en s’affranchissant des pièces qu’il n’a pas encore découvert.
L’adulte insuffle une complexité au dispositif ludique, structurant l’expérience et guidant l’exploration. Il devient maître du jeu, architecte des règles et des mystères à déchiffrer. Ainsi, il initie une quête où l’enfant intérieur est libre de voyager, de rêver et de reconstituer le récit à travers son propre prisme.
Sa compréhension du film d’animation est constamment altérée par les sous-textes qui sont transmis par les supports de diffusion. Ces derniers, qu'ils soient technologiques, esthétiques ou narratifs, offrent une nouvelle couche de signification, enrichissant l’expérience sans jamais en dévoiler toute la profondeur. L’adulte, tout en maintenant une distance critique, est sans cesse confronté à une pluralité de lectures qui fait écho à ses propres perceptions et préjugés.
Le jeu devient une forme de métadiscours, un processus réflexif qui invite à reconsidérer la nature même de l’histoire racontée, tout en permettant au spectateur d’y trouver sa propre interprétation, à la fois en tant qu’enfant et en tant qu’adulte.
On retrouve dans UNAI la naïveté de l’enfant face au danger. C’est un thème qui m’est récurrent puisqu'il est issu de l’une de mes références : Le Petit Prince de Saint-Exupéry[149]. En effet, l'œuvre se sert de son point de vue enfantin pour décrire des successions d’actions sans jamais avoir à justifier le passage d’un lieu à l’autre, d’une notion à l’autre. Unai vit une citation similaire thématiquement à celle issue d’une autre production et bien qu’il se trouve dans une situation bien plus difficile à vivre, il surmonte l’adversité sans se préoccuper de son passé, de ses échecs, de ses cauchemars.
Anne-Isabelle Mourier[150] décrit cet archétype comme un schéma au service de la narration.
”Puis, par un rythme ininterrompu prenant au jeu son lecteur, lui faisant oublier toutes ses préoccupations, le narrateur multiplie les fins de chapitre consacrant l'échec de la rencontre et motivant alors une nouvelle attente dans le chapitre suivant qui répète le précédent. Le lecteur n'a aucun répit dans sa découverte de la vacuité du monde ”[151]
“Tout ce qui ne tue pas vous rend plus fort”. Répéter des situations pour mieux anticiper le futur. S'entraîner pour devenir meilleur. Le Mythe du héros fait de notre personnage un outil narratif dans lequel il grandit dans une succession de fictions qui nous permettent d’entrevoir l’évolution d’un personnage, dont la destinée n’a d’autre fin que le dernier chapitre de l’histoire. Comme l’écrit Julien Cueille, il est difficile d’entrevoir une identification à un personnage sans évolution véritable :
“Enfance de l’art ? En tout cas, il semblerait que le schéma initiatique, si constamment présent dans ce type de récits, ne soit pas quelque chose à quoi l’humain, même désenchanté, puisse facilement renoncer. Que la littérature, ou l’expérience esthétique en général, ne s’y réduise pas et n’y trouve pas son compte, est une certitude. Pour autant, cette composante narrative et mythique est essentielle, en ce qu’elle permet les processus d’individuation et d’identification du sujet dans un espace de croissance psychique, celui d’une initiation.”[152]
Cependant, il est important de rappeler que les histoires qui font le cœur de notre récit ne sont pas toujours celles exprimées de manières explicites par notre créateur. Et cette esthétique de l’enfance mêlée au rite initiatique est inconsciemment partie de la culture du game design. Dans le cadre du jeu vidéo, c’est l’affordance naïve qui pousse le joueur a échouer puis a réessayer sans impact en dehors de l’objet ludique: contraindre le joueur à grandir par l’échec est la même fonction que de contraindre un personnage à grandir par l’obstacle.
“Malgré les puissants obstacles auxquels héros comme auteurs et publics se trouvent confrontés, la dynamique fictionnelle amène donc, dans certains cas, une création narrative. De même que la pratique du récit de vie permet un recul réflexif sur son expérience, qui aide à renouer les multiples fils sociaux et psychiques et à dénouer les nœuds (Gaulejac, Legrand, 2008; Gaulejac, 2020), le récit de fiction devient un support pour mon propre récit subjectif. Il ne faudrait pourtant pas réduire ce travail psychique au seul travail narratif : ce n’est souvent un récit qu’« à la limite ». Mais ce sont bien les forces de création, celles de l’amour, de l’Éros (platonicien ou freudien) qui sont à l’œuvre : Éros dont, nous le savons, les principales caractéristiques sont d’unifier, de tisser du lien, de re-lier. D’unifier le temps (Fournier, 2019); de tenter de s’unifier soi-même et, simultanément, de se relier à autrui.”[153]
Si les personnages comme les aventuriers se dotent du même itinéraire pour leur voyage initiatique, les paysages diffèrent, mais la destination ne change pas. Anne-Isabelle Mourier critique l’esthétique de l’enfance du Petit-Prince, argumentant que la structure narrative de son récit est pensée comme une suite de rencontres naïves, sans matières et dont la lecture est au service d’un monde vide.
“Comme Voltaire, Saint-Exupéry montre plus qu'il ne démontre, affectionne la narration. Le thème du naïf, largement réexploité, impose un regard venu d'ailleurs, prompt à s'étonner de ce qu'il ne comprend pas, devenant alors loupe. Parce que le naïf décrit, sans en analyser les raisons, les modes de vie rencontrés, les personnages croisés sont réduits à des gestes ou des faits et deviennent absurdes ou ridicules. Il schématise ainsi les personnages qui deviennent fantoches, images de l'inanité de leur condition. Puis, par un rythme ininterrompu prenant au jeu son lecteur, lui faisant oublier toutes ses préoccupations, le narrateur multiplie les fins de chapitre consacrant l'échec de la rencontre et motivant alors une nouvelle attente dans le chapitre suivant qui répète le précédent. Le lecteur n'a aucun répit dans sa découverte de la vacuité du monde.”[154]
Je ne suis pas d’accord avec l’idée qui consiste à dire que la mise en scène d’un univers fictionnel est moins importante que la démonstration tacite dudit univers. En effet, il s’agit ici d’une illustration qui sert à la fois de mise en abîme (la représentation du monde fictionnel sert à mettre en exergue les dialogues entre les personnages) tout en apportant un argument complémentaire implicite à la situation présentée. Nous sommes ici dans un aller-retour entre la forme de la fiction (sa diégèse, sa mise en scène) et la narration explicite. Et la forme et le fond s’enrichissent mutuellement au gré des voyages et des dérives.
Les personnages du Petit Prince, comme les aventuriers de UNAI, dérivent dans des univers qui ne leur ressemblent pas et dans lesquels naissent des situations impromptues et des questions parfois sans réponses.
Unai et Fabula sont des personnages candides, curieux et qui subissent l’aventure sans jamais la critiquer ou la juger, puisqu’elle même archétypale. En donnant vie à des figures enfantines, le dispositif utilise l’esthétique de l’enfance devient un prisme ré-enchanteur, quand le point de vue de Keeper semble lui désenchanteur. Ces altérités de la magie donnent corps et matière au voyage, qui n’est qu’une translation virtuelle et symbolique dans le cadre du récit initiatique.
Cette stratégie narrative permet de confronter le monde des adultes et celui des enfants, dans lequel l’adulte de l’histoire semble enfermé tout en étant conscient d’en être le pilier. Quand l’enfant entrevoit l’univers 3D en tant que monde, l’adulte le voit en tant que système technologique. Ce processus ludique crée une dynamique où l’aventurier, pris dans un rythme répétitif et hypnotique, découvre progressivement la vacuité des structures et des valeurs du monde adulte, là où les vilains sont des gentils corrompus. L’esthétique de l’enfance n’est pas simplement une fascination pour le simple ou le naïf, mais un moyen de révéler par contraste, l’absurdité et la complexité d’une situation qui elle, est bien réelle.
De cette même idée, dans Storytelling for Earth Survival, Donna Haraway défend l’esthétique au service du propos. La dérive, une fois maîtrisée, devient une arme au service d’un raisonnement de recherche. Si une histoire n’a pas forcément de fin, son propos est à mettre en rapport avec la question proposée par l’autrice. Et ainsi, elle défend que “les histoires sont faites pour une audience”: pour captiver son auditoire, l’autrice qui devient protagoniste de l’expérience amène une sensibilité réflexive, dans laquelle les éléments du décor sont anthropomorphes, dans laquelle “un singe se prend en photo dans le miroir”, comme s’il était conscient d’être un être de fiction. Le lieu, les rencontres, les dialogues deviennent des outils au service d’un propos argumenté et dont la source devient l’anecdote, déroutée du réel, condamnée à devenir une fiction.
Dès lors, il ne tient qu’à l'aventurier d’y croire.
4.9. Comparatif entre film et jeu vidéo
L’objectif est de raconter une histoire à travers deux médiums différents afin de susciter la rencontre et l’interaction.
L’art ne doit pas être une expérience solitaire, mais un moment de partage collectif. Lorsqu’un public rit ou se moque d’une œuvre, cela devient un vecteur de connexion et d’échange, l’objectif est atteint.
E-U Kouassi décrit l’art comme un espace commun où, tout en étant physiquement réunis, les individus se retrouvent ailleurs, guidés par l’imaginaire. C’est cette expérience que l’on cherche à créer : une immersion collective, une exploration partagée. Un lieu commun, où on se retrouve ailleurs et paradoxalement dans un même endroit physique. Réunis par la fiction, éloignés par l’imaginaire.
“Ils sont plutôt des reflets de lieux référentiels projetés, comme au cinéma, devant les yeux des lecteurs qui sont invités à comprendre que le véritable bonheur réside dans la communion avec les autres. Pelletier semble dire la même chose lorsqu’il écrit que : Les mondes imaginaires établis par la fiction sont des objets de nos attitudes psychologiques sans qu’il soit possible d’interagir physiquement avec eux (…) [Ils] permettent aux consommateurs de fiction de consacrer une grande partie de leurs ressources cognitives aux tâches de simulation. (J. Pelletier, 2008) “[155]
Dans UNAI Le Piranha Rouge, l’objectif est le même que celui de UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles : rejoindre le Centre de l’Univers dans une course d’obstacles dont on connaît la durée, le but, mais pas forcément le parcours.
Dans la production de ces deux projets, la dynamique est commune avec le jeu de société UNAI. Si la fin de la partie est connue, quels sont les éléments esthétiques et narratifs inhérents aux médiums utilisés que l’on peut mettre en commun entre les deux œuvres.
Finalement, pour la création de ces deux œuvres, j’ai choisi de construire un dispositif partageant le même langage sémiotique tout en embrassant pleinement le support de diffusion de ces dernières.
Par exemple pour le Piranha Rouge, je voulais réaliser une création artistique inclassable : une installation immersive voulant tendre vers l’attraction et la narration multimédia. Doté d’un gameplay dédié au pilotage d’un avion (influencé par les jeux vidéo Star Fox[156], Pilot Wing [157]et Microsoft Flight Simulator[158]), pensé comme exposition narrative, à la croisée entre attraction et installation immersive.
Concept art – Parcours visiteur pré-show – UNAI Le Piranha Rouge
Tout d’abord, j’ai décidé d’altérer l’univers présenté aux aventuriers : dans l’installation artistique, la quête vers le Centre de l’univers est présentée par Unai. Le petit personnage pénètre dans la pièce et s’adresse aux aventuriers qui s’apprêtent à piloter le vaisseau spatial. Ici, Unai insiste sur le fait que le Capitaine Keeper n’est pas au courant que son vaisseau va être prêté à de parfaits inconnus.
Ainsi, on met l’accent sur deux éléments importants dans ce discours d’introduction : on brise le quatrième mur puisque la scène en 3D est projetée sur une surface blanche qui étend virtuellement l’espace dans lequel les aventuriers se trouvent. Ainsi, ils arborent une position de visiteur dans un espace réinventé pour l’occasion. Ils sont aussi spectateurs puisqu’ils assistent à une projection de film.
Cette première projection a un but didactique puisqu’il s’agit en réalité d’une première approche des spectateurs aux règles de l’univers, mais aussi à l’univers fictionnel de UNAI. Le fait qu’un personnage fictionnel leur explique les règles de sécurité dans un tutoriel sur la séquence de jeu qui va suivre donne un rôle ambiguë à l’installation immersive et aux spectateurs-aventuriers-visiteurs et désormais apprentis pilotes.
Mais si le rôle de l'œuvre transmédia est aussi ambiguë que le statut des aventuriers, mon rôle d’artiste est aussi hyperactif. Je deviens à la fois réalisateur de film (dont l’oeuvre est projeté dans l’installation), architecte d'intérieur (en adaptant mon installation à l’architecture du lieu qui l'accueil), formateur et présentateur (dans l’écriture des dialogues de Unai et dans la mise en scène des “motion designs” qui s’animent autour de lui), et enfin game designer puisque la suite de notre aventure devient interactive. Mais si chacun de ces rôles est la clé dans la conception de mon projet, vous remarquerez que j’ai décidé de déléguer l’intégralité de ces activités à mon œuvre elle-même : ainsi, elle peut vivre sans moi et n’a pas besoin d’opérateur pour expliquer les règles ou pour interagir avec les joueurs.
En tant que comédien, j’ai également choisi de disparaître, au même titre que le personnage de Fabula. Ici mon personnage n’a pas de raison d’être puisqu’en réalité, Keeper est la présence de l’artiste dans l'œuvre. De même Fabula n’a pas besoin d’être inclus dans le récit puisque cette place est prise par les aventuriers eux-mêmes : ils deviennent personnages à leur tour, se substituant aux scribes et aux backrunners pour embrasser le temps d’un jeu de rôle l’imaginaire de mon univers fictionnel.
En faisant de notre aventure une expérience de jeu, les aventuriers sont amenés à faire les choix qui les amèneront au Centre de l’Univers. En fin de partie, ils pourront retenter leur chance pour faire un meilleur score. L’idée est la même que pour le film : la fin de partie n’est jamais un échec, mais toujours une victoire. Et devenir gagnant ou perdant n’est pas une fin en soit, car si toutes les fins se ressemblent, le cœur du dispositif est le voyage.
Pour celà, le parcours spatial du vaisseau est conçu ici aussi comme un amalgame entre de multiples styles visuels : on passe d’un jeu ressemblant aux vieux jeux des années 80 avec quelques pixels sur un écran, au cockpit d’un vaisseau spatial en 3D avec des comètes à éviter, puis on revient le temps d’une séquence pré-calculé dans l’univers du film.
J’aime l’idée de faire d’une installation immersive un objet non identifiable : à la croisée du jeu vidéo typé arcade qui lui-même alterne ses propres méthodes d’interactions, dans une installation mêlant projection vidéo, images et immersion sonore dans un dispositif lui même orné de tissu, de poèmes écrits dans une langue imaginaire.
En réalité, une œuvre transmédia composée d’une production facilement cernable (un film d’animation) et d’une œuvre hybride (une installation à la croisée entre jeux, expériences immersives et arts plastiques) est au cœur des limites du transmédia.
Car si le transmédia est pensé comme un ensemble cohérent de productions identifiables comme des produits artistiques (septième art, photographie, art plastique, édition) qui partagent un même univers, une œuvre pluridisciplinaire est-elle catégorisable comme telle ? Ainsi, les champignons du film deviennent des icônes sur le tableau de bord de l’installation artistique, l’alphabet scribe du film fait son apparition dans le lieu de l’exposition, les codes cachés dans le film sont mis en scène dans l'expérience immersive et permettent son fonctionnement !
Et si les personnages sont substitués d’un média à l’autre, c’est pour mieux expliciter la fonction de ces personnages dans le cadre du dispositif transmédia. Finalement, les joueurs sont aussi des scribes qui participent à une aventure dans laquelle leur impact est limité par la convenance du scénario mis en scène.
4.10. Construire une sémiotique fictionnelle[159]
Faire mentir un personnage dans un univers fictionnel complexe, surtout lorsque ce dernier est inventé, implique une manipulation subtile des perceptions et des règles de ce monde. L'idée de mentir dans un tel contexte ne consiste pas simplement à faire dire une fausse information, mais à jouer sur la subjectivité du personnage, sur sa compréhension limitée ou erronée de l'univers qui l'entoure, faire du scénario la conséquence de la perception déformée du personnage.
L’idée n’est pas de déstabiliser le spectateur par une fausse information qui déstabiliserait tout l’univers, mais de montrer que la perception d’un personnage peut être erronée. Dans cet esprit, il ne s’agit pas de mentir à l’audience, mais de permettre à l’univers de se plier à la subjectivité du personnage, comme un reflet déformé de la réalité qui l’entoure.
Prenons l'exemple de Unai et de son idée de pouvoir cartographier l'univers. Unai croit fermement que l’on peut créer une carte de l’univers pour le parcourir, mais en réalité, cette tâche est impossible pour plusieurs raisons qui échappent à sa compréhension. Il pense que son outil de cartographie, le Cosmopédia, peut rendre possible une telle entreprise. Toutefois, ce mensonge ne réside pas dans une tromperie directe de la part du créateur, mais dans la manière dont Unai se forge une vision erronée de l’univers. La vérité est que l'univers fictionnel en question est en constante évolution et une partie de celui-ci n'existe tout simplement pas encore.
Ce manque d’existence peut être justifié de trois manières distinctes, mais toutes ces explications révèlent la faiblesse de la perception du personnage et non une rupture des règles du monde fictionnel :
1. Le mouvement constant de l’univers : Il y a une telle dynamique dans cet univers – des météores qui détruisent des mondes, des soleils qui apparaissent – qu’il est impossible de le modéliser dans sa totalité. Ce qui fait que l’univers modélisé de Unai est incomplet et faux, et son idée de cartographie vouée à l’échec. Cette justification repose sur le concept que l’univers évolue tellement vite qu’aucune cartographie ne peut saisir son dynamisme.
2. Les limitations du Cosmopédia : L'outil que possède Unai, le Cosmopédia, n’a pas la capacité de calcul nécessaire pour modéliser l’univers dans sa globalité. Le Cosmopédia est limité, soit par des paramètres insuffisants, soit par une conception trop rudimentaire. Cette explication souligne la défaillance technique dans la compréhension de Unai de la réalité de son propre outil.
3. La faute de l’artiste qui conçoit l’univers : Enfin, une troisième raison réside dans le fait que l’artiste, en l’occurrence le créateur de cet univers fictionnel, n’a pas envisagé certaines évolutions possibles. L’univers n’a pas été conçu pour être représenté dans son intégralité, mais pour servir le récit. Ce n’est pas une incohérence interne de l’univers, mais une limitation imposée par sa nature même : il n’a été fabriqué qu’en fonction des besoins narratifs et ne peut évoluer au-delà de ce cadre.
Ainsi, faire mentir un personnage dans ce contexte revient à manipuler sa perception et la manière dont il comprend les lois de l’univers, tout en restant cohérent avec les règles internes de ce monde fictif. Ce mensonge est en réalité une erreur de jugement du personnage lui-même, qui croit fermement à une réalité qui n’est pas complète. L’enjeu est de permettre au spectateur de comprendre que ce n’est pas l’univers fictionnel qui est erroné, mais bien la perception du personnage, sans que cette erreur ne déstabilise la narration et les règles de l’univers fictionnel.
En ce sens, la logique du récit s’apparente davantage à un jeu de rôle : tout comme un joueur adapte son comportement en fonction des règles du jeu, les personnages s’adaptent à leur propre compréhension des règles de leur univers. Quand les perceptions des personnages changent, cela entraîne une adaptation des règles du jeu en fonction de cette évolution. Par exemple, lorsque Unai réalise que la cartographie de l’univers est impossible, il ne s’agit pas d’une modification des règles imposées par le récit, mais d’une transformation de la perception du personnage, qui mène à une nouvelle approche des événements, comme si le protagoniste devient un joueur de BACKRUN. À son tour, il effectue des allers-retours entre recherche et création ! De ses erreurs de conception naissent de nouvelles réussites.
Cela revient à dire que dans un univers fictionnel flexible et dynamique, les personnages eux-mêmes deviennent des variables modifiables. Leur compréhension du monde est modulable et ces changements peuvent influencer non seulement leurs actions, mais aussi les règles de l'univers dans lequel ils évoluent. Les personnages peuvent se mentir à eux-mêmes et les fictions qu'ils se créent dans la fiction sont tout aussi importantes que la réalité de l'univers fictionnel. Le récit se construit ainsi autour de ces perceptions, qui ne sont pas figées, mais en constante réévaluation, au service de l’évolution du personnage et de l’histoire elle-même. Paquette-Bélanger cite Kendall Walton en introduisant la notion de “faire semblant”.
”Un des représentants cardinaux de la réflexion sur la vérité fictionnelle est le théoricien Kendall Walton, particulièrement dans Mimesis as Make-Believe : On the Foundations of the Representational Arts. La fiction y est vue comme un jeu de faire-semblant (game ofmakebelieve) qui se fonde sur un objet représentationnel qu 'il nomme le « prop ». Cet accessoire sémiotique a pour but de diriger l'imagination du spectateur vers certaines vérités fictionnelles qu 'il représente directement. L'ensemble des propositions que le spectateur doit directement imaginer et celles qu'il peut légitimement inférer à partir de celles-ci constitue le jeu de faire semblant autorisé par l'accessoire. ”[160]
Les auteurs de fiction utilisent des codes sémiotiques pour structurer les récits et les rendre compréhensibles. Ces codes peuvent être :
- Culturels : Ils exploitent des symboles et des signes issus d'une culture particulière. Par exemple, dans une œuvre de fiction, un drapeau peut être plus qu'un simple objet, il peut par exemple évoquer des notions de patriotisme, de lutte ou de révolution.
- Narratifs : Ceux-ci guident la progression de l'histoire. Les signes incluent des motifs ou des schémas narratifs récurrents, comme "le voyage du héros", ou les "quêtes" dans les romans d'aventure.
- Visuels (dans le cas de la fiction visuelle, comme le cinéma) : La manière dont les objets, les couleurs, les plans de caméra sont utilisés pour créer du sens. Un simple jeu d'éclairage ou un choix de couleur dans un film peut signifier beaucoup sur l'état émotionnel d'un personnage ou le thème central de l'histoire. Les icônes d’une interface utilisateur, le regard d’un personnage, les réactions d’une entitée fictionnelle ne seront pas ressentis de la même manière par l’utilisateur-spectateur-visiteur en fonction de son origine sociale, géographique. Tous les signes ne sont pas compris de manière similaire par tout le monde.
Dans ce projet, mon objectif était de confronter les différents signaux culturels aux codes visuels et narratifs. Entre autres, un objet anodin tel que le micro-onde devient un antagoniste en étant mis en scène de manière à le crédibiliser en tant qu'opposant à nos héros. Une icône ressemblant à une étoile, pourtant pertinente dans notre réalité sur une interface d’application, peut devenir un contraire dans mon univers fictionnel.
Mon idée ici est de déjouer l’usage des codes sémiotiques en confrontant leurs sens dans le réel de nos aventuriers (en tant qu’entités extra-diégétiques) avec le réel de nos personnages (l’univers fictionnel).
Des blobs sont utilisés comme moteur narratif tout en étant des personnages subissant le récit, qui ne s’opposent jamais aux héros malgré le fait qu’il soit sacrifié au profit du récit. L’idée était même de montrer qu’il prenait du plaisir à faire avancer l’histoire.
Les Wills sont également utilisés comme moteurs narratifs. C’est la raison pour laquelle j’ai créé un alphabet fictif capable de transmettre au spectateur aguerri une œuvre supplémentaire qui sert finalement à proposer une autre lecture complémentaire.
J’ai travaillé avec l’alphabet des Wills, un outil d’écriture utilisé par les Scribes pour écrire les chants de Wills. Puisque les histoires sont racontées par des voix, il était intéressant de jouer avec cette notion pour construire un langage basé sur la phonétique. Ainsi, les Scribes n’écrivent pas l'histoire telle qu'ils l’interprètent mais telle qu’ils l’écoutent.
Document de développement d’un écrit codé – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Mon objectif est alors de construire une version du métier du copiste non pas axée sur la reproduction d’un écrit, mais sur la reproduction d’un oral.
Enfin, j’ai voulu m’émanciper du langage tel que nous le connaissons pour écrire des phrases dans différentes langues, démontrant que notre interprétation du message requiert une compréhension de plusieurs outils différents et endémiques à notre réalité.
Puisque je parle français, anglais et espagnol, mon alphabet est discriminant vis-à-vis des outils que j’utilise au quotidien. En fin de compte, même en inventant des langues et des alphabets dans un monde fictionnel, je me limite aux signaux que je sais utiliser ! Démontrant une nouvelle fois la subjectivité de l'œuvre UNAI en tant qu’outil d’expression artistique réflexive.
L’alphabet phonétique des Scribes – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
J’ai travaillé sur un alphabet fictif qui se lit de manière phonétique. On peut ainsi lire les messages partagés dans le film.
Capture d’écran UNAI – Fabula écrit ses chroniques – Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Le travail esthétique, limité par les compétences de son auteur, ouvre néanmoins la voie à une réflexion profonde : et si ces limitations deviennent une opportunité pour créer de nouveaux langages, de nouvelles méthodes d’expression ? Cette approche permettrait aux mondes fictifs d’acquérir une voix propre, de partager leurs règles et leur lore de manière originale. L’animation 3D permet alors de donner vie à cet alphabet de nombreuses manières: les Scribes dessinent les lettres dans l’espace pour donner vie à des volumes, ils dessinent le décors comme l’artiste 3D modélise son monde.
5. Conclusion
Ce mémoire met en lumière les multiples potentiels de l’animation 3D comme outil réflexif et interactif dans la narration fictionnelle. À travers une démarche de recherche-création, il a permis d’interroger la capacité de ce médium à non seulement examiner la relation entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur, mais aussi à explorer de nouvelles perspectives sur la façon dont nous concevons et vivons les récits.
En utilisant l’outil de l’animation 3D comme système artistique et technique permettant de construire des univers fictionnels, l’animation 3D devient un objet instable, en dérive permanente. Elle donne vie à des objets artistiques individuels qui peuvent être réemployés dans d’autres fictions agrégats, sur des médiums et médias différents. Ainsi, construire une narration transmédia prend tout sons sens. L’animation 3D, loin de se limiter à une technologie de l’image, devient un espace d’expérimentation où l’interaction et la transformation sont au cœur de l’expérience esthétique. Cet espace d’expérimentation est forké, démultiplié pour aborder de nouveaux supports de diffusions sur des œuvres de natures et d’esthétiques différentes.
Le projet transmédia UNAI, dans son approche hybride et immersive, entre linéarité et interactivité, témoigne de la richesse de ce médium et de son potentiel à bousculer les codes de la narration traditionnelle. Les explorations techniques et esthétiques qu’il propose, en s’appuyant sur les technologies numériques et les formes transmédia, ouvrent des perspectives passionnantes pour l’avenir des récits fictionnels, tout en invitant à repenser les processus créatifs dans un monde de plus en plus numérique.
Mon processus de création transmédia convoque une forme d’interrogation de la fiction, où chaque spectateur devient chercheur, projetant ses propres références et aspirations dans l’univers suggéré. Dans cette dynamique, la suspension d’incrédulité devient un véritable outil d’appropriation, essentiel à l’immersion. Plutôt qu'une absence d’information devienne une pièce manquante du puzzle, elle devient finalement une pièce maîtresse dans l’interprétation de l’univers fictionnel. Le spectateur cherche instinctivement les réponses dans d’autres médias, dans la continuité du projet transmédia, ou encore dans son propre imaginaire, prolongeant ainsi l’expérience bien au-delà du support initial. L’aventurier prend part à une nouvelle recherche-création dont il est le héros et l’auteur, en s’affranchissant des pièces qu’il n’a pas encore découvert.
En réalité, l’artiste, comme les joueurs, les visiteurs et les spectateurs, convergent vers un même point fictionnel, immatériel et inexistant qui prend place dans un monde inachevé. Ils deviennent aventuriers le temps d’une histoire qui n’a de sens que grâce au moyen qui lui donne à vivre. J’ai échoué à faire vivre l’univers de UNAI en tant que monde imaginaire centralisé avec une seule œuvre, mais c’est dans la succession d'échecs qui donne vie aux aventures de Unai et Keeper que mon récit initiatique prend son sens.
L’animation 3D est un outil extraordinaire car elle permet de catalyser dans un espace commun plusieurs êtres de chairs et d’autres de fiction le temps d’un souvenir, d’un vécu fantasmé. Et le sens donné à la quête des personnages devient moindre face à leur vraie fonction. Mais cette véritable fonction, cette mission est inhérente à sa forme, à son médium.
Cette matière artistique créée des objets qui par leurs natures ambiguës et interactives, deviennent un univers qui peut s’appliquer à une infinité de manière d’être vécu jouée, regardée et interprétée. Dès lors, le concept du transmedia, associé à l’animation 3D, ajoute une dimension supplémentaire dans la manière de transmettre une histoire. La narration transmédia est plurielle car elle confère un lien complémentaire entre l’artiste et l'œuvre, tout en ouvrant la narration d’un univers fictionnel vers de nouveaux publics, de nouveaux lieux (réels et fictifs) et aventuriers différents.
Dans un monde où il est possible de bâtir des mondes virtuels crédibles, photoréalistes et facilement industrialisables à l'aide d’outils préconçus et de solutions logicielles puissantes, il est nécessaire de se questionner sur l’usage de l’outil numérique de création. Si les moteurs de jeux du moment permettent de fabriquer aisément des projets aboutis, ils nouent une dépendance avec l'œuvre sur laquelle ils s'octroient une garantie financière, artistique et existentielle. Dès lors, construire des objets bâtis sur des solutions propriétaires et open-source devient une solution à long terme, à la fois sur le plan industriel et artistique. Se réapproprier sa plume permet au scribe de donner vie à des œuvres, mais en contrepartie, il perd en aboutissement visuel.
Si le Capitaine Keeper vous invite à prendre part à une aventure fabuleuse dans un monde peuplé de micro-ondes et de chouettes qui parlent, c’est pour mieux peupler le monde qu’il construit.
Au jour de la rédaction de ce mémoire, l'état de ma création artistique n’est pas fini, tout comme l'état de ma recherche qui est destiné à se poursuivre dans les années à venir.
Les projets seront amenés à évoluer à terme et se poursuivront dans le temps. De même, pour les projets de création associés à cette recherche qui n'ont pas abouti sous leurs formes finales, le travail se poursuivra dans l'objectif de les faire grandir.
La création va insuffler la vie à ce mémoire, qui n’est finalement qu’un instantané de l'état de ma recherche. Ainsi la recherche évoluera en conséquence. Tout comme la 3D, il n'y a que le temps qui donne à l'animation son mouvement, son avenir.
6. Glossaire
Animation : L’animation est une technique artistique qui consiste à créer une illusion de mouvement en affichant une série d’images fixes successives. Ces images, souvent des dessins, des modèles ou des objets, sont légèrement modifiées d’une image à l’autre pour simuler le mouvement. L’animation peut être réalisée à la main, par ordinateur (animation 2D ou 3D), ou à l’aide de techniques comme le stop-motion. Elle est utilisée dans divers médias, y compris les films, les séries télévisées, les publicités, et les jeux vidéo.
Animation 3D : Technique d’animation numérique qui simule le mouvement d’objets ou de personnages dans un espace tridimensionnel, à l’aide de logiciels spécialisés. Elle est utilisée dans le cinéma, les jeux vidéo, la réalité virtuelle ou la recherche artistique. La technique de l’animation 3D consiste à faire évoluer un objet 3D dans le temps, en animant un maillage (mesh) à travers un rig, une structure hiérarchique de vecteurs de transformation qui peuvent être soumis à une rotation, une translation de position ou bien un changement d’échelle. Ce rig forme un squelette appelé skeleton ou armature. Chaque segment du squelette (ou os, bone en anglais) agit sur une portion du maillage selon un poids d’influence. Le mouvement est défini dans le temps à l’aide de courbes d’animation (f-curves ou function curves), qui modulent les paramètres du rig sur une timeline.
Attraction (ride) : Une attraction (de parc à thème) est un dispositif ou une expérience interactive qui plonge les visiteurs dans un univers spécifique, souvent basé sur un thème, un film ou une histoire, combinant généralement des éléments visuels, sonores et parfois sensoriels pour créer une expérience immersive. Ce dispositif est conçu avec un pre-show (file d’attente), un main show (simulateur, train, etc), et un post-show (sortie de l’attraction).
Avatar : Personnage numérique représentant un utilisateur ou une entité, souvent animé en 3D, utilisé dans des environnements virtuels, jeux vidéo ou films, et pouvant combiner captation de mouvement, modélisation et intelligence artificielle.
BACKRUN : Un projet de jeu vidéo réalisé depuis 2016. Le projet a le même âge que UNAI, qui est un “Fork” de BACKRUN, qui mettait en scène un petit personnage qui discutait avec William de questions transmédia. Le projet a d’ailleurs été la première apparition de Fabula.
BETACLE : Une bande dessinée que je réalise dans laquelle les personnages de UNAI évoluent durant une autre époque. C’est également une manière pour moi de jongler entre plusieurs univers et de ne jamais m’ennuyer dans ma démarche artistique et de conteur d’histoire.
Blender : Logiciel libre et open source de création 3D, permettant de modéliser, animer, texturer, rendre et monter des scènes en 3D. Utilisé dans les domaines du cinéma, du jeu vidéo, de l’animation et du design interactif.
Booléen : En informatique et en logique, les booléens (ou booléens) désignent des valeurs logiques pouvant être vraies ou fausses (souvent représentées par true ou false). Ils sont utilisés pour effectuer des comparaisons, des conditions et des opérations logiques dans les programmes. Dans la programmation, on dit qu’une valeur est booléenne quand elle est déterminée par un prédicat : est-ce que c’est vrai ? Est-ce que cette fonction remplit les conditions nécessaires et suffisantes pour dire que c’est vrai ?
CGI (Computer-Generated Imagery) : Images créées par ordinateur, utilisées principalement dans le cinéma, les jeux vidéo, la publicité ou la télévision pour générer des environnements, des objets, des effets spéciaux ou des personnages, réels ou imaginaires, souvent impossibles à filmer en prise de vue réelle.
C++ : C++ est un langage de programmation orienté objet, créé en 1983, qui permet de développer des applications performantes et complexes, utilisées dans des domaines comme les systèmes d'exploitation, les jeux vidéo, et les logiciels embarqués.
Calque : ( en anglais Layer )
Dessin vectoriel : Type d’image numérique composée de chemins mathématiques (points, lignes, courbes) plutôt que de pixels, permettant un redimensionnement sans perte de qualité et une édition précise des formes géométriques qui composent l’image.
Dispositif : Oeuvre ou ensemble d'œuvres destinées à transmettre des informations théoriques et narratives sur l’univers fictionnel présenté. Le dispositif est à la fois les outils utilisés et les œuvres présentées (modèles 3D animés, sons, images…) et la disposition de ces œuvres (systèmes interactifs, montage, édition web ou papier). Le dispositif possède un but à la fois vis à vis de la forme (sa manière d'être perçue et consommée par l’utilisateur), un but esthétique (vis à vis de la narration, de l’évolution de la diégèse) et technique (questionner le rapport du dispositif lui-même avec son support).
Effet visuel (vfx): Un effet visuel (ou VFX, pour "Visual Effects") désigne toute manipulation numérique ou technique appliquée à une image ou une séquence vidéo pour créer des éléments visuels qui n'existaient pas dans la prise de vue réelle. Cela peut inclure la création d'éléments comme des explosions, des créatures générées par ordinateur (CGI), des environnements virtuels, des effets de lumière, des simulations de fluides ou des animations. Les effets visuels sont couramment utilisés dans les films, les jeux vidéo et la publicité pour enrichir ou transformer une scène.
Espace 3D : L'espace 3D fait référence à un système de coordonnées tridimensionnelles utilisé pour représenter des objets dans un environnement virtuel. Il est constitué de trois axes : l'axe X (horizontal), l'axe Y (vertical) et l'axe Z (profondeur), permettant de définir la position d’un point ou d’un objet dans cet espace. L'origine dans un espace 3D est le point où ces trois axes se croisent, généralement représentés par les coordonnées (0, 0, 0). Cela sert de point de référence à partir duquel toutes les autres positions sont mesurées. L'origine est essentielle pour la modélisation et la navigation dans des environnements 3D, et elle est utilisée pour le placement des objets dans des moteurs de rendu ou de simulation.
Espace 3D avec l’origine O et les axes X, Y et Z (3 dimensions)
Expérience immersive : Une expérience immersive plonge l'utilisateur dans un environnement numérique ou physique en sollicitant ses sens pour lui donner l'impression d'être réellement présent dans un autre monde. Cela inclut des technologies comme la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), les installations artistiques interactives et les nouveaux formats hybrides du théâtre, du jeu vidéo et de la robotique.
Fonction informatique : En informatique, une fonction est un bloc de code conçu pour accomplir une tâche spécifique. Elle prend des entrées (appelées paramètres), effectue un traitement, puis retourne une sortie (ou résultat). Les fonctions permettent de rendre le code plus modulaire, réutilisable et plus facile à maintenir.
Filtres : ( imagerie ) Traitement numérique appliqué à une image pour modifier son apparence selon des paramètres précis (contraste, saturation, netteté, effets artistiques, etc.) en transformant les valeurs des pixels selon des algorithmes spécifiques.
Gameplay : Le gameplay désigne l’ensemble des mécanismes et des interactions proposés par un jeu vidéo, incluant les règles, les défis, les objectifs, et les actions que les joueurs peuvent entreprendre. C’est ce qui définit l’expérience de jeu et comment le joueur interagit avec le jeu, influençant son plaisir et son engagement. Le gameplay englobe des éléments tels que la jouabilité, la complexité, l’équilibrage des niveaux de difficulté, et l’interface utilisateur.
GPU (Graphics Processing Unit) : Processeur spécialisé dans les calculs graphiques, utilisé pour le rendu d’images 2D/3D, l’accélération vidéo, et de plus en plus pour le calcul parallèle dans des domaines comme l’intelligence artificielle ou la simulation scientifique.
Glitch : Un glitch désigne une erreur ou un dysfonctionnement technique, souvent visible sous forme de déformation ou de perturbation d’une image, d'un son ou d'une animation dans un système numérique. Dans le domaine artistique, un glitch peut être intentionnellement utilisé pour créer des effets visuels ou sonores qui exploitent ces imperfections, notamment dans les arts numériques et la musique électronique.
Hyper-objet : Un hyper-objet est un concept philosophique désignant un objet qui est si vaste ou complexe qu’il échappe à notre compréhension et perception directe. Il existe à une échelle qui dépasse l'expérience humaine, comme le changement climatique, Internet ou l'univers, et ne peut être appréhendé que par ses impacts ou effets.
Image de synthèse : Image artificielle, animée ou non, fabriquée par des moyens optiques, électroniques ou informatiques. (source Larousse)
Incarnation : Processus de mise en récit par lequel un personnage devient tangible et crédible aux yeux du spectateur ou du lecteur, à travers son apparence, ses gestes, sa voix, son comportement et ses intentions. Elle peut être assurée par un acteur, une animation, une voix off ou une combinaison de techniques, donnant vie à une entité fictive au sein d’un récit. L’incarnation peut être subjective (à la première personne) quand le spectateur devient acteur (visiteur d’une installation artistique, joueur de jeu vidéo).
Incrustation sur fond vert (effet visuel) : L’incrustation sur fond vert (ou chroma key) est une technique d’effets visuels qui permet de remplacer une couleur unie, généralement le vert ou le bleu, par une autre image ou vidéo. Elle est couramment utilisée pour intégrer des acteurs filmés sur fond vert dans des environnements virtuels ou animés.
Inkscape : Logiciel libre de dessin vectoriel, basé sur le format SVG. Il permet de créer des illustrations, logos, schémas et infographies avec précision, idéal pour le graphisme, le design et la typographie. C’est l’outil utilisé pour la conception du logo UNAI.
Intelligence artificielle générative (IA, IA générative) : L’intelligence artificielle générative désigne une branche de l’IA capable de créer de nouveaux contenus (textes, images, sons, vidéos, etc.) en s’appuyant sur des modèles entraînés à partir de grandes quantités de données.
Introspectif : Qui emploie l'introspection, concerne l'introspection (observation, analyse de ses sentiments, de ses motivations par le sujet lui-même).
Java : Java est un langage de programmation orienté objet, créé en 1995, qui permet de développer des applications multiplateformes grâce à la machine virtuelle Java (JVM). Il est utilisé dans les applications web, mobiles, et d'entreprise.
Jeu vidéo : Média interactif numérique dans lequel un ou plusieurs joueurs interagissent avec une interface graphique pour accomplir des objectifs définis par un système de règles. Les jeux vidéo peuvent prendre des formes variées (ludique, narrative, éducative, artistique) et se déclinent en genres multiples (aventure, stratégie, simulation, etc.). Ils combinent généralement graphismes, sons, narrations et mécaniques de jeu, et peuvent être expérimentés sur divers supports (ordinateurs, consoles, smartphones, casques de réalité virtuelle).
Jouet vidéo : Terme qui désigne un type de produit hybride entre un jouet traditionnel et un jeu vidéo, où l'interactivité numérique est intégrée à l'objet physique. Ces jouets utilisent des technologies comme les capteurs, les écrans intégrés, la réalité augmentée ou la connectivité internet pour offrir des expériences de jeu ludiques et immersives. Un exemple célèbre est le Tamagotchi, un petit animal virtuel que l'on nourrit et prend soin, mais d'autres jouets vidéo modernes utilisent des applications mobiles ou des plateformes en ligne pour étendre l'expérience de jeu. Ces jouets sont conçus pour engager les enfants de manière active et stimulante tout en combinant jeu physique et virtuel.
Lore : Ce terme désigne l'ensemble des connaissances, histoires, mythes ou traditions qui sont transmises au sein d'un univers fictif ou d'une communauté. Dans les jeux vidéo, les films ou les livres, le lore fait référence à l'historique, aux légendes et aux détails qui enrichissent et donnent de la profondeur à l'univers narratif.
MacGuffin : concept scénaristique défini par Alfred Hitchcock. Il s’agit d’un objet matériel ou immatériel qui est prétexte au développement d’une histoire.
Matériaux : ( en anglais Materials 3D) Matériaux 3D : Propriétés visuelles et physiques appliquées aux surfaces des objets dans un environnement 3D, définissant leur apparence (couleur, texture, réflexion, transparence) et leur comportement face à la lumière.
Matrice : Tableau rectangulaire de nombres, sur lesquels on définit certaines opérations. En mathématiques et en informatique, une matrice est un tableau rectangulaire de nombres, de symboles ou d'expressions, organisés en lignes et en colonnes. Elle est utilisée pour représenter des données ou des relations entre différentes entités. Les matrices sont couramment utilisées dans des domaines comme l'algèbre linéaire, le traitement d'images, l'intelligence artificielle et les systèmes de calcul.
Média : Un média désigne un moyen de communication de masse utilisé pour diffuser des informations, des idées, des contenus ou des divertissements à un large public. Cela inclut des plateformes telles que la chaîne de télévision, la station de radio, la presse écrite en tant que titre de journal, un site internet, ainsi qu’un réseau social. Le terme "média" est utilisé pour désigner un canal en tant qu’émetteur de communication qui permet la transmission de messages à grande échelle.
Médium : Un médium est un canal ou un support utilisé pour transmettre des informations, des idées ou des contenus. Cela inclut des supports variés comme la vidéo, la radio, les journaux, les livres, le numérique ou des arts vivants. Un médium ne doit pas être confondu avec le média. Par exemple, le cinéma est un média quand l’audiovisuel est un médium.
Mémoire tampon : Une mémoire tampon (ou buffer) est une zone de stockage temporaire utilisée pour stocker des données en attente d’être traitées ou transférées. Dans les systèmes informatiques, les tampons permettent d'améliorer les performances en évitant des blocages ou des ralentissements lors de l’accès aux ressources ou des transferts de données. Ils sont particulièrement utilisés dans les entrées/sorties (E/S), le traitement audio/vidéo ou encore dans les graphiques 3D pour gérer les données entre le processeur et la mémoire graphique (GPU).
Métavers : Espace virtuel immersif et persistant, partagé en ligne, où des utilisateurs interagissent via des avatars. Il combine réalité virtuelle, réseaux sociaux et mondes interactifs, souvent utilisés en jeu, art ou performance.
MMORPG : (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game) Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur, où des milliers de joueurs interagissent simultanément dans un univers virtuel persistant. Il mêle narration, exploration et collaboration en temps réel.
MoCap : (Motion Capture) MoCap : (Motion Capture) Technique d’enregistrement des mouvements d’objets ou de personnes réels pour les transférer à des modèles numériques, permettant d’obtenir des animations 3D réalistes à partir de mouvements capturés sur des acteurs ou objets physiques.
Modélisation 3D : La modélisation 3D est le processus de création d’objets ou de personnages en trois dimensions à l’aide de logiciels spécialisés. Elle consiste à définir la forme, la structure et les détails d’un modèle numérique, utilisé ensuite pour l’animation, le rendu ou l’impression 3D.
Moteur de jeu 3D : (En anglais Game Engine) Environnement de développement logiciel fournissant un ensemble d’outils et de technologies intégrés (rendu graphique, physique, audio, IA, etc.) permettant la création et l’exécution de jeux vidéo sur différentes plateformes sans avoir à programmer toutes les fonctionnalités de base.
OpenGL : Open Graphics Library est une API (interface de programmation d'application) standard utilisée pour le rendu graphique en 2D et 3D. Elle permet de créer des applications graphiques interactives, comme des jeux vidéo et des logiciels de modélisation 3D, en offrant une interface entre le programme et le matériel graphique (comme les cartes graphiques).
Persona : Personnage fictif représentant un groupe cible ou un utilisateur type, utilisé pour comprendre ses besoins et comportements. En psychologie, c'est l'image sociale que l'individu présente au monde extérieur. Il est utilisé dans le contexte marketing pour décrire le comportement d’un client cible face au produit. Dans le contexte de développement logiciel, ce concept sert avant tout à anticiper les actions de l'utilisateur face à l’interface utilisateur du logiciel. Le persona est très utilisé dans la conception d'expérience utilisateurs.
Pipeline de rendu 3D : Suite d'étapes informatiques par lesquelles une scène 3D est transformée en une image 2D. Il comprend généralement la modélisation, l’animation, l’éclairage, la caméra, le shading, le texturage, le rendu et le compositing. Ce processus peut être en temps réel (comme dans les jeux vidéo) ou pré-calculé (comme au cinéma).
Pipeline (de production audiovisuelle) : Ensemble structuré d’étapes successives permettant de concevoir, produire et finaliser une œuvre, souvent utilisé dans les domaines du cinéma, de l’animation ou du jeu vidéo. Il englobe la préproduction (écriture, concept art, storyboard), la production (modélisation, animation, tournage, effets visuels), et la postproduction (montage, étalonnage, mixage sonore, export). Ce pipeline peut être linéaire ou modulaire selon les outils numériques et les méthodes collaboratives employées.
Plan (géométrie) : Surface plane à deux dimensions s’étendant à l’infini, définie par trois points non alignés ou par un point et une direction perpendiculaire.
Prompt : ( Requête à l’intelligence artificielle générative ) Instruction textuelle spécifique fournie à une intelligence artificielle générative pour orienter et contrôler sa production de contenus (images, textes, code, etc.).
Ray tracing : Le ray tracing (ou traçage de rayons en français) est une technique de rendu utilisée en infographie pour simuler de manière réaliste la lumière et ses interactions avec les objets dans une scène 3D. Le principe de base consiste à simuler le chemin que suivent les rayons de lumière à partir de la caméra, en les suivant au fur et à mesure qu'ils frappent des surfaces et interagissent avec elles. Cela permet de reproduire des effets lumineux complexes tels que les réflexions, les réfractions, les ombres douces et les caustiques. Le ray tracing est très exigeant en termes de calculs, mais il produit des images d'une grande fidélité visuelle. Il est couramment utilisé dans les films, les jeux vidéo haut de gamme et la visualisation architecturale. On parle alors de photo-réalisme pour souligner que l'image numérique se veut une réplique de la réalité, telle une photographie.
Réalisateur : Un réalisateur est un professionnel chargé de la vision artistique d’un film ou d’une œuvre audiovisuelle. Il supervise l’ensemble du processus de création, de la pré-production à la post-production, en dirigeant les acteurs et en coordonnant les équipes techniques et artistiques. Son rôle est de transformer un scénario en œuvre cohérente, en prenant des décisions clés sur la narration, le rythme, le style visuel et l’esthétique générale.
Rigging : Processus qui consiste à créer un système de contrôles (squelette) pour manipuler et animer un modèle 3D, comme les os et articulations d’un personnage.
Réalité augmentée : Technologie qui superpose des éléments virtuels (images, sons, données) à la perception du monde réel, en temps réel, via un écran ou des lunettes. Elle enrichit l’expérience sensorielle sans remplacer l’environnement physique.
Réalité virtuelle : Environnement numérique immersif généré par ordinateur, dans lequel l’utilisateur est plongé à l’aide d’un casque. Elle simule un monde artificiel en 3D, coupant partiellement ou totalement le lien avec la réalité physique.
Sémiotique : La sémiotique est l’étude des signes et des systèmes de signification. Elle analyse comment les signes (images, mots, sons, gestes, objets, etc.) produisent du sens dans différents contextes culturels, linguistiques ou médiatiques.
Shaders : Programmes informatiques qui calculent le rendu visuel (couleurs, ombres, effets) de chaque pixel ou sommet dans les graphismes 3D.
Storyboard : Suite d’illustrations ou de vignettes représentant visuellement, plan par plan, les scènes d’un film, d’une animation ou d’un jeu vidéo. Il sert de guide à la mise en scène, à la découpe technique et à la narration visuelle, permettant de planifier les cadrages, les mouvements de caméra, le rythme et les transitions avant la production.
Studio : Un studio désigne généralement un lieu ou une entreprise dédiée à la création, la production et la distribution de contenus artistiques ou audiovisuels, tels que des films, des séries, des jeux vidéo ou des œuvres musicales. Dans le domaine du cinéma et de l’animation, un studio de production est un environnement où les processus de création, de développement et de post-production sont réalisés, et où les équipes techniques et artistiques collaborent pour donner vie à un projet. Les studios peuvent être spécialisés dans des domaines spécifiques, comme l’animation 3D, les effets spéciaux ou la production de films en prise de vue réelle.
Technical director : Un Technical Director (TD) est un professionnel responsable de la gestion technique des processus de création visuelle dans des industries comme le cinéma, l'animation, les jeux vidéo ou les effets visuels. Il combine expertise technique et artistique pour développer des outils, optimiser les pipelines de production et résoudre des problèmes techniques, tout en collaborant avec les équipes créatives pour garantir la réalisation de la vision artistique dans les limites techniques et temporelles.
Texture : En infographie 3D, une texture est une image ou un motif appliqué à la surface d'un modèle 3D pour lui donner de la couleur, de la profondeur et des détails visuels. Elle peut imiter des matériaux réels (comme le bois, le métal, la peau ou la pierre) ou ajouter des effets spéciaux comme des rainures, des reliefs ou des motifs. Les textures sont généralement mappées sur le modèle 3D via des coordonnées spécifiques, un processus appelé "mappage UV". Elles peuvent également inclure des cartes supplémentaires comme des cartes de bump (relief) ou des cartes de normal pour simuler des détails sans augmenter le nombre de polygones du modèle.
Timeline : Ligne temporelle utilisée dans les logiciels d’animation ou de montage pour organiser et contrôler l’évolution des éléments dans le temps. Elle permet de placer des images-clés (keyframes) et de visualiser les transitions entre différents états d’un objet ou d’une scène.
Turbomédia : Le turbomédia dans le contexte de la bande dessinée en ligne désigne une forme de narration visuelle interactive, où le lecteur peut interagir avec l’histoire et l’univers en temps réel. Contrairement à la BD traditionnelle, le turbomédia utilise des éléments numériques comme des animations, des effets sonores ou des interactions via la souris ou le tactile, permettant une expérience plus immersive et dynamique. C'est un format hybride entre la bande dessinée et les médias numériques.
Unity 3D : Moteur de jeu en temps réel multiplateforme utilisé pour créer des jeux vidéo, des simulations interactives, des expériences en réalité virtuelle/augmentée, et des films animés. Il permet l’édition d’environnements 2D et 3D, la programmation en C#, l’intégration de modèles 3D, d’effets sonores, de physique et d’animations, tout en offrant un aperçu en direct du rendu final. Unity est reconnu pour sa flexibilité, sa communauté active et sa compatibilité avec de nombreux appareils (PC, consoles, mobiles, navigateurs, etc.).
Unreal Engine : Moteur de jeu développé par Epic Games, reconnu pour ses capacités graphiques avancées et son rendu photoréaliste en temps réel. Utilisé dans le développement de jeux vidéo, de films, de visualisations architecturales, et de simulations interactives, il intègre le langage de programmation C++ et un système de scripts visuels appelé Blueprints. Unreal Engine offre un pipeline complet pour la création 3D (animation, éclairage, VFX, audio, etc.), et est largement adopté dans l'industrie pour ses performances, notamment en production virtuelle et en réalité mixte.
Variable : Symbole utilisé pour stocker une donnée en mémoire, qui peut changer au cours de l’exécution d’un programme.
Web-série : Série de vidéos diffusée exclusivement sur Internet, souvent sous forme d'épisodes courts. Elle peut être produite par des amateurs ou des professionnels et couvre divers genres (fiction, documentaire, humour, etc.)
7. Annexes
7.1. Les personnages du film
Unai : L’enfant Renard attend de voir Keeper, espérant repartir à l’aventure. Depuis qu’il est petit, il voyage avec Keeper dans l’Univers, espérant retrouver le Centre de l’Univers. Cette quête les a amenés à vivre des moments difficiles. À la suite de ces aventures, Unai vit chez Ronda, sur la planète cachée Ylfecho. Il veut devenir aventurier quand il sera grand.
Le Capitaine Keeper : Le légendaire explorateur devenu dépressif et alcoolique. Il ne veut pas repartir à l’aventure. Aventurier de profession, il a été désillusionné par sa dernière aventure. Apeuré à l’idée que Unai ait frôlé la mort par sa faute, il l’a confié à Ronda. Selon des informations confidentielles, il était censé protéger l’enfant. Mais personne ne sait d’où vient Keeper, ni quel est son objectif. Tel est le crédo des Backrunners.
Fabula, le petit scribe : Né et élevé dans une communauté de scribes, il rêve souvent d’aventures. Alors qu’il écrit et recopie les aventures du Capitaine Keeper, il s’imagine secrètement comme lui. Mais les scribes n’ont pas le droit d’interférer dans l’Histoire. Étant plus souvent à l’écriture qu’avec les scribes de son âge, il est parfois moqué. Il se réconforte en relisant les aventures du protagoniste de son Histoire.
Le Timeless Killer : Personnage masqué incarnant l’antagoniste de l’Histoire. On ne connaît pas son but, si ce n’est de nuire à Unai et Keeper. Chacun de ses impacts dans la narration est pensé stratégiquement. Il est armé d’une plume à encre rouge, et s’en sert pour effacer ses opposants.
Gavrich, le gobeur : Il est un mercenaire aux services du Timeless Killer. Il a une tête en forme de micro-onde et est un psychopathe. Les sons et la voix qu’il émet font penser aux sons typiques d’un micro-onde.
Ronda, le Golem Motard : Il garde Unai, sachant trouver les mots justes pour rassurer l’enfant. Il considère Unai comme son fils, tout comme Keeper avant lui. Il radote souvent son passé d’aventurier, mais s’occupe désormais de sa station à énergie. Il a vécu les nombreuses débâcles qui ont façonné l’Univers et ses sociétés. Il a également participé à des guerres à travers les mondes.
La Reine de Nestrum : Elle mène le Conseil Intergalactique. Elle connaît déjà Unai et Keeper, et semble proche du Timeless Killer.
7.2. Almanach
Lexique issue de la diégèse de mon univers fictionnel. Ils sont indispensables à la compréhension de ma Recherche-Création
Vous trouverez ci-dessous les termes qui vont jalonner mon travail au sein de ce mémoire et de ma Recherche. Ceux-ci peuvent-être assimilés au Background (fond) ou au Lore de l'UNIVERS.
Le Piranha Rouge : Le vaisseau spatial de Unai et Keeper. Son design est inspiré des traits du Piranha.
Les Scribes : Ils sont un peuple d’historiens, dispersés sur plusieurs planètes. Quand ils sont enfants, ils apprennent à être à l’écoute du Temps. Ils deviennent alors sensibles aux voix des Wills, les créatures spatio-temporelles qui leur chantent les Histoires de Par delà les étoiles. Les Scribes s’appliquent alors à tenir les Chroniques de Fictiona, écrivant les histoires des êtres qui font évoluer l’Univers. La religion Scribe suit l’ordre des Vieux Sages, qui implique que les scribes n’ont ainsi pas le droit d’interférer dans l’Histoire qu’ils écrivent.
Les plumes des Scribes
Les Plumes sont des objets portant une triple fonction.
- La première utilité de cet objet est l’écriture : les scribes ont chacun une plume assignée pour écrire les Histoires de Par Delà les Étoiles en écoutant les chants des Wills. L’encre qui en sort est blanche, et vient se poser sur des parchemins noirs.
L’encre des plumes est en nuances de blanc pour les scribes car ils n’ont pas d’impact dans l’univers : ils ne sont ni gentils, ni méchants.
L’encre devient rouge si l’écrivain usant la plume est un méchant, et bleu si la plume est utilisée par un gentil.
- La seconde fonction de la Plume est de dessiner des objets dans l’espace qui prennent forme dans le réel. Un scribe peut peindre un pont dans l’espace, et ce pont prend forme en 3D avec son encre blanche. Mais le pont est éphémère, et sa durabilité dans le temps n’est pas infini.
- La troisième utilisation de la plume est belligérante : la plume peut servir d’arme. Le scribe peut en théorie tuer ou se battre avec sa plume. Mais la religion scribe interdit formellement d’utiliser une plume pour un tel usage.
Comme le scribe choisit d’user sa plume pour protéger ou nuire, l’encre est altérée et prend une couleur bleu ou rouge, et le scribe devient adjuvant ou opposant. Dans tous les cas, il a altéré l’histoire et est immédiatement damné par l’ordre Scribe.
Les orbes de Ylfecho : Ces pierres précieuses ont le pouvoir de recharger les Golems. Elles sont des sources d’énergies indispensables au fonctionnement des vaisseaux spatiaux et outils technologiques. Ces orbes sont la prison d’Ego.
Golems : Des robots millénaires, qui vivent depuis la nuit des temps. Pour la plupart, ils attendent désespérément leur retraite. Ils ont besoin de gemmes pour recharger leurs batteries et continuer d’exister. Pour cela, ils utilisent différentes techniques dont le forage, la chasse au trésor, l’attaque de populations utilisant ces mêmes orbes.
Ego : Créature enfermée dans le Centre de l’Univers, endormie au milieu de son trésor. La légende raconte que Ego ressasse les aventures de celui qui l’a enfermé dans son sommeil éternel.
Backrunners : Des aventuriers spatio-temporels, capables de voyager à travers l’espace et le temps. Le Capitaine Keeper fait partie de l’ordre des Backrunners.
Ylfecho : La planète sur laquelle vit Ronda. Il s’agit d’un monde désertique, aride sur lequel sont cultivées les orbes.
Fictiona : La planète des Scribes, dédiée à l'écriture des Histoires de Par-Delà les Étoiles.
Les Wills : Ces créatures spatio-temporelles peuvent être écoutées par des êtres entraînés et sensibles à leur voix. Les Wills sont connus pour être omniscients, et leur parole est Évangile pour les Scribes. Tels des dieux ménestrels, ils racontent les Histoires de Par-Delà les Étoiles en chantant les aventures de héros à de rares élus capables d’entendre leurs voix. Les chants sont tels des murmures doux et apaisants, angéliques et mystiques. Parfois, il leur arrive de chanter des évènements à venir.
Pathfinder : Appareils techniques créés par Unai pour trouver ce qu’il cherche. À l’aide de son Pathfinder, Unai peut trouver tout ce qu’il cherche. Il utilise son pathfinder pour trouver des orbes pour Ronda, ainsi que pour trouver le Centre de l'Univers.
Le Centre de l’Univers : Le seul point de l’Univers fictionnel où vous n'êtes pas prêt d’arriver.
Cetar : La planète hyperbolique. Cette planète est très colorée et très abstraite. Le style de ce monde est instable. Certains disent que son nom serait inspiré d’une école dans un autre monde.
7.3. Bande dessinée expérimentale
7.4. Codage créatif
Ceci est un programme écrit en C qui mime le comportement du personnage de Fabula dans le film les Histoires de Par-Delà les Étoiles. Disponible sur code.unai.pm.
#include <iostream>
#include <vector>
#include <string>
#include <ctime>
#include <cstdlib>
using namespace std;
// Classe représentant Fabula
class Fabula {
private:
string name;
int inspirationPoints;
int wisdomLevel;
vector<string> chronicle;
public:
// Constructeur
Fabula(string characterName) : name(characterName), inspirationPoints(100), wisdomLevel(1) {}
// Fonction pour écrire une chronique
void writeChronicle(const string& storySegment) {
if (inspirationPoints > 0) {
inspirationPoints -= 10;
chronicle.push_back(storySegment);
cout << name << " a écrit une nouvelle chronique : " << storySegment << endl;
} else {
cout << name << " manque d'inspiration pour écrire une chronique." << endl;
}
}
// Fonction pour méditer et regagner de l'inspiration
void meditate() {
cout << name << " médite pour regagner de l'inspiration…" << endl;
inspirationPoints += 20;
wisdomLevel += 1;
cout << name << " a maintenant " << inspirationPoints << " points d'inspiration et un niveau de sagesse de " << wisdomLevel << "." << endl;
}
// Fonction pour invoquer les Wills et obtenir une prophétie
void invokeWills() {
srand(time(0));
vector<string> prophecies = {
"Le chemin vers le Centre est semé d'embûches.",
"Les Scribes doivent écouter au-delà des étoiles.",
"La plume révèle la vérité cachée."
};
int randomIndex = rand() % prophecies.size();
cout << name << " invoque les Wills : \"" << prophecies[randomIndex] << "\"" << endl;
}
// Fonction pour afficher les chroniques écrites
void displayChronicles() const {
cout << "Chroniques écrites par " << name << ":" << endl;
for (const auto& entry : chronicle) {
cout << "- " << entry << endl;
}
}
// Accesseur pour obtenir le nom de Fabula
string getName() const {
return name;
}
};
// Classe représentant un univers narratif
class NarrativeWorld {
private:
string name;
vector<string> events;
public:
NarrativeWorld(string worldName) : name(worldName) {}
void addEvent(const string& event) {
events.push_back(event);
}
void showEvents() const {
cout << "Événements dans l'univers " << name << ":" << endl;
for (const auto& event : events) {
cout << "- " << event << endl;
}
}
void interactWithFabula(Fabula& fabula) {
cout << "Interaction entre Fabula et l'univers narratif…" << endl;
fabula.writeChronicle("Fabula a découvert un événement mystérieux.");
}
};
// Fonction principale
int main() {
Fabula fabula("Fabula, Scribe des Étoiles");
NarrativeWorld cosmos("Cosmopedia");
// Interactions
fabula.writeChronicle("L'ombre des Wills a traversé le ciel.");
fabula.meditate();
fabula.invokeWills();
cosmos.addEvent("Une étoile inconnue a été découverte.");
cosmos.showEvents();
cosmos.interactWithFabula(fabula);
fabula.displayChronicles();
return 0;
}
7.5. Storyboard UNAI 12
Dans la conception de mon projet de recherche-création, j’ai été amené à laisser de côté l’animation 3D pour me questionner sur la manière dont je voulais raconter mon histoire. Ainsi, je me suis rendu compte que l’animation 3D ne peut pas être le seul outil réflexif dans une narration fictionnelle transmédia.
En réalité, la bande dessinée est un moyen complémentaire à l’interactivité du jeu vidéo et à la linéarité du film: au travers du dessin, de la peinture, on apprend à mieux envisager certaines notions de mises en scènes et les enjeux esthétiques d’un projet. L’acte de création manuelle d’une succession d’images fixes a été déterminant dans mon processus créatif.
On retrouve dans le storyboard (et la bande dessinée) la trame sur laquelle les personnages naviguent. Et il existe une infinité de cases substituables qui racontent les mêmes histoires, différemment.
Le storyboard est bien plus qu’un outil de pré-production destiné à la prévisualisation d’une séquence: il est une première œuvre de narration transmédia. En effet, le storyboard peut être monté et couplé à des images et du son pour devenir une animatique. Cette étape est la première conception d’animation et d’expérimentation qui sert de référence à l’animation 3D définitive. Elle a été une étape intermédiaire sur certaine partie de mon projet de recherche-création.
7.6. UNAI BACKRUN : Le jeu de rôle
Introduction
Bienvenue BACKRUNNERS.
Votre mission : Rejoindre le Centre de l'univers.
Nombre de joueurs : Jusqu’à quatre Backrunners peuvent se joindre à l’aventure.
Préparation de la partie : Disposez une grille pour chacun des joueurs. Placez au bout de cette grille le centre de l’univers. Puis, ajoutez arbitrairement les différents obstacles sur la grille. Chaque grille doit être dotée des mêmes obstacles, sur les mêmes emplacements.
Enfin, placez votre vaisseau à l’autre bout de la grille. Disposez au centre de la table le BACKPILLS.
Déroulement d’un tour
Un joueur commence par piocher une carte. Il est obligé de montrer sa carte aux autres joueurs. Cette carte peut avoir plusieurs impacts sur la partie détaillée dans les pages suivantes.
Puis, il lance le dé, qui va lui permettre de gagner des POINTS DE MOUVEMENT. Chaque point de Mouvement permet d’avancer d’une case dans la direction souhaitée (haut, bas, gauche ou droite). Il doit éviter ou embrasser les obstacles sur sa route, en fonction de la DIÉGÈSE de l’Univers.
À la fin du tour, l'indice de BACKRUN du joueur se déplace à l’ancienne position du joueur dans la grille (sauf durant le premier tour).
Les cartes à piocher
- Backpills
Ces cartes changent la diégèse du monde dans lequel les joueurs évoluent. Cette diégèse a un impact sur le comportement des obstacles sur la grille des l’ensemble des joueurs.
- Ajout d’un trou noir
Cette carte vous permet d’ajouter un trou noir sur la route de votre adversaire.
- Ajout d’une pluie de météorites
Cette carte vous permet d’ajouter trois météores sur la route de votre adversaire. Chaque météorite doit être entourée d’un rayon vide d’au moins une case.
- BACKRUN
Cette carte oblige tous les joueurs à revenir sur l’emplacement du tour précédent.
Les joueurs ayant percuté des GOBEURS DE MONDES reviennent dans la partie.
- Blob
Cette carte vous permet de multiplier par deux la valeur donnée par votre lancé de dé.
- Pathfinder
Cette carte vous permet d’ajouter 4 à la valeur donnée par votre lancé de dé.
- Blob fumé
Cette carte vous amène à diviser par deux la valeur donnée par votre lancé de dé.
- Pathfinder Buggé
Cette carte vous amène à soustraire 4 à la valeur donnée par votre lancé de dé. Si le résultat de la soustraction est nul ou négatif, vous n’avancez pas.
Règles concernant le placement des obstacles
Le Centre de l’Univers ne peut pas être entouré de trous noirs sur un rayon de 5.
Le Centre de l’Univers doit toujours être accessible par un chemin.
Visuels du jeu
Ces visuels sont issus de différents tests effectués sur mon jeu de société UNAI BACKRUN. Je voulais vérifier si les joueurs comprenaient la mécanique de changement dynamique de diégèse durant la partie.
Ces tests ont été remplis et les objectifs de qualité ont été atteints car l’ensemble des joueurs ont bien appréhendé les changements de gameplay inhérents aux changements des règles du jeu. Cette étape a été clé dans ma démarche car elle m’a motivé à poursuivre le développement de cette mécanique dans l’expérience immersive UNAI Le Piranha Rouge, soit un tout autre objet artistique et sur un support complètement différent.
Diégèse ⅓: La nébuleuse des rêves
Cet univers est merveilleux. Quand Unai avance, son vaisseau va plus vite ! On ajoute d’emblée deux cases aux Points de Mouvement des Backrunners en plus des jetés de dé.
Les trous noirs
Quand le joueur traverse le trou noir, il est téléporté dans le trou noir le plus proche. Cette traversée est considérée comme un point de mouvement.
Les météorites
Les météorites franchies font gagner un point de mouvement au joueur.
Les gobeurs de monde
Ils deviennent gentils. Ils sont désormais inoffensifs.
Diégèse ⅔: La constellation des souvenirs
Cet univers est réaliste. Quand Unai avance, son vaisseau va à vitesse normale ! Les Points de Mouvement des Backrunners sont seulement influencés par les jetés de dé.
Les trous noirs
Quand le joueur traverse le trou noir, il est obligé de revenir sur l’emplacement du tour précédent
Les météorites
Les météorites ne peuvent être franchies.
Les gobeurs de monde
Le joueur qui entre en collision avec un Gobeur de Monde lance le dé.
Si le chiffre donné est pair, le joueur poursuit sa route.
Si le chiffre donné est impair, le joueur perd la partie.
Diégèse 3/3: La supernova des transformations
Cet univers est surréaliste. Quand Unai avance, son vaisseau va à vitesse normale ! Les Points de Mouvement des Backrunners sont seulement influencés par les jetés de dé.
Les trous noirs
Le joueur qui entre en collision avec un Gobeur de Monde lance le dé.
Si le chiffre donné est pair, le joueur poursuit sa route.
Si le chiffre donné est impair, le joueur perd la partie.
Les météorites
Le joueur qui entre en collision avec une météorite perd la partie.
Les gobeurs de mondes
Le joueur qui entre en collision avec un Gobeur de Monde lance le dé.
Si le chiffre donné est pair, le joueur poursuit sa route.
Si le chiffre donné est impair, le joueur perd la partie.
7.7. Visuels du projet transmédia UNAI
Visuels du film UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Unai et Ronda
Invasion de Fictiona
Visuels de l’installation artistique UNAI Le Piranha Rouge
Vue subjective depuis le cockpit du Piranha Rouge
Système de rail shooter mélangé au genre FPS dans un contexte d’expérience immersive miniature
Concept art – Cockpit du Piranha Rouge
Cockpit du Piranha Rouge vu dans l’épisode 3 de UNAI
Visuels en 3D dans Blender
Capture d’écran Blender – Fabula en T-Pose – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Capture d’écran Blender – Unai en T-Pose – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Capture d’écran Blender – Actrice intégrée dans un environnement virtuel – Monastère de Fictiona – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Capture d’écran Blender – Unai et Ronda – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
Capture d’écran Blender – Le monastère de Fictiona – UNAI Les Histoires de Par-Delà les Étoiles
8. Bibliographie
8.1. Ouvrages
Barnabé, Fanny. « Les univers vidéoludiques : des fictions mobiles et jouables ». De la pluralité des mondes : le paradigme de l'immersion dans les fictions contemporaines, édité par Anne Besson, Nathalie Prince et Laurent Bazin, Presses Universitaires de Limoges, 2021.
Besson, Anne, et al., éditeurs. De la pluralité des mondes : le paradigme de l'immersion dans les fictions contemporaines. Presses Universitaires de Limoges, 2021.
Bourgeois, Marie-Julie. fictions solaires : dispositifs artistiques qui simulent les comportements de la lumière du Soleil. 2018.
Citton, Yves. Mythocratie: storytelling et imaginaire de gauche. Éditions Amsterdam, Paris, 2010.
Colwell, E., éditeur. Jack and the Beanstalk. Children's Classics Press, Londres, 2020.
Haraway, Donna. Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene. Les Éditions des Mondes à faire, 2020.
Homère. L'Iliade. Traduction de Leconte de Lisle. Alphonse Lemerre, Paris, 1835.
Intern, et Archive. La théorie littéraire des mondes possibles. Paris : CNRS Editions, 2010.
Iwerks, Leslie. The Imagineering Story. Disney Book Group, 2022.
Kirkman, Robert, créateur. The Walking Dead. Image Comics, 2003-2019.
Kwastek, Katja. Aesthetics of interaction in digital art. The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, 2013.
Lavocat, Françoise, dir. La Théorie littéraire des mondes possibles. CNRS Éditions, Paris, 2010.
Lopez, F. À bout de flux. Divergences, Paris, 2023.
Masoura, Athina. L'expérience immersive du spectateur dans l'art de l'installation. 2018.
McErlean, Kelly. Interactive Narratives and Transmedia Storytelling. Focal Press, 2018.
McErlean, Kelly. Interactive Narratives and Transmedia Storytelling: Creating Immersive Stories Across New Media Platforms. 1ᵉ éd., Routledge, 2018.
McLuhan, M. Understanding Media: The Extensions of Man. McGraw-Hill, 1964.
Murzilli, Nancy. Changer la vie par nos fictions ordinaires : Du tarot aux rêves éveillés, comment nous mettons nos avenirs en jeu. Premier Parallèle, Paris, 2023.
Run. Mutafukaz. Ankama, Roubaix, 2006-2014.
Run, Hutt T. Mutafukaz 1886. Issues 4-5. Ankama, Label 619, Roubaix, 2021.
Saint-Exupéry, A. Le Petit Prince. Gallimard, Paris, 1943.
Saint-Exupéry, A. Vol de nuit. Gallimard, Paris, 1931.
Schaeffer, Jean-Marie. Pourquoi la fiction ? Le Seuil, 1999.
8.2. Chapitres d’ouvrages
Barnabé, Fanny. « Cadre théorique ». Narration et jeu vidéo : Pour une exploration des univers fictionnels, Presses universitaires de Liège, Liège, 2018, p. 15-57.
Dionnet, Alice. « Chapitre premier. Life Is Strange : une étude du rewind à l'aune de la théorie des mondes possibles ». Temporalités et imaginaires du jeu, édité par Cayatte, Rémi; Tuaillon Demésy, Audrey; Di Filippo, Laurent, Presses universitaires de Liège, Liège, 2023, p. 19-34.
Rolland, Marc. « Où l'on reparle de genres : l'épopée, la science-fiction et la fantasy… ». Le Roi Arthur : Le mythe héroïque et le roman historique au XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2004, p. 81-88.
Tavinor, Grant. « Chapitre III. Les jeux vidéo et la fiction ». L'art des jeux vidéo, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2024, p. 79-112.
8.3. Articles de revues
Aidyn, Jesse. « Figures et mondes impossibles en jeu vidéo ». Sciences du jeu, nᵒ 20-21, 2023, https://doi.org/10.4000/sdj.6296.
Ashline, William L. « The Problem of Impossible Fictions ».
Bangay, Shaun. « A METHOD FOR AUTOMATICALLY CREATING 3D ANIMATED SCENES FROM ANNOTATED FICTION TEXT ».
Barboza, Pierre. « Fiction interactive ''métarécit'' et unités intégratives ».
Barnabé, Fanny. « Les univers vidéoludiques : des fictions mobiles et jouables ».
Bekirov, Anthony, et Vaillancourt, Thibaut. « Le jeu-vidéo, expérience-limite du sujet ». Marges. Revue d'art contemporain, nᵒ 24, 2017, p. 30-44, https://doi.org/10.4000/marges.1255.
Bellano, Marco. « Contemporary 3D CG Animation and the Uncanny Valley : Estrangements and Returns ». Imago : studi di cinema e media : 16, 2, 2017, 2017, p. 63-77, https://doi.org/10.1400/257942.
Bréan, Simon. « Vers une immersion participative : étude comparée d'artefacts fictionnels en littérature, au cinéma et dans le jeu vidéo ». Cahiers de Narratologie, nᵒ 37, 2020.
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8.4. Mémoires et thèses
Díaz García, M. A. Análisis de los avances digitales para el desarrollo e integración de la animación tradicional y la animación generada por ordenador en películas históricas. Thèse doctorale, dirigée par María Montes Payá, Université de Valence, 2010, riunet.upv.es/bitstream/handle/10251/9687/tesisUPV3438.pdf.
Groupierre, Karleen. Enjeux des transmédias de fiction en termes de création et de réception. Thèse de doctorat, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, U.F.R Arts, philosophie, esthétique, 12 juillet 2013.
Paquette-Bélanger, David. Mondes possibles et cohérence logique dans l'univers fictionnel de Stargate. Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2015.
8.5. Filmographie
Alice Comedies. Réalisé par Walt Disney, Walt Disney Studios, 1923-1927.
Assassin's Creed. Réalisé par Justin Kurzel, 20th Century Fox, 2016.
Avatar. Réalisé par James Cameron, 20th Century Fox, 2009.
Dexter. Créée par James Manos Jr., Showtime, 2006-2013.
Les Dents de la mer (Jaws). Réalisé par Steven Spielberg, Universal Pictures, 1975.
Star Trek: The Original Series. Créé par Gene Roddenberry, Desilu Productions, 1966-1969.
Star Wars. Réalisé par George Lucas, Twentieth Century Fox, Lucasfilm, 1977.
Star Wars (saga). Saga créée et produite par George Lucas, Lucasfilm, 1977-2005.
Star Wars: The Clone Wars. Créée par George Lucas, Lucasfilm Animation, 2008-2020.
The Animatrix. Réalisé par divers réalisateurs, Warner Bros., 2003.
The Matrix (trilogie). Réalisé par Lana et Lilly Wachowski, Warner Bros., 1999-2003.
The Walking Dead. Créée par Frank Darabont, AMC, 2010-2022.
8.6. Ludographie
Assassin's Creed. Dirigé par Patrice Désilets, Ubisoft, 2007.
Brothers: A Tale of Two Sons. Dirigé par Josef Fares, Starbreeze Studios, 505 Games, 2013.
Cookie Clicker. Développé par Julien Lazarus, Orteil, 2013.
Desert Bus. Développé par Penn, Penn and Teller, Imagineering, prototype non publié, 1995.
Enter the Matrix. Développé par Shiny Entertainment, publié par Atari, 2003.
Fortnite. Epic Games, 2017.
Lylat Wars. Réalisé par Takao Shimizu, produit par Shigeru Miyamoto, Nintendo EAD, 1997.
Microsoft Flight Simulator 2004. Microsoft Games, 2003.
Minecraft. Mojang, 2011.
PilotWings 64. Réalisé par Makoto Wada, produit par Genyo Takeda, Nintendo R&D3, Paradigm Entertainment, 1997.
Portal. Valve Corporation, 2007.
Second Life. Linden Lab, 2003.
T-Rex Tech Demo. Sony Computer Entertainment, Demo 1 (Version 1), SCES-00048, PlayStation, 1994.
Tamagotchi. Bandai Co., Ltd., 1996.
The Walking Dead. Développé par Telltale Games, 2012.
The Witness. Développé par Jonathan Blow, Thekla, Inc., 2016.
COMMUNICATIONS
Piesk, J., et Trogemann, G.. « Animated interactive fiction: Storytelling by a conversational virtual actor ». Proceedings. International Conference on Virtual Systems and MultiMedia VSMM '97 (Cat. No.97TB100182), 1997, p. 100-108.
8.7. Logithèque
Bannaflak. FaceCap : Motion Capture App. Bannaflak, https://www.bannaflak.com/face-cap/.
Blender [logiciel]. Version 4.3. Blender Foundation, 2025, https://www.blender.org.
C++ [langage de programmation]. Standard ISO/IEC 14882:2020. isocpp.org, https://isocpp.org.
jQuery [Framework]. The jQuery Foundation, 2006, https://jquery.com.
OpenGL [bibliothèque logicielle]. Khronos Group, 2025, https://www.opengl.org.
Pixar Animation Studios. Universal Scene Description – Release Documentation. OpenUSD, 2025, https://openusd.org/release/index.html.
Three.js [Framework de développement 3D pour le web]. https://threejs.org.
8.8. Sitographie
Ankama. Site officiel d'Ankama. Ankama, Roubaix, https://www.ankama.com/fr.
Bacon, Thomas. « Why Luke's CGI In Boba Fett Is So Much Better (Explained Properly) ». ScreenRant, 2022-05-04, https://screenrant.com/book-boba-fett-luke-skywalker-cgi-hamill-improved-explained/. Consulté le 22 mars 2025.
Bonnefille, Vincent. [blog de liens]. 16 janvier 2025, https://liens.vincent-bonnefille.fr/?fEu6wQ.
Brégère, A., et al. « Japon : intelligence artificielle, outil ou menace pour l'industrie du manga ». France 24, 13 janv. 2025, https://www.france24.com/fr/émissions/focus/20250113-japon-intelligence-artificielle-outil-ou-menace-pour-industrie-du-manga.
CFAK Radio universitaire. Émission "le 9". Décembre 2024, http://cfak.ca/.
Clément, William-Arno. « EGO FABULA : Gavrich vous salue ! » [Article de blog]. Décembre 2024, https://www.griffure.com/ego-fabula-gavrich-vous-salue/.
Clément, William-Arno. « Comment créer ta web-série d'animation en indé ? ». GRIFFURE, 10 juil. 2024, https://www.griffure.com/comment-j-ai-cree-ma-web-serie/.
Clément, William-Arno. « Tu n'es pas seul ». 2024, https://www.griffure.com/wp-content/uploads/2024/02/William-Arno-CLEMENT-Tu-n-es-pas-seul.pdf.
Clément, William-Arno. « Un Conte audio pour les enfants avec Unai ! ». YouTube, déc. 2024, www.griffure.com/un-conte-audio-pour-les-enfants-avec-unai/.
Clément, William-Arno. BACKRUN. 2016, https://backrun.tumblr.com/ et https://www.back-run.com/.
Clément, William-Arno. BETACLE. https://www.betacle.com/.
Clément, William-Arno. Cosmopedia. UNAI, https://cosmopedia.unai.pm/fr/.
Clément, William-Arno. EGO FABULA. 2018, https://www.griffure.com/ego-fabula/.
Clément, William-Arno. Jeu de société BACKRUN. https://www.griffure.com/backrun-jeu-de-societe/.
Clément, William-Arno. UNAI. https://www.unai.pm.
Clément, William-Arno. UNAI la web-série. https://www.youtube.com/watch?v=ZW_DYBwlOiU.
Clément, William-Arno. UNAI Épisode 6. https://www.youtube.com/watch?v=UMgK7wtsxmI.
Clément, William-Arno. UNAI Épisode 11: Peut-être faut-il mieux rêver que vendre du rêve [Court métrage d'animation]. GRIFFURE.ORG, https://www.youtube.com/watch?v=Dsft4ACZN2Q.
Darkee, Shane1609. « Star Tours : L'attraction phénomène ». Star Wars Universe, 21 juin 2019, https://www.starwars-universe.com/dossier-115-star-tours-l-attraction-phenomene.html.
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Lucas Online. Lucasfilm, 2000-2012.
LucasArts. Lucasfilm, 1982-2013.
Murzilli, Nancy. Cours Dilemmes et controverses. EUR ArTeC, 2024.
UNAI © 2016 – 2025 William-Arno Clément
BACKRUN © 2016 – 2025 William-Arno Clément
BETACLE © 2023 – 2025 William-Arno Clément
D’après les personnages créés par William-Arno Clément
Création © 2025 par William-Arno Clément
UNAI, BACKRUN, GRIFFURE, BETACLE et tous les autres titres, logos et personnages qui y sont associés sont des marques de commerces de William-Arno Clément
Mail: william@griffure.com
Site internet: www.GRIFFURE.com
Portail officiel UNAI: www.UNAI.pm
Polices d’écritures utilisées pour le mémoire: Calibri, Times, Arial
Police d’écriture logotype “Les Histoires de Par-Delà les Étoiles”: Verdana
Police d’écriture logo initial UNAI: Die Nasty
Imprimé par Scriptlaser.com
L’animation 3D comme outil réflexif dans la narration fictionnelle transmédia
Ce mémoire interroge sur les potentiels de l’animation 3D comme outil réflexif dans la narration fictionnelle transmédia. À travers une approche mêlant création et recherche, il explore comment ce médium peut transcender sa fonction technique pour devenir un vecteur d’interactions entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur.
Mots clés: transmédia, animation 3D, expérience immersive, film d’animation
This thesis explores the potential of 3D animation as a reflexive tool in transmedia fictional storytelling. Through a practice-based research approach, it investigates how this medium can transcend its technical function to become a vector for interaction between the artist, the work, and the audience.
Keywords: transmedia, 3D animation, immersive experience, animated film
Soutenance de fin d’études | Master Recherche-Création ArTeC 2023-2025
page sur
[1] Geneva International Film Festival, RELIVE GIFF 2022 | Masterclass Alexandre Astier, Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=ExR6fthwjcM&t=0h10m) publié par Geneva International Film Festival, février 2023 (partie 0:10:00 – 0:17:00). Alexandre Astier développe un raisonnement sur son rapport à la narration et aux méthodes d’écriture, en se questionnant sur la nécessité de raconter une histoire quand bien même elles aient déjà été racontées.
[2] Ces allers-retours seront aussi au coeur du dispositif BACKRUN, voir § BACKRUN
[3] UNAI la web-série : disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=ZW_DYBwlOiU
[4] Vitali-Rosati, Marcello. “Le numérique et les modèles de l'amour.” Éloge du bug : être libre à l'époque du numérique, Zones, 2024, pp. 37.
[5] Terme issu de la narratologie, désignant l’univers fictif dans lequel se déroule l’histoire d’un récit, incluant les événements, les personnages, les lieux et l’espace-temps narratif.
[6] Processus de formation, de développement et de structuration des idées. En psychologie, il peut désigner l’élaboration mentale d’un concept ou d’un projet, tandis qu’en création artistique ou en design, il renvoie à la phase de génération d’idées. Ici, il s’agit des différentes étapes d’imagination qui ont permis de créer mes projets artistiques estampillés “UNAI”
[7] Qualifie un élément (personnage, narrateur, son, etc.) qui appartient à l’univers narratif de la diégèse, c'est-à-dire qui existe à l’intérieur du monde fictionnel raconté.
[8] Roddenberry, Gene, Inventeur et réalisateur. Star Trek: The Original Series. Desilu Productions, 1966–1969.
[9] Cosmopédia est un dispositif d’expérience web narratif qui propose de découvrir l’intérieur du Piranha Rouge, le vaisseau du Capitaine Keeper et de Unai au travers de l’usage de son ordinateur de bord. Disponible à : https://cosmopedia.unai.pm/fr/
[10] Disponible à l’adresse https://www.griffure.com/wp-content/uploads/2024/02/William-Arno-CLEMENT-Tu-n-es-pas-seul.pdf
[11] BACKRUN est un projet transmédia créé en 2016 par l’auteur de ce mémoire (en même temps que UNAI). accessible à l’adresse suivante : https://backrun.tumblr.com/
[12] Jeu de société sur table disponible à l’adresse https://www.griffure.com/backrun-jeu-de-societe/
[13] EGO FABULA est un projet transmédia créé en 2018 par l’auteur sous forme de jeu de rôle en ligne. Il s’agit d’une expérimentation dont l’objectif est d’obtenir à terme un aquarium de joueurs (appelés “sirénien.ne.s” dans le jeu). Les joueurs attaquent des poissons et discutent en temps réel dans un safe space. Ce type de jeu est appelé MMORPG (jeu de rôle massivement multijoueurs sur internet). Disponible à : https://www.griffure.com/ego-fabula/
[14] Clément, William-Arno. “EGO FABULA : Gavrich vous salue !” [Article de blog]. Décembre 2024. Disponible à : https://www.griffure.com/ego-fabula-gavrich-vous-salue/
[15] Clément, William-Arno. “Un Conte audio pour les enfants avec Unai !” YouTube, déc. 2024, www.griffure.com/un-conte-audio-pour-les-enfants-avec-unai/.
[16] Ce système transmédia repose sur une architecture narrative complexe. Toutefois, ses limites résident dans une surcharge de symboles et de références. Revenir à une narration archétypale permet de se concentrer sur l'essence pure du récit, mettant en avant la force esthétique et la simplicité formelle. L'objectif est de privilégier la question du transmédia, laissant la forme captiver le spectateur sans complexifier son dispositif narratif.
[17] Homère. L’Iliade. Traduction de Leconte de Lisle. Paris: Alphonse Lemerre; 1835.
[18] Concept théâtral désignant la séparation imaginaire entre la scène et le public. Briser le quatrième mur signifie qu’un personnage s’adresse directement aux spectateurs, rompant ainsi l’illusion de la fiction. Ce procédé est également utilisé au cinéma et en littérature.
[19] Díaz García, M. A. Análisis de los avances digitales para el desarrollo e integración de la animación tradicional y la animación generada por ordenador en películas históricas. Thèse doctorale, dirigée par María Montes Payá, Université de Valence, 2010, p. 38, section 1.2.2, riunet.upv.es/bitstream/handle/10251/9687/tesisUPV3438.pdf. Texte en espagnol.
[20] Robertson, Barbara. « LETS CAPS OUT OF THE BAG. » Computer Graphics World, vol. juillet 1994, p. 58.
[21] L’hyperréalisme désigne une esthétique qui vise à reproduire la réalité avec une précision extrême, souvent à travers des images si détaillées qu’elles semblent plus réelles que nature.
[22] Magnenat-Thalmann, Nadia, et Daniel Thalmann. « Synthetic Actors: The Simulation of Human Motion. » p. 1, section 1.2, The Applications of Synthetic Actors. Traduit de l’anglais.
[23] Wood, Aylish. ibid. p. 309
[24] Wood, Aylish. ibid. p. 312.
[25] Wood, Aylish. ibid. p. 317.
[26] Mojang. Minecraft. Mojang, 2011.
[27] Cameron, James, director. Avatar. 20th Century Fox, 2009.
[28] La technologie OpenUSD créée par les studios Pixar est pensée pour harmoniser les standards de l’imagerie graphique, permettant ainsi d’avoir la même architecture technique d’une scène virtuelle dans plusieurs médiums différents. Les systèmes de constructions de mondes 3D sont à ce jour dans des dynamiques d’uniformisation.
Pixar Animation Studios. Universal Scene Description – Release Documentation. OpenUSD, 2025, https://openusd.org/release/index.html.
[29] Google DeepMind. Veo. DeepMind, 2024, https://deepmind.google/models/veo/. La technologie de 2025 permet de générer des films à l’aide de l’intelligence artificielle générative sans acteur ni caméra. La technologie se substitue à la Création Humaine.
[30] Le biais intentionnel de la fiction est la volonté de la consommer sous un certain état : “j’ai envie de jouer à UNAI”, “j’ai envie de regarder le film UNAI”.
[31] Schaeffer, Jean-Marie. Pourquoi la fiction ? Le Seuil, 1999. Page citée : p. 191.
[32] Schaeffer, Jean-Marie. Pourquoi la fiction ? Le Seuil, 1999. Page citée : p. 249.
[33] Schaeffer, Jean-Marie. op cit, p. 319.
[34] Haraway, Donna. Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene. Les Éditions des Mondes à faire, 2020. Page citée : p.14.
[35] Haraway, Donna. ibid, p. 22.
[36] Le modèle de Phong est un modèle d'illumination empirique utilisé en infographie pour simuler l'apparence des surfaces en 3D. Développé par Bùi Tường Phong en 1975.
Phong BT. Illumination for computer generated pictures [Internet]. Communications of the ACM. 1975 Jun;18(6) : 311-7. Disponible sur : https://dl.acm.org/doi/10.1145/360825.360839
[37] Seurat G. La Parade de Cirque [Internet]. 1887-1888. Musée d'Orsay, Paris. Disponible sur : https://www.musee-orsay.fr/
[38] Bréan, Simon. “Vers une immersion participative : étude comparée d’artefacts fictionnels en littérature, au cinéma et dans le jeu vidéo.” Cahiers de Narratologie, no. 37, 2020, https://doi.org/10.4000/narratologie.10466. Consulté le 6 sept. 2020. Page 7.
[39] Paquette-Bélanger, David. Mondes possibles et cohérence logique dans l’univers fictionnel de Stargate. Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2015. Page citée : p. 28.
[40] Paquette-Bélanger, David. Mondes possibles et cohérence logique dans l’univers fictionnel de Stargate. Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2015. Page citée : p. 13.
[41] Spielberg Steven, réalisateur. Les Dents de la mer (Jaws). Universal Pictures; 1975.
[42] L’esprit est ici le personnage anonyme incarné par le spectateur, ce dernier étant indécis sur la fonction de sa position dans le récit
[43] Dans ce dispositif de recherche-création, la structure narrative est le récit initiatique
[44] Blow J. The Witness [jeu vidéo]. San Francisco (CA) : Thekla, Inc.; 2016. Disponible sur : https://the-witness.net/
[45] Ici, la subjectivité est l’incarnation du spectateur par la caméra (à la première personne ou à la troisième personne). L’objectivité serait la capacité du spectateur à se déplacer librement dans l’espace en 3D tout en lui conférant la capacité de tout percevoir au même instant. Nous sommes le sujet du dispositif malgré notre incapacité à modifier son fonctionnement.
[46] DIY (Do It Yourself) : Acronyme anglais signifiant Faites-le vous-même. Il désigne une approche consistant à créer, réparer ou modifier des objets sans l’aide de professionnels. Le DIY couvre divers domaines, comme le bricolage, la couture, l’électronique ou encore la décoration, et s’inscrit souvent dans une démarche d’autonomie, de créativité et de réduction des coûts
[47] Bannaflak. FaceCap : Motion Capture App [Internet]. Bannaflak; [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://www.bannaflak.com/face-cap/
[48] Wikipedia contributors. Commedia dell'arte [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Commedia_dell%27arte
[49] Wikipedia contributors. Transmédialité [Internet]. Wikipédia. [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Transmédialité
[50] Groupierre, Karleen. Enjeux des transmédias de fiction en termes de création et de réception. Thèse de doctorat, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, U.F.R Arts, philosophie, esthétique, 12 juillet 2013. p. 12
[51] Groupierre, Karleen. Enjeux des transmédias de fiction en termes de création et de réception. Thèse de doctorat, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, U.F.R Arts, philosophie, esthétique, 12 juillet 2013. p.73
[52] Groupierre, Karleen. ibid. p. 75
[53] Ubisoft. Assassin’s Creed. Directed by Patrice Désilets, Ubisoft, 2007.
[54] Assassin's Creed. Réalisé par Justin Kurzel, 20th Century Fox, 2016.
[55] Kirkman, Robert, créateur. The Walking Dead. Image Comics, 2003-2019.
[56] The Walking Dead. Créée par Frank Darabont, AMC, 2010-2022.
[57] The Walking Dead. Développé par Telltale Games, Telltale Games, 2012.
[58] Dexter. Créée par James Manos Jr., Showtime, 2006–2013.
[59] The Matrix (1999), The Matrix Reloaded (2003), The Matrix Revolutions (2003). Réalisés par Lana et Lilly Wachowski, Warner Bros., 1999-2003.
[60] The Animatrix. Réalisé par divers réalisateurs, Warner Bros., 2003. La création de cette série a été supervisée par Lana et Lilly Wachowski.
[61] Enter the Matrix. Développé par Shiny Entertainment, publié par Atari, 2003. Le développement a impliqué Lana et Lilly Wachowski.
[62] Star Wars (1977), The Empire Strikes Back (1980), Return of the Jedi (1983), The Phantom Menace (1999), Attack of the Clones (2002), Revenge of the Sith (2005). Saga créée et produite par George Lucas, Lucasfilm, 1977-2005.
[63] Star Wars: The Clone Wars. Créée par George Lucas, Lucasfilm Animation, 2008-2020.
[64] LucasArts. Lucasfilm, 1982-2013. Société de création et de distribution de jeux vidéo créée en interne par Georges Lucas chez Lucasfilm.
[65] Lucas Licensing. Lucasfilm, 1989-2012. Société de licensing, qui vendait la marque Star Wars à des entreprises tierces. Par exemple, la société franchisait à Marvel la publication de bandes dessinées Star Wars. Ces œuvres étant parfois sous traitées ou déléguées, elles sont sans rapport créatif avec Lucasfilm et Georges Lucas lui-même.
[66] Lucas Online. Lucasfilm, 2000-2012. Ancienne filiale de Lucasfilm dédié à la création des sites internets de franchises Lucasfilm
[67] La bible graphique et la bible littéraire sont des outils indispensables au processus de production d’un projet de film ou de série. Il s’agit d’un objet à part entière destiné aux producteurs, artistes et financeurs pour mieux comprendre la série avant d’entamer un processus de production. Il s’agit d’une référence originale pour la création d’une œuvre audiovisuelle.
[68] Notion.so est une plateforme de productivité et d’organisation numérique lancée en 2013. Elle permet aux utilisateurs de créer des notes, des bases de données et des espaces de travail personnalisables pour gérer des projets, suivre des tâches, et collaborer de manière flexible. Disponible à l'adresse suivante : https://www.notion.so.
[69] Obsidian est un logiciel de gestion de notes personnelles lancé en 2020, permettant d'organiser et lier des idées sous forme de fichiers markdown. Il favorise la création d'une base de connaissances interconnectées. Disponible à l'adresse suivante : obsidian.md.
[70] Un wiki est un site web collaboratif permettant à plusieurs utilisateurs de créer, modifier et organiser du contenu de manière simple et rapide. Chaque page d'un wiki peut être modifiée par les utilisateurs autorisés, facilitant ainsi l'édition collective et l'actualisation en temps réel des informations. Le concept de wiki est né avec le site Wikipedia, mais il s'applique à divers types de plateformes collaboratives et de gestion de connaissances.
[71] Un dépôt Git est un espace de stockage permettant de gérer et suivre les modifications de fichiers grâce à Git, un système de contrôle de version. Il enregistre l'historique des changements et facilite la collaboration.
[72] En informatique, on parle d’outil de versioning, un logiciel permettant de suivre les modifications apportées à des fichiers ou des projets au fil du temps, en enregistrant des versions successives. Il facilite la gestion des changements, la collaboration et la restauration d'anciennes versions.
[73] Darkee, Shane1609. Star Tours : L'attraction phénomène [Internet]. Star Wars Universe, Rubrique Communauté. 21 juin 2019 [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://www.starwars-universe.com/dossier-115-star-tours-l-attraction-phenomene.html
[74] Lucas, Georges, Star Wars, Twentieth Century Fox, Lucasfilm, 121 minutes, 1977
[75] Mimène : Le terme "mimène" dérive du grec mimēsis, signifiant "imitation". En théorie du cinéma et des arts visuels, il désigne une unité d'imitation ou de représentation d'une action, d'une situation ou d'une émotion à travers des éléments formels tels que les plans, les cadrages, les gestes, les effets sonores, ou encore la musique. Un mimène peut ainsi être visuel (par exemple, un plan ou un mouvement de caméra) ou auditif (comme une musique ou un bruitage), et il participe à la construction de l'univers narratif, qu'il soit diégétique ou extradiégétique (c'est-à-dire en dehors de l'univers de l'histoire). Le mimène peut également être utilisé de manière stylisée pour produire un effet émotionnel ou symbolique chez le spectateur.
[76] Paquette-Bélanger D. Monde possibles et cohérence logique dans l'univers fictionnel de Stargate octobre. Montréal : Université du Québec à Montréal; 2015.
[77] Griffure. Comment créer ta web-série d’animation en indé ? GRIFFURE [Internet]. 2024 juil 10 [cité 2025 avr 7]. Disponible en: https://www.griffure.com/comment-j-ai-cree-ma-web-serie/
[78] BONNEFILLE V, [blog de liens], consulté le 16 janvier 2025, accessible à l’adresse : https://liens.vincent-bonnefille.fr/?fEu6wQ
[79] Hooks J. Digital Garden [Internet]. Joel Hooks; [consulté le 16 janv. 2025]. Disponible à : https://joelhooks.com/digital-garden
[80] Ici, les Wills font à la fois écho au prénom de l’auteur, mais aussi au terme anglais “will” qui est le modal du futur en langue anglaise. Les prédictions et l’esthétique futuriste proposés par l'œuvre ne sont pas objectives puisqu’elles sont le fruit d’une entité tierce : le créateur est un dieu sans foi ni loi.
[81] Blender [logiciel]. Version 4.3. Blender Foundation; 2025. Disponible à: https://www.blender.org
[82] Dans le monde virtuel en 3D de l’ordinateur
[83] Disney W, réalisateur. Alice Comedies [court-métrages]. Walt Disney Studios; 1923-1927. Accessibles à https://en.wikipedia.org/wiki/Alice_Comedies
[84] Kastrenakes J. Hideo Kojima talks about his career and the future of games at Tribeca [Article internet]. Engadget; 2017 Apr 29 [cité le 15 janv. 2025]. Disponible à : https://www.engadget.com/2017-04-29-hideo-kojima-tribeca-games.html
[85] Murzilli N. Changer la vie par nos fictions ordinaires. Lyon : Premier Parallèle; 2023.
[86] Bug : Erreur ou dysfonctionnement dans un programme informatique ou un système, entraînant un comportement inattendu ou incorrect. Il peut être causé par une erreur de code, un problème matériel ou une incompatibilité logicielle.
[87] Françoise Lavocat (dir.), La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 326
[88] Colwell E, éditeur. Jack and the Beanstalk. London : Children's Classics Press; 2020.
[89] Concept selon lequel un spectateur ou un lecteur accepte volontairement de mettre de côté son scepticisme pour adhérer à la fiction et en apprécier le récit, malgré des éléments irréalistes ou fantastiques. Ce terme a été popularisé par le poète Samuel Taylor Coleridge.
[90] Lavocat F, éd. op. cit.
[91] Lavocat, Françoise. Théorie littéraire des mondes possibles. Éditions CNRS, 2010, p. 206.
[92] Besson, Anne, et al., editors. De la pluralité des mondes : le paradigme de l'immersion dans les fictions contemporaines.Presses Universitaires de Limoges, 2021
Barnabé, Fanny. « Les univers vidéoludiques : des fictions mobiles et jouables. » De la pluralité des mondes : le paradigme de l'immersion dans les fictions contemporaines, édité par Anne Besson, Nathalie Prince et Laurent Bazin, Presses Universitaires de Limoges, 2021, p. 5
[93] Barnabé, Fanny. « Les univers vidéoludiques : des fictions mobiles et jouables. » De la pluralité des mondes : le paradigme de l'immersion dans les fictions contemporaines, édité par Anne Besson, Nathalie Prince et Laurent Bazin, Presses Universitaires de Limoges, 2021, p. 9.
[94] Starbreeze Studios. Brothers: A Tale of Two Sons. Directed by Josef Fares, 505 Games, 2013.
[95] Kouassi E-U. Science-fiction et invention de mondes. Une immersion dans les planètes imaginaires de Pierre Bordage. Ziglôbitha, Revue des Arts, Linguistique, Littérature et Civilisations, Université Peleforo Gon Coulibaly. 2023 Oct; (Hors-série N°1):119-134.
[96] Escoffier-Ulrich Kouassi est un chercheur spécialisé dans la littérature et dans la science-fiction, ayant publié des études sur des auteurs de SF tels que Jules Vernes et Pierre Bordage. Son travail sur Bordage met en lumière les planètes inventées par l’auteur et étudie l’espace science-fictionnel comme personnage à part entière du récit.
[97] langage sémiotique: Un langage composé de signes graphiques qui permettent la communication.
[98] Designer de personnage, plus communément appelé Character designer
[99] Le « fusil de Tchekhov » est un principe dramaturgique attribué à Anton Tchekhov, stipulant que chaque élément introduit dans une œuvre doit être indispensable et utilisé ultérieurement dans le récit. Tchekhov illustre ce concept ainsi : « Si, dans le premier acte, vous avez accroché un fusil au mur, alors dans le suivant, il devrait être utilisé. Autrement, n'en mettez pas là. »
Wikipedia Contributors, Wikipedia.org consulté le 28 février 2025, accessible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusil_de_Tchekhov
[100] Donna Harraway, Storytelling for Earth Survival, ibid
[101] Bonnefille Vincent, Cours Anthropologie du numérique, jardin du web, 2024, EUR ArTeC
[102] En programmation, un fork est une copie numérique de codes sources d’un logiciel. Ainsi, un programmeur peut s’approprier un code pour le faire évoluer sur son propre dépôt (repository)
https://docs.gitlab.com/ee/user/project/repository/forking_workflow.html
[103] Bonnefille Vincent
[104] Bonnefille Vincent
[105] Lopez F. À bout de flux. Paris: Divergences; 2023. Disponible à : https://bib.vincent-bonnefille.fr/book/276
[106] Wikipedia contributors. Noosphère [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noosph%C3%A8re#cite_note-1
[107] Wikipedia contributors. Vladimir Vernadski [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Vernadski
[108] Wikipedia contributors. Pierre Teilhard de Chardin [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Teilhard_de_Chardin
[109] Wikipedia contributors. Grec ancien [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grec_ancien
[110] Wikipedia contributors. Noûs [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%BBs
[111] Vincent Bonnefille
[112] GRIFFURE.ORG – William-Arno Clément, UNAI Épisode 11: Peut-être faut-il mieux rêver que vendre du rêve [Court métrage d’animation], Disponible à : https://www.youtube.com/watch?v=Dsft4ACZN2Q
[113] William-Arno Clément, BACKRUN, accessible à : https://www.back-run.com/
[114] William-Arno Clément, BETACLE, accessible à : https://www.betacle.com/
[115] Run. Mutafukaz. Roubaix : Ankama; 2006-2014
[116] Wikipedia contributors. Krosmoz [Internet]. Wikipédia. [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Krosmoz
[117] Ankama. Site officiel d'Ankama [Internet]. Roubaix: Ankama; [date de publication inconnue] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://www.ankama.com/fr
[118] Run, Hutt T. Mutafukaz 1886. Issues 4-5. Roubaix: Ankama, Label 619; 2021. 32 p. Action, Fantastique, Western. Sortie : 27 août 2021 et 19 nov. 2021.
[119] Le système transmédia des Studios Ankama a été analysé par l’auteur dans la chronique-fiction UNAI Épisode 6, Disponible à : https://www.youtube.com/watch?v=UMgK7wtsxmI
[120] Games Workshop. Warhammer [Internet]. Nottingham : Games Workshop; [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://www.games-workshop.com
[121] Games Workshop. Warhammer 40,000 [Internet]. Nottingham : Games Workshop; [1987] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://www.games-workshop.com
[122] Les premiers jeux en 3D remontent aux années 1970-1980, avec des graphismes rudimentaires basés sur des fils de fer (wireframe). Cependant, je fais référence ici aux jeux de la fin des années 1990 tels que Doom, qui étaient aux prémices de la 3D en temps réel. Le monde était alors fait de polygones. Aujourd’hui, cette esthétique est qualifiée de low-poly. Le low poly est un style 3D utilisant peu de polygones, créant des formes simples et angulaires.
[123] La question de l'archive m'a été suggérée dans le cadre de mon MIP ArTeC à l'Inathèque, où j'ai exploré les archives de guerre et leur impact sur la mémoire historique et les représentations culturelles, et sur la conservation des archives numériques. MIP EUR ArTeC
[124] Bibliothèque nationale de France (BNF) : Préserve et met à disposition le patrimoine écrit et numérique français, via le dépôt légal.
[125] Une fiction subit des pressions exercées par son environnement, comme le démontre les développement proposés par Nancy Murzilli dans le cours Dilemmes et controverses, EUR ArTeC, 2024
[126] Souchon M, Marshall McLuhan. Understanding Media, The Extensions of Man, in Communications, no. 5, 1965, pp. 127–128. www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1965_num_5_1_1041.
[127] McLuhan M. Understanding Media: The Extensions of Man. McGraw-Hill, 1964.
[128] Leprince, Jean. “Et si Facebook devenait l’Internet ?” Frandroid, 30 juin 2015, www.frandroid.com/editoid/329424_et-si-facebook-devenait-linternet. Consulté le 13 avril 2025.
[129] Sony Computer Entertainment. T-Rex Tech Demo. Demo 1 (Version 1), SCES-00048, PlayStation, 1994. YouTube, uploaded by Edymion Games, 13 July 2013, www.youtube.com/watch?v=YCtZIlolG6w.
[130] Penn, Penn, and Teller. Desert Bus. Imagineering, unpublished prototype, 1995. Sega CD.
[131] Bandai. Tamagotchi. Bandai Co., Ltd., 1996.
[132] Lazarus, Julien. Cookie Clicker. 2013, Orteil.
[133] Epic Games. Fortnite. 2017, Epic Games, www.epicgames.com/fortnite.
[134] Linden Lab. Second Life. 2003, Linden Lab, www.secondlife.com.
[135] Expérience utilisateur (UX) : Ensemble des perceptions et émotions d'un utilisateur lors de l’interaction avec un produit, un service ou un système. L’UX se concentre sur la facilité d'utilisation, l'efficacité et la satisfaction de l'utilisateur, en prenant en compte la conception, la fonctionnalité et l'accessibilité.
[136] Experience map : Outil visuel utilisé pour représenter le parcours d’un utilisateur ou d’un client à travers une expérience spécifique, en montrant les interactions, émotions et points de contact à chaque étape. Il permet de mieux comprendre les besoins et les frustrations des utilisateurs pour améliorer l'expérience globale. Comme la cartographie du parcours de nos personnages, elle est imprévisible est parfois soumises à des défaillances.
[137] Three.js [Framework de développement 3D pour le web]. [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://threejs.org
[138] jQuery [Internet]. The jQuery Foundation; [2006] [consulté le 19 janv. 2025]. Disponible à : https://jquery.com
[139] Griffure. "UNAI." https://www.unai.pm. Accédé le 11 avril 2025.
[140] Griffure. "UNAI THEATER." UNAI, https://theater.unai.pm. Accédé le 11 avril 2025.
[141] Valve Corporation. Portal [jeu vidéo]. Bellevue: Valve Corporation; 2007.
[142] Disney Imagineering. Nautilus à Disneyland Paris [Internet]. Ouverture : 4 juillet 1994, Disneyland Paris; [consulté le 19 janv. 2025].
[143] Forceville C, Jeulink M. The flesh and blood of embodied understanding: The Source-Path-Goal schema in animation film. Pragmatics & Cognition. 2011;19(1):37-59. doi: 10.1075/pc.19.1.02for.
[144] Forceville C, Jeulink M. “The Flesh and Blood of Embodied Understanding: The Source-Path-Goal Schema in Animation Film.” Pragmatics & Cognition, vol. 19, no. 1, 2011, pp. 37–59. doi:10.1075/pc.19.1.02for. p. 43.
[145] Mourier, Anne-Isabelle « Le petit prince de Saint-Exupéry : du conte au mythe ». Études littéraires 33, no 2 (2001) : 43–54. https://doi.org/10.7202/501292ar
[146] Saint-Exupéry A. Vol de nuit. Paris: Gallimard; 1931.
[147] Anne-Isabelle Mourier
[148] Anne-Isabelle Mourier
[149] Saint-Exupéry A. Le Petit Prince. Paris : Gallimard; 1943.
[150] Mourier, Anne-Isabelle. « Le petit prince de Saint-Exupéry : du conte au mythe. » Études littéraires, volume 33, numéro 2, été 2001, p. 43–54. https : //doi.org/10.7202/501292ar
[151] Mourier AI. op. cit., p. 4
[152] Cueille J. « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort » : la quête initiatique dans la culture populaire. Sociologie clinique. 27 sept 2022;131‑68.
[153] Cueille J. op. cit.
[154] Anne-Isabelle Mourier
[155] Kouassi E-U. op. cit.: 120. page 131
[156] Shimizu, Takao (réalisateur), Miyamoto, Shigeru (producteur), Lylat Wars, jeu vidéo Nintendo 64, Nintendo EAD, 1997.
[157] Wada, Makoto (réalisateur), Takeda Genyo (producteur), PilotWings 64, Jeu vidéo Nintendo 64, Nintendo R&D3, Paradigm Entertainment, 1997.
[158] Microsoft Games, Microsoft Flight Simulator 2004, Jeu vidéo Windows, 2003
[159] Fabrication de sens et de signes dans un univers fictionnel transmédia
[160] Paquette-Bélanger D. op. cit., p. 20.
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